mardi 14 décembre 2010

Sans filet

13 décembre 2010

Mon cheval, c'est mon psy.
Dès que je rentre dans son box, il m'observe d'un air grave comme un toubib qui ausculterait son patient dans son cabinet médical en cherchant quelque pathologie qu'il pourrait faire disparaître par la grâce de sa science.
Et mon chwal, comme thérapeute, il est drôlement efficace : en une séance, deux bisous et trois câlins, il a cette capacité inouïe de me faire oublier l'intégralité de mes tracas quotidiens sans même avoir à me demander de me parler de ma môman.
Trop fort le chwval. :)
Au fil des séances, je deviens de plus en plus un adepte de la secte équitation, avec la particularité que l'équitation est la seule secte dans laquelle on puisse monter sur le gourou. :D

Bref, je ne vous présente plus Mowara, ma tâchue préférée, qui m'est attribuée pour cette dernière reprise de l'année qui devrait se dérouler dans une ambiance ludique et détendue.
Pour l'occasion, j'escompte bien faire une beauté à la Mô, mais je me rappelle avoir eu le plus grand mal à lui bidouiller trois vilaines tresses lors de notre dernière association. Et elle ne semble pas plus disposée ce soir à se laisser faire...
Câlins, mots doux, grattouilles, rien à faire : la grosse ne veut pas plus me prêter sa crinière que la dernière fois... D'un autre côté, je veux bien comprendre que ce ne soit pas un moment des plus confortables : elle est chatouilleuse du garrot, et archi-sensible du toupet.

Pour parvenir à mes fins, je commence par lui caresser la joue avec la brosse douce. Ceci a des vertus magiques : si fait correctement, ça la calme instantanément de façon quasi-hypnotique. En insistant un peu, je suis sûr que je pourrais ainsi l'endormir !
J'enchaine en lui tressant une natte au milieu de la crinière, là où elle semble manifester le moins de sensibilité, et la récompense avec moultes félicitations, caresses, et surtout un petit bonbon à la carotte.
Elle s'est par la suite totalement laissée faire pour que je puisse terminer mes fanfreluches. :)

Elle est bien, ma Mô. Elle est expressive, sait manifester clairement ses humeurs sans faire preuve d'agressivité et pige vite ce qu'on attend d'elle pour peu que l'on sache s'y prendre.
Mais vu le format de la bête, j'aurais dû de suite penser qu'il fallait d'abord parler à son estomac qu'à sa tête.


En rejoignant le manège, je croise d'abord à l'attache un poney pie qu'une jeune fille finit de préparer, suivis des cavaliers de la reprise précédente rentrant à l'écurie, accompagnés de La Monitrice courant je ne sais où :
- Rentrez, je vous rejoins tout de suite. Juste le temps de récupérer ma bombe et Pirouette, et je suis à vous. :)
Pirouette, c'est justement le poney pie croisé précédemment : ce soir La Mono monte avec nous ! :D
Un petit mot sur Pirou : pour faire simple, c'est Mowara qu'on aurait réduit de taille, mais uniquement dans le sens de la hauteur. Car en largeur, les deux saucisses se font une rude concurrence...

La Mono fait bien de nous accompagner ce soir. Encore une fois, nous sommes en nombre réduit, sa présence fait ainsi monter le nombre de cavaliers à six, ce qui permet en plus de composer deux équipes égales pour les jeux à venir.

Détente rapide aux trois allures. La Monitrice est engoncée dans une grosse doudoune, des gants bien épais et a chipé le couvre-rein en polaire de sa monture pour s'en couvrir ses jambes. Les températures sont franchement négatives ce soir...
Malgré cette surcharge vestimentaires, elle nous bluffe pendant la détente en dirigeant sa monture avec une facilité et une légèreté qui contraste incroyablement avec son accoutrement. Je sens que ce soir, nous aurons droit à une nouvelle leçon d'équitation de Son Altesse Royale...

C'est parti pour un relais aux quatre coins. Lors de mes tours de galop, il y a encore trop de choses qui me traversent le ciboulot pour être réellement efficace à cette allure. J'en suis encore à réfléchir à trop de choses en même temps.
A ma posture sur ma selle.
A bien accompagner le mouvement avec mon bassin.
A ne pas lever mes mains.
A diriger ma monture.
Toute cette réflexion ayant tendance à nuire nettement à mon rendement au galop, nous devons compter sur les excellentes prestations de La Monitrice pour ne pas paraître trop ridicule face à l'équipe concurrente.
Bref, on rigole bien, mais je reste perplexe face à mes prestations personnelles. Je manque d'aisance, d'assurance, de technique et de plein d'autres choses qui me rappellent que je ne suis encore qu'un jeune padawan petit scarabée apprenti.

Nous enchaînons avec les Eperviers. La Monitrice fait le premier chasseur, inutile de préciser que cette partie est bouclée rapidement et proprement.
Nous nous concertons entre cavaliers débutants pour nous mettre d'accord sur le fait que La Monitrice bénéficie de quelques avantages de part son niveau bien supérieur.
- T'es trop forte ! Je suis sûr que tu pourrais nous rattraper sans les mains, sans la selle, toussa...
- Je suis même prêt à monter sans filet, ça me fait pas peur !
- Naaaaaaaan, quand même pas !

Ben si.
Sous nos yeux admiratifs, elle retire le filet de la bête qu'elle ira poser délicatement sur le pare-botte et passera tout le reste de la reprise à diriger sa monture avec les jambes, l'assiette, et même parfois en tenant les oreilles de Pirouette façon guidon de vélo !
Elle en a tout de même un peu bavé, mais je crois que l'on a jamais autant rigolé lors d'une reprise du lundi soir ! :D
Il était également très drôle de voir les bestioles aller se planter la tête dans le mur de paille qui tapisse un côté du manège, y attraper une bonne bouchée avant de repartir ainsi au galop dans l'autre sens en mâchouillant leur pitance ! :D

Mais au fur et à mesure des parties, la Mô commence sérieusement à se ramollir, ce qui fait de moi une proie de plus en plus évidente pour des chasseurs à cheval toujours prompts à sauter sur celui qui traîne.
Pour l'aider à la remotiver, je lui met un petit coup de rênes sur l'épaule, ce qui la réveille aussitôt et la mettra en mode fusée à la moindre sollicitation pour le reste de la soirée.
Et pour assurer mon équilibre lors des traversées de la cour de récréation au galop, je décide d'arrêter de réfléchir et de poser les mains sur l'encolure un peu comme si je devais tenir en équilibre. J'ai trouvé ainsi les galops beaucoup plus naturels, et surtout, à ma grande surprise, nettement plus confortable !

Comme quoi, trop réfléchir, ce n'est pas bon.

Pour réussir en équitation, il ne faut pas être con. Mais un petit peu, ça aide. :)

A l'année prochaine.

mardi 7 décembre 2010

Un boyau de vide sur la diagonale

6 décembre 2010

J'innove encore ce soir ! Après Tartuffe la semaine dernière, je pars à la découverte d'un autre vieux clou du club nommé Don Nuevo, un hongre bai que je n'avais pas beaucoup remarqué jusque-là.
L'abord d'un nouveau cheval est toujours un moment particulier. Est-il curieux, câlin, ou plutôt rétif et indifférent, chaque bestiole révèle son lot de surprise que je suis toujours impatient de découvrir. :)

Une fois rentré dans le box, je suis immédiatement saisi par la beauté de la bête. Un corps fin et bien dessiné, un dos droit, un garrot saillant qui semble trahir quelques années, un poil court et luisant, Don Nuevo est un cheval de bonne taille qui soigne consciencieusement son apparence. :)
Je suis de suite sous le charme et lui adresse mon bonjour avec beaucoup de tendresse et de trémolos dégoulinant.

Mais Monsieur n'en a que faire. Il a la tête dans la mangeoire à avaler ses granulés sans autre considération de ce qui puisse se passer par ailleurs. Il passerait un TGV dans son box qu'il n'en bougerait pas d'un cil...
J'en déduis qu'il revient d'un reprise précédente, ce qui explique son repas tardif et sa tenue soignée, le cavalier précédent ayant manifestement fait du bon boulot de pansage.
Je me rapproche tout de même de ses oreilles, et lui adresse un autre bonjour avec force assistance, histoire de lui faire remarquer ma présence et lui signifier que nous allons passer ensemble quelques moments que j'espère agréables pour tous les deux.
Mais Môssieur daigne à peine lever un sourcil. :/
- Tu vois pas que je suis en train de grailler ? Me dit-il d'un air agacé.
- Hé, ho, je viens juste dire bonjour, c'est la moindre des choses, surtout qu'on ne se connait pas vraiment.
- Ouais, ben, le repas, c'est sacré. T'aimerais pas qu'on te casse les pieds pendant le tien, n'est-ce pas ?
- Certes... Je peux quand même passer un coup de brosse ?
- Je ne suis pas assez propre comme ça ???
- Euh, si... Mais c'est juste pour le plaisir...
- Ecoute, fais ce que tu veux, mais tu me laisses bouffer.

Je vois, Monsieur a ses priorités. La bouffe d'abord plutôt que les câlins, c'est bien un mec lui aussi...

Je panse tout de même par principe, le temps que Boyau-de-Vide finisse son assiette et que l'on reparte sur de bonnes bases.
Mais peine perdue, une fois la mangeoire proprement vidée, la bestiole décide d'explorer consciencieusement le sol histoire de ramasser les quelques granulés tombés par terre qu'il serait dommage de laisser trainer. J'en profite pour curer les pieds vite fait, le cavalier précédent ayant réalisé un excellent travail avec des sabots dans un état de propreté comme je n'en avais jamais vu auparavant. Chapeau. :)

Je lui bricole tant bien que mal sur la crinière mes cinq nattes devenues traditionnelles. Cela n'a rien d'évident, il fait relativement sombre dans le box et Môssieur refuse de décoller son museau de la paille.
- T'as pas assez bouffé toi ?
- Non.

Equipement de la bête, et direction l'entrée du manège où la reprise précédente touche à sa fin. Les cavalières en piste franchissent une dernière fois un oxer placé au milieu du carré de sable, quand la monture de l'une d'entre elles refuse l'obstacle, faisant ainsi passer sa conductrice par delà ses oreilles.
Mais cette dernière réussit avec maestria à atterrir entre les barres, sans toucher ni l'une ni l'autre ou presque. Ceci étant bien entendu parfaitement contrôlé, la grande classe. :)

Bref, c'est notre tour.

Détente, puis trot assis, et quelques tours au galop pour se mettre en jambe. Suite à la remarque sur ma posture la semaine dernière, je fais particulièrement attention à bien accompagner le mouvement avec le bassin, et les sensations sont ainsi bien meilleures. Déjà un bon point ! On commence enfin à prendre du plaisir avec la bête, cette dernière semblant bien apprécier de se dégourdir ainsi les jambes.
D'autant qu'elle se conduit avec une certaine légèreté, précise dans la direction, mais des allures à maintenir tout de même avec les jambes sans avoir cependant à trop forcer.

Ce soir, nous reprenons là où nous en étions la semaine dernière, à savoir placer ses aides pour demander un départ au galop dans les règles. Mais l'exercice se corse : il ne s'agit plus de partir sagement sur la piste, mais de s'extraire d'un cercle, partir au trot, et aller chercher une diagonale avant de demander le galop en son milieu et y rejoindre la piste.
Je me lance dans les premiers, et Don Nuevo me surprend en partant dès l'esquisse de placement des aides. Je fais ainsi mon petit tour tranquille avant de rejoindre les autres dans le cercle. Et il arrive ce que je craignais : les cavaliers s'en extraient à un rythme désespérément lent...
Etant décidé à ne pas passer la seconde partie de la reprise à tourner en rond, je me relance pour un autre tour. Et à peine sur la diagonale, sans que je n'ai lui ai demandé quoique ce soit, Boyau-de-Vide part d'un coup à un galop généreux, allant à peu près n'importe où sans que je ne contrôle quoique ce soit...
Un troisième essai confirmera la tendance de la bête à s'emballer et au cavalier que je suis à paniquer. Ouch...
Je rejoins le cercle pour constater qu'au fur et à mesure que les chevaux passent, l'exercice se transforme en grand n'importe quoi.


La Monitrice interrompt alors la partie et nous demande de venir nous voir.
Et ça, ce n'est jamais bon...
S'ensuit une soufflante bien méritée, en particulier sur le respect de la diagonale qui se fait couper quasi-systématiquement.
Bon, nous allons essayer de nous appliquer, nous n'aimerions pas passer le reste de la reprise à travailler les diagonales...

Sur ce, j'y retourne, mais pour le même résultat pitoyable : Don Nuevo m'embarque dès la sortie du cercle et manque ainsi de me foutre par terre. La Monitrice m'interpelle d'un ton rassurant :
- Ce n'est pas tout à fait de ta faute, il commence à chauffer. Retournes-y, mais fais le partir au pas, car ça commence à lui monter à la tête...

J'obéis scrupuleusement, ce qui me permet de finir sur une note à peu près propre sans que ce ne soit pour autant parfait.
Il y a encore du boulot.
Plein.

Je ramène la bête au box, et à peine ai-je eu le temps de remettre son matériel à la sellerie que je retrouve Boyau-de-Vide le nez dans la litière à avaler goulûment quelques brins de paille.
Il soulève un sourcil.
- Tiens, t'es encore là ? me dit-il.
- Bah oui, je n'ai pas l'habitude de laisser mes montures sans un minimum de soins après les reprises.
- Pfffffffffff... 'Peut vraiment pas être tranquille...

Je brosse tout de même par acquit de conscience, jusqu'au moment où la bête soulève net sa tête et se met à renifler mon pantalon.
- Toi, t'as mis des friandises dans ton falzar !
- Ouais, j'en ai quelques unes dans ma poche, mais patience, c'est pour la fin, juste avant de partir, histoire de dire au revoir.
- T'as qu'à donner tout de suite et ficher le camp. :)
- Hé, ho, laisse-moi au moins le plaisir du pansage, tu pourrais tout de même faire semblant d'apprécier !
- Mouais... Bon, tu te magnes ?

Je finis le boulot, remballe le matériel et ferme le box. Boyau-de-Vide sort alors sa tête et me regarde d'un air que je pourrais prendre pour une velléité de tendresse.
- Alors, Don Nuevo, tu veux bien me faire un petit câlin ?
- Pas du tout. Je m'assure qu'il ne te reste pas un truc à grignoter.

Pfff, saleté. :D

mardi 30 novembre 2010

Galops et tartufferies

Préambule

La veille, comme depuis plusieurs jours, il faisait bien frais au centre équestre. Nous avions prévus ma fille et moi de quoi se sustenter après sa reprise avec quelques tranches de cake aux fruits confits et surtout un bon gros thermos de chocolat chaud.
Mais à l'issue de la reprise, Fifille, toute contente de retrouver sa copine, s'en est allée faire la fofolle dans je ne sais quelle cachette secrète. J'ignore encore où elle se situe, mais je constate qu'elles en reviennent avec des brins de paille de la tête jusqu'aux pieds et un gros sourire moqueur aux lèvres façon tu-trouveras-jamais-où-on-était !
Bref, attablé seul avec la pitance, j'invite la Mono et une collègue de se joindre à moi pour partager le cake et le chocolat. La Mono appréciant peu les fruits confits, s'en est suivi une discussion sur les préférences des uns et des autres en matière de tartes et gâteaux. J'ai fini par lâcher qu'il m'arrivait parfois de confectionner des tartes au citron meringuées qui se tiennent assez bien, ce qui a aussitôt attiré l'attention de La Mono :
- Ah oui, la tarte au citron, j'aime beaucoup, je ne suis pas contre que tu en ramènes la prochaine fois. :P
- Certes, mais pour ça, il faudra d'abord que je tombe...
- Hmmm... Je vais voir demain ce que je peux faire pour toi...

Lundi 29 novembre 2010

Ma fille m'avait prédit que je monterai Quick. J'espérais personnellement Esparade, un grand bai qui m'attire l'œil depuis quelques temps, mais je misais plus volontiers pour un retour sur Granolat ou Itis.

Raté sur toute la ligne, j'hérite ce soir de Tartuffe. Un vieil alezan de taille modeste, deux belles balzanes derrière, des chaussettes dépareillées devant (c'est bien un mec, tiens) et une belle liste sur la tête qui a dû servir de modèle aux manuels d'équitation.
Mais Tartuffe est surtout un vieux monsieur. Il va sur ses vingt-quatre ans, mais bon-pied bon-oeil avec un bon esprit farceur. Avant de procéder à tout pansage, je profite d'avoir un peu de temps devant moi pour essayer de faire connaissance avec le Vieux. On discute, on caresse, on grattouille, j'aime bien aller à la recherche des points sensibles, et même parfois on rigole, surtout quand il me regarde d'un air ahuri faisant mime d'approuver telle grattouille à tel endroit !
Ou fronçant les sourcils (ne les cherchez pas, c'est une image) quand il apprécie moins.
Bref, il est expressif et sais très bien se faire comprendre. Je n'en oublie pas pour autant qu'il avait tout de même réussi à foutre par terre sa cavalière par deux fois il y a quelques semaines de ça...

Mon entrée dans le manège est assez mémorable. Mes collègues étant tous à la bourre ce soir là, je me retrouve quelques instants seul face à La Mono en attendant que les cavaliers de la reprise précédente aient quittés les lieux. La Mono me regarde d'un air tout étonné :
- Tiens, tu montes Tartuffe toi ce soir ?
- Euh... Ben oui... Enfin, c'est qu'il y a d'écrit sur la feuille...
- Hein ? Mais qu'est-ce j'ai foutu moi... Jéjé, il monte qui ?
- Pas bien vu. Quick, il me semble...
- Quick ? Nan, ça m'étonnerait...
- Par contre, j'ai vu que mon nom était d'abord associé à Gulliver avant d'être barré puis reporté sur Tartuffe.
- Ah bon ? Mais qu'est-ce qui m'a pris, moi aujourd'hui...

Donc, je monte Tartuffe ce soir. Je ne l'avais pas prévu personnellement, il semblerait que La Mono non plus ! :D

Une fois en selle, Monsieur n'attend pas que je règle mes étriers pour partir sur la piste, et à bonne allure s'il vous plaît ! Bah, si ça lui fait plaisir... Je prends mon étrier gauche, rallonge l'étrivière, et voilà le Tartuffe, pris par je ne sais quel moment de panique, qui fait une brusque embardée sur la gauche avec mine de partir au galop ! Avec un étrier dans la main et les rênes posées sur la selle, je n'en menais vraiment pas large... :S
Je ramène la bête au calme, le gronde gentiment, et reprends mon ajustage là où je l'avais laissé précédemment.

Et voilà que je t'embarque une seconde fois.
Et voilà que je t'embarque trois fois.
Et voilà que je t'embarque quatre fois.

Je me dirige alors vers la Monitrice et l'apostrophe ainsi d'un air inquisiteur :
- Dis-donc, le Tartuffe, tu ne lui aurais pas parlé de ma tarte au citron à tout hasard ?
- Bien sûr que si. Même que je lui ai promis tout un seau de carottes.

Tss, tss... Vilaine monitrice...

Je finis tant bien que mal par remettre les pieds dans des étriers à bonne longueur, pour constater que le Vieux se laisse conduire avec beaucoup de facilité, réactif aux jambes, précis dans la direction, volontaire dans l'effort, bref, un bon petit gars. :)
Et c'est parti pour la détente au trot. Dès les premières foulées, je sens un truc qui cloche, une allure nettement plus heurtée que celles auxquelles j'étais habitué jusque là.
- Il a un trot bizarre, le Tartuffe...
- Ben oui, il est un peu vieux et donc un peu raide.
- On va très bien ensemble. ^^

S'ensuit une petite séance de trot enlevé sans étriers, de préférence sur le bon diagonal (sans étriers, je gère pas) histoire de bien réchauffer des cavaliers passablement refroidi par la précocité de l'hiver. Pour tout dire, et au vu des températures négatives affichées sur le thermomètre, je ne m'imaginais pas transpirer ce soir. Et pourtant...

Mais nous entrons dans le vif de la séance avec la mise en place des aides pour demander un départ au galop à partir du pas, et de préférence à juste bien entendu.
Si je me souviens bien :
- On crie YAHAAA et ça part tout seul ;
- Jambe intérieure à la sangle ;
- Jambe extérieure isolée ;
- Poids du corps sur l'extérieur pour soulager l'épaule intérieure ;
- Eventuellement bout du nez vers l'intérieur (ah tiens, je croyais que c'était le contraire...)
- On sert les mollets, et ça doit partir tout seul. :)
NDA : le blog, ça fait aussi un bon pense-bête.

Après quelques tâtonnements, force est de constater que ça fonctionne plutôt bien. La Monitrice commande les départs au galop un par un, jusqu'à ce que tout le monde soit dans l'allure. Si jamais nos montures passent au trot, il nous est demandé de revenir au pas afin de redemander le galop comme il nous a été précédemment enseigné.
Au final, c'est plutôt rigolo à mettre en œuvre. :)

On s'amuse ainsi aux deux mains avant de pratiquer au trot une extension d'encolure afin de faire souffler nos montures. C'est amusant de sentir les rênes s'échapper petit à petit de nos mains au fur et mesure que le cheval s'étend ainsi, c'en est presque apaisant. :)

Retour au box, pansage, câlins, tout ça. Et je finis par laisser reposer délicatement ma tête quelques instants sur l'encolure du Vieux façon coussin, juste parce-que ça me détend et que j'aime ça. :)

Et puis j'avais pas envie de sortir du box. Dehors, ça caille.

mardi 23 novembre 2010

Salon de thé et barres au sol

22 novembre 2010

Loi de Murphy appliquée à l'équitation : les chevaux ont d'autant plus tendance à se rouler dans la boue et le crottin qu'ils sont clairs de robe.
Corolaire à la loi de Murphy appliquée à l'équitation : les chevaux pies ne se salissent que sur les parties blanches.

La Mô ne fait pas exception ce soir. Elle est un petit peu crotteuse et je m'en réjouis, ça me donnera d'autant l'occasion de la frotter avec amour. :)
Par ailleurs, elle ne fait pas, ou si peu, de poils d'hiver, et il est relativement aisé de lui donner un petit peu de brillant pour peu que l'on prenne la peine de la brosser consciencieusement. Mais il paraît que certains bestiaux, comme Mô ou Gulli pour ne pas les dénoncer, sont parfois retors à l'idée de se faire bouchonner...

J'en discutais justement la veille avec Kris, durant la reprise de ma fille. Elle et moi suivons les mêmes reprises du lundi soir tandis que nos filles respectives partagent celle du dimanche après-midi, ce qui permet de s'échanger nos impressions quant au cours précédent et établir quelques pronostics sur celui du lendemain.
Kris montait justement Mowara ce lundi dernier pendant que je me tassais consciencieusement le gras de mes fesses sur la Grano. La Mô étant justement réputée pour être un peu farouche, Kris m'expliquait qu'elle avait eu toutes les peines du monde ne serait-ce qu'à lui mettre un petit coup de brosse...

J'ai manifesté un air étonné, que j'ai par la suite transformé en un sentiment de plénitude personnelle proche de l'auto-satisfaction. D'aussi loin que je me souvienne, et je ne suis pas encore suffisamment ramollo du bulbe pour omettre ce genre de détail sur une douzaine de reprises, je n'ai pas encore eu l'occasion d'être confronté à de franches révoltes de la part de mes montures au moment des soins et grattouilles. :)

Ce soir-là ne fit pas exception. Certes, Mowara n'est pas super câline dans son genre, apprécie modérément le passage de la brosse sur le ventre et qu'on lui manipule la crinière, mais se laisse finalement bouchonner sans manifester autre chose que quelques mouvements de queue en guise de protestation. Et dès que je sens la moindre bribe d'agacement, je retourne lui brosser les fesses ou les joues, ce qui la calme derechef.
Encore faut-il le savoir... :)

Bref, je rêve, je fantasme, et tout jeune cavalier que je suis, je m'imagine être capable d'être à l'écoute de mes montures, d'en prendre soin jusqu'à tisser un lien de confiance entre nous et qu'elles me restituent une partie de l'affection que je leur consacre à chacune de mes visites.

Mowara n'a pas souhaité que je lui natte de sa crinière. L'ingrate.

Passé cette accès de mauvaise tête, elle se retrouve toujours aussi agréable une fois les fesses posées dessus. Précise, réactive, volontaire, et d'un confort inouï au trot assis... quand on a goûté à la Grano la semaine précédente. ^^

Nous ne sommes que six ce soir dans le manège. Mumu a apporté à la Mono un thermos d'eau chaude accompagné de quelques sachets de thé et des gobelets pour servir tout ça. C'est une délicate attention qui rend ainsi La Mono de super bonne humeur. Assise ainsi sur son ballot de paille, je m'apprêtais pourtant à lui balancer une petite vacherie, mais face à son sourire en coin, je me suis finalement abstenu. :)

Après la détente, La Mono prend le temps de nous expliquer le pourquoi de certains exercices, du trot assis au travail en équilibre, et nous fait comprendre que non, la mise en selle n'est pas destinée qu'à reporter sur les jeunes élèves les sévices subies durant les longues années d'apprentissage.

Mais un peu quand même.

Donc ce soir, passage de barres au sol. L'occasion de travailler les allures en équilibre avec comme objectif personnel de lâcher enfin cette fichue crinière.
Plus compliqué que je ne me l'imaginais, je me contente pour l'instant de mettre mes mains en contact sur le haut de l'encolure qui pour me donner le point d'équilibre nécessaire à rester en place. Mais ça a au moins la mérite de me faire baisser mes mains tout en me permettant de bien suivre le mouvement sans se raccrocher aux rênes.

Le franchissement des barres en elles-mêmes ne posent pas vraiment de problèmes, si ce n'est des passages pas toujours très au milieu, mais je me fais surtout remarquer pour ne pas serrer suffisamment les mollets autour du gros bidou de la bête.
Je rectifie le tir au fur et à mesure des passages, mais rien à y faire, ça ne semble jamais suffisant. "Les mollets ! Serre les mollets !!!" sera mon leitmotiv de la soirée. J'aurais eu beau serrer autant que possible, ça n'aura jamais été suffisant. Il y a manifestement un truc qui m'échappe...

Fin de la séance, retour au box, pansage soigneux et gros câlins précédent une tentative foireuse de prendre quelques photos de nous deux façon t'es-ma-bestah-que-je-te-fais-pleins-de-bisous-que-je-t'aime-trop-fort-c'est-pour-la-vie.

Oui, je sais, je régresse. ^^

La nuit, ni crampes ni courbatures ne viendront troubler mon sommeil. Elle avait raison la diablesse Mono, je suis encore trop mou du genou. :S

La prochaine monture n'aura qu'à bien se tenir, à la fin de la séance, elle m'appellera "L'Etau".

Ou pas.

mardi 16 novembre 2010

La trotteuse et la crampe

Préambule
Dimanche 14 novembre 2010

Outre le fait d'aller admirer Beltane monter Granolat avec un certain bonheur pour sa séance du dimanche matin, ma fille m'avait entraîné au centre équestre dans le but de demander à la Monitrice de lui réserver Paillette, son shetland gris pommelé préféré qu'elle n'avait encore jamais monté...
- Ah mais c'est trop tard, j'ai déjà établi ma liste pour l'après-midi !
- Hmm... J'ai fait des crêpes ce matin... Des crêpes au Nutella...
- Mouais... Elles sont grandes comment tes crêpes ?
- Ben, normales quoi, des crêpes de crêpières, pas les grandes des professionnels.
- Ah, mais ça ne va pas, j'aime que celles-là moi !
- Gasp... :(
- Bon... Écoute, amène deux crêpes, au moins, et on verra ce que je peux faire...

Miracle, en arrivant l'après-midi, le prénom de ma fille était inscrit dans la case de Paillette ! :D

La reprise terminée, armés d'une boite en plastique blindée de crêpes au Nutella, nous nous sommes rendu au bureau où se trouve La Monitrice pour nous acquitter de notre dette. Elle se mit alors à savourer son dû devant un parterre de cavalières les yeux humides et la bave aux lèvres...
Une fille : Ben, c'est pas juste ! Pourquoi tu as droit à des crêpes au Nutella, toi ?
La Monitrice : C'est ça d'avoir des élèves qui tombent...
Moi : Ben... Je suis jamais tombé !!!
La Monitrice : Ah oui, c'est vrai... Il faudrait que j'y remédie...
Une fille, jalouse : T'as qu'à lui donner Quick pour une séance de saut !
La Monitrice : Quick au saut, c'est sûr, il va tomber... ^^

Ça m'apprendra, tiens...

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15 novembre 2010

Je rigole.
Bon, je suis toujours de bonne humeur pour peu que je mette un pied dans un centre équestre, mais ce soir je rigole vraiment un prenant connaissance de ma monture du jour. En effet, je me retrouve avec Granolat, la trotteuse que Beltane avait étrenné la veille et dont elle m'avait dit le plus grand bien. Je me délecte par avance à l'idée de la rendre verte de jalousie au moment de lui apprendre la nouvelle. :D

Dans le box, elle est toute propre, c'est suffisamment rare pour être souligné, et ça fait bien plaisir. Le pansage est une formalité, la demoiselle étant d'une gentillesse exemplaire et réceptive à toute forme de câlins et de bisous. :)
Je me laisse donc aller à l'affubler de quelques coquetteries bien méritées. Je décide d'innover en lui tressant cinq petites nattes disposées de façon régulière le long de la crinière. Et pour une fois, j'avoue être assez content du résultat, l'ensemble est plutôt propre et présente bien. Je rentre donc dans le manège avec une certaine fierté, impatient de découvrir en selle ma nouvelle compagne.

A la détente, je fais mon fier en passant devant la Monitrice, torse bombé, port altier, et tout le tralala.
- Jolies, les tresses, dit-elle, et bien régulières en plus, bravo.
Hihi...^^
- Mais c'est dommage pour les brins de paille dans la queue... En principe, tu me dois une bouteille...

Comme quoi, la fierté, ça tient à peu de chose...

Détente au trot. Comme les semaines précédentes, je galère à vérifier sous le bidon de la monture si je suis sur le bon diagonal. Je m'emmêle les pinceaux régulièrement et me fait d'autant rappeler à l'ordre. Il est donc temps de changer de tactique : je laisse tomber les jambes et me concentre donc sur le mouvement des épaules.
Et là, déclic ! Je trouve le truc tout de suite, de façon presque instinctive, sans avoir à me contorsionner de tous les côtés, ce qui me permet enfin de regarder devant moi, et non plus dessous...
Pourquoi n'y avais pas pensé plus tôt ? Jusqu'à la fin de la séance, je ne me suis plus trompé une seule fois !
Content. :)

Mais la séance n'a pas encore vraiment commencé. Les choses sérieuses débutent réellement avec le trot assis sans étriers, et je vais découvrir durant le reste de la reprise ce qui se cache vraiment derrière une trotteuse...
Depuis le début de l'année, je n'ai pas le souvenir d'avoir été autant secoué.  Mes sismographes étant à saturation, j'éprouve les plus grandes difficultés à tenir en selle, chaque bosse et chaque virage ayant tendance à me faire glisser d'un côté ou d'un autre. Pour rester à peu près en place et maintenir l'allure, je dois m'employer avec les jambes avec une vigueur qui me fait rapidement transpirer sang et eau malgré les six degrés de température. Le petit pull était décidément de trop ce soir...

Après cette petite mise en bouche au trot, le galop - toujours sans étriers - est presque un soulagement ! Pour les autres, c'est une découverte, pour moi, un vrai bonheur sur une jument volontaire à cette allure. Elle boucle son premier tour à une vitesse inédite qui m'aurait frisé les moustaches si j'en avais une, mais à l'approche de la Monitrice, elle freine un bon coup et repasse au trot, m'envoyant ainsi faire connaissance avec l'intimité de son toupet.
Ouf, la chute n'était pas loin...
Je me raccroche in-extremis, et repart au galop tout aussi gaillardement. Et au bout d'un tour, re-belote. Monitrice, coup de frein, et embrassade à l'encolure...
- C'est dingue, à chaque fois qu'elle passe ici elle repasse au trot !
- Oui, c'est parce-qu'elle me voit... ^^

Je repars pour un dernier tour, mais cette fois ci, j'anticipe le coup. La Grano repasse bien au trot comme prévu, mais je reste droit comme un piquet, et resserre les jambes un bon coup pour assurer l'équilibre.
Et crac, la crampe au mollet, la belle, celle qui fait semer des étoiles un peu partout... Décidément, chaque séance est l'occasion de faire connaissance avec de nouvelles souffrances...

Ouf, un petit tour au pas pour faire souffler chevaux et cavaliers est le bienvenu. A peine la moitié de la séance est-elle passée que je suis déjà exténué et perclus de douleurs... :S

Pour le galop à l'autre main, la Monitrice propose de rechausser les étriers. Fier comme je suis, je décide de rester pieds nus et d'assumer jusqu'au bout. Mal m'en pris, je n'arrive plus du tout à serrer les pattes, et manque à plusieurs reprises de mordre la poussière dans les diverses transitions. La Monitrice, ayant bien repéré mes difficultés, m'interpelle :
- Bon, Daniel, je sais à quoi tu penses...
- Ah ?
- Oui, contrairement à ce que tu pourrais croire, je ne t'ai pas refilé Granolat pour que tu te foutes par terre, même si tes crêpes sont excellentes...
J'avoue que cette pensée m'avait pourtant traversé l'esprit... J'accorde donc un point médium à la Mono.

Nous finissons la séance avec des exercices en équilibre aux trois allures. Se tenir debout est une bénédiction, cela me permet de procéder en parallèle à quelques étirements qui me soulage la gambette avec bonheur.
Et puis l'équilibre est un exercice que j'aime bien. En accompagnant bien le mouvement avec les jambes, c'en est presque confortable au trot et grisant au galop. Il faudra quand même que je lâche cette crinière un moment ou un autre...

Et pour la première fois, le mot "saut" est prononcé La Monitrice. Non pas que ce soit prévu à court terme, mais il nous a été promis quelques passages de barres au sol pour la prochaine séance...
Youpi. :)

Je retourne au box complétement lessivé. Je libère Grano de son équipement, qui en profite pour effectuer sous mon nez une belle roulade dans la paille.
Après le pansage, je me surprends à coller ma tête contre son encolure façon oreiller, et me demande si je n'ai pas somnoler pendant quelques instants... Je me serais laissé aller un peu plus, et je m'y serais sans soute endormi.
Et ça ne m'aurait pas déplu. :)

Je n'ai jamais été autant vidé à l'issue d'une reprise d'équitation. Je mesure ainsi toute l'étendue des progrès qu'il me reste à accomplir pour aborder des chevaux moins souples en toute sérénité.
Bref, il y a du boulot, c'était dur, mais j'en redemande ! Je suis même prêt à remonter sur la Grano dès la semaine prochaine. ^^


Peu après mon retour à la maison, il s'est remis à pleuvoir.. Étonnant, non ? :)

mardi 9 novembre 2010

Une éclaircie dans la grisaille

8 novembre 2010

La veille, pendant la journée du dimanche, je m'étais bien moqué de mes petits camarades des galops supérieurs. Tous les élèves de La Monitrice, qu'ils soient du matin ou de l'après-midi, ont eu droit à une séance de mise en selle éprouvante. Elle consistait à rester en équilibre pendant une bonne vingtaine de minutes sur des étriers raccourcis façon jockey, ou presque, aux trois allures, et sans bien sûr reposer la moindre fesse sur la selle sous peine de se faire desserrer la sangle de trois bons trous à chaque infraction constatée.

Moquerie, certes mais aussi admiration, car force est de constater qu'ils ne s'en tirent pas si mal, ces cavaliers. Même ma fille, pendant sa reprise shetland, est arrivée à m'épater en galopant sur sa bardette sans étriers avec les mains sur la tête !
Face aux jeunes cavaliers qui n'ont peur de rien et les expérimentés qui impressionnent le débutant, on se sent peu de choses finalement. Ce n'est pas à nous que ce genre de séance arriverait.

Ce soir, je retrouve Okilébo, officiellement baptisé Gulliver, le sublime cheval noir qui décoince. C'est une assez bonne surprise pour moi, je commence à avoir une réelle inclination pour les noirauds depuis quelques temps.
A mon arrivée, Gulli semble manifester une certaine curiosité à mon égard. Il passe sa tête par dessus la porte, me regarde avec insistance et me renifle d'un air gourmand. Les friandises sont pourtant bien cachées au fond de la musette, je dois sûrement avoir une odeur familière depuis le temps que j'arpente ces écuries. Pendant un bref instant, je me suis même laisser imaginer que je pouvais lui être sympathique. Bien évidemment j'ignore totalement ce qui se peut se passer dans sa tête à ce moment précis, mais comme beaucoup de cavaliers, j'éprouve le fantasme de croire qu'un cheval de club puisse éprouver une réelle sympathie à l'égard d'un cavalier.
Ben quoi, ça fait partie du rêve, non ?

Mais dans le box, Okilébo fait preuve d'une certaine nervosité. Non pas qu'il refuse de se laisser panser ou manipuler, mais il manifeste une réelle envie d'aller voir ce qui se passe au delà de la porte. Je trouve que c'est plutôt bon signe, je prends ça comme un gage de bonne volonté.

Après pansage dans les règles et équipement de la bête, nous sortons prendre un peu l'air avant d'entamer la reprise. Exceptionnellement, alors qu'il a plu sans discontinuer pendant plus de trois jours, le ciel s'est soudainement dégagé allant jusqu'à laisser percevoir quelques étoiles dont celle du Berger. Côté météorologie, nous sommes décidément bénis des dieux. Peut-être sont-ils sensibles aux offrandes, sous formes de petits drapeaux divers, que je dédie tous les lundis matin à Saint-Paul-le-Poulpe, saint-patron des prévisions...

Malgré la clémence des cieux, la carrière est détrempée et nous allons pour une première fois effectuer la reprise sous la toiture du grand manège. Au fond, ont été entassés jusqu'au toit quelques ballots de paille compressée, bien à l'abri en prévision de l'hiver. Ici et là, certains ballots ont été prélevés, ce qui permet à La Monitrice de se hisser à bonne hauteur et trouver un point d'observation avantageux et isolé de la fraicheur du sol. On peut considérer qu'elle est en ballotage favorable...

Ce soir, il n'y a que cinq cavaliers dans le manège. Beaucoup manquent à l'appel, sans doute refroidis par des perspectives météorologiques peu rassurantes. Je m'étais dit justement en début d'année que nous reconnaîtrons les vrais accrocs à l'arrivée des premiers frimas... Tant pis pour les autres.
M'enfin... Au montoir, je descends les étriers et m'apprête à les régler à une longueur convenable quand je constate que ceux-ci sont calés incroyablement courts. Je laisse alors échapper cette réflexion :
- Mais, c'est qui ce nain qui est monté avant moi ???
Ce détail aurait du me mettre la puce à l'oreille...

A la détente, Gulliver est fidèle à lui-même : pas trop généreux à l'effort, il faut savoir le stimuler en le caressant régulièrement sur l'épaule avec le flot des rênes. Ce coup-ci, je ne suis pas pris au dépourvu et ne me laisse pas impressionner comme lors de notre première association. Il faut bien entendu le rappeler à l'ordre de temps à autre, ce qui m'embrouille d'autant dans ses histoires de bon et mauvais diagonal au trot enlevé. Par ailleurs, ce cheval est incroyablement souple dans ses allures, à tel point que j'en ai même parfois du mal à sentir la transition du pas au trot tellement il est confortable.

Et le galop est un pur bonheur, Gulliver est un incroyable Pullman qui change radicalement de la soubresauteuse Mowara. On pourrait y avaler un café sans renverser une goutte, et je savoure un plaisir comme j'en avais rarement éprouvé à cheval auparavant. D'autant plus que le Monsieur est plutôt volontaire au galop, et qu'il n'est nul besoin de s'employer pour entretenir cette allure, amplifiant d'autant ce moment de plaisir.
Je ne sais plus combien de tours nous avons effectué ainsi, mais j'ai la ferme impression d'avoir plus galopé en une seule séance que lors de toutes les autres réunies ! J'aurais volontiers poursuivi jusqu'à la fin de la reprise, voire au delà, mais La Monitrice, du haut de son ballot de paille, avait une autre idée derrière la tête...

- Bien. Venez me voir.... Vous allez tous me raccourcir vos étriers de... allez, disons six bons trous. Vous savez tous compter jusqu'à six ? Et si vous n'avez pas six trous à vos étrivières, vous n'aurez qu'à y faire un nœud !
J'émets un rire surpris...
- Alors ça... Je ne pensais pas que tu nous ferais ce coup-là, à nous les débutants !
- Ben quoi ? Il n'y a pas de mal à faire comme les cavaliers expérimentés ! Et puis d'ailleurs, ce ne sera pas six trous que vous allez raccourcir, mais huit !
Ah la garce, elle a osé !
Elle poursuit :
- Bon, à partir de maintenant, vous allez vous mettre en équilibre, et le premier que je vois se rassoir dans sa selle, c'est un trou en moins à la sangle ! Et c'est parti pour... (elle consulte sa montre...) vingt-cinq minutes !
Un seul trou en cas d'infraction, finalement, elle est plutôt sympa avec nous...

Bref, tant bien que mal, nous nous exécutons, se raccrochant à ce que nous trouvons sous la main tant que nous ne tirons pas trop sur la tronche de nos pauvres montures qui nous font le plaisir de nous supporter. Comme la plupart de mes petits camarades, je me raccroche à la crinière. Celle de Gulli étant rase, l'exercice n'en est que plus délicat, mais dans l'ensemble, chacun se débrouille plutôt bien, essayant d'adopter la posture qui nous fera tirer le moins sur les gambettes.
Au vue de la température affichée sur le thermomètre ce soir, j'avais enfilé ma polaire pour rester au chaud. Mal m'en pris, je transpire comme un bœuf !

- Faites comme si vous ne ressentiez pas la douleur ! Ose La Monitrice...
- Tiens, le dernier à m'avoir dit ça était mon sergent-chef pendant mon service militaire !
- Aha ! Tu oses me comparer à ton sergent-chef ???
D'un autre côté, ceux que j'ai connu étaient tout de même moins avenant...

Nous continuons ainsi aux trois allures. Au galop, je décide de me prendre au jeu : je plie les genoux, m'allonge légèrement sur l'encolure, y pose les deux mains et essaye de suivre le mouvement avec les jambes. Pendant quelques instants, je me suis imaginé à la place d'un jockey de plat sur un champ de course. La sensation y est drôlement grisante et, pendant un bref moment, j'ai effectivement oublié la douleur.

Mais nous pouvons toujours compter sur les idées diaboliques d'une monitrice imaginative pour nous faire recouvrer la mémoire... Pour terminer la soirée sur une note inoubliable, elle nous demande de déchausser... tout en restant en équilibre !
Pendant une petite minute, nous avions l'air tous aussi ridicules les uns que les autres à essayer de trouver une position sur la selle qui nous empêche d'y poser les fesses sans toucher aux étriers ! Mais bonne humeur assurée, toujours ça de pris !

Finalement, cette séance de mise en selle n'a pas du dépasser le quart d'heure. Malgré tout, le retour au sol a fait émettre quelques gémissements aux cavaliers au contact de leurs jambes sur le sol. Les lendemains risquent d'être bien douloureux...

Retour au box. J'ai à peine commencé à brosser mon noiraud que la plupart des autres cavaliers ont déjà plié bagage.
Tant pis pour eux, pour ma part, j'aime jouer les prolongations ! Je brosse et soigne jusqu'à plus soif, et même si Gulli se semble pas super sensible aux caresses, il paraît particulièrement apprécier les bisous sur la joue. Inutile de préciser que je ne me prive pas !
A force de papouilles diverses, je finis par découvrir son point faible : il adooooore se faire gratouiller sous la gorge ! Bien entendu, je ne me prive pas non plus de le satisfaire, et après de longues étreintes, j'éprouve un vrai regret à le laisser tranquille dans son box pour la nuit.
J'en suis quitte pour lui piquer un crin de sa queue qui ira rejoindre celui de Mowara suspendu accidentellement à la manche depuis la semaine dernière.

Cette nuit là, des étoiles plein la tête, j'ai eu du mal à m'endormir. Je crois que je suis amoureux...

Le lendemain matin, au réveil, le sol détrempé aperçu à travers la fenêtre ne laissait aucun doute. La pluie avait refait son apparition dans le courant de la nuit...

mardi 2 novembre 2010

Gadins et tartufferies

1er novembre 2010

Il est un certain nombre de cavalières - et peut-être même de cavaliers, personne n'est parfait - qui suivent assidûment mes chroniques en attendant avec une impatience non feinte le récit haletant de mon tout premier voyage selle-sol. Je dois avouer que jusqu'à présent, je les ai toujours déçues...

Et pourtant, je vous promets que j'y mets de la bonne volonté. Quelque-soient les exercices biscornus et acrobatiques proposés par La Monitrice, je les exécute avec bonne grâce et suis même toujours impatient de découvrir à quelle sauce nous allons être croqués en arrivant au montoir. En me doutant que chaque nouveauté introduite dans le cours, bien qu'indispensable dans l'apprentissage de l'équitation, nous offre de nouvelles opportunités d'aller mordre la poussière, en particulier lors de leurs premières mises en application...

Pris dans les bouchons de retour de week-end, j'arrive ric-rac au centre équestre, avec femme et enfant que je n'ai pas eu le temps de déposer au passage. Fifille est bien entendue ravie, Madame espère quant à elle trouver sur place une assistance respiratoire...
Dans le box, je retrouve ma fidèle Mowara, encore une fois toute transpireuse, pas brossée pour un sous, le mors non rincé et tout dégueu, grrrrr...  Pressé par le temps, j'arrive tout de même à lui tresser deux vilaines nattes - pour les pions on verra la prochaine fois - avant d'être appelé avec le reste de la troupe dans la carrière, fort humide au passage, pour le début des festivités.

Et le menu du jour est annoncé haut et fort : ce soir, il y aura de la mise en selle !
Mes petits camarades ignorants jusqu'à l'existence même de cette pratique occulte, j'éprouve un malin plaisir à l'idée de découvrir leurs mines déconfites quand seront annoncés les détails des exercices sympathiques à venir. :)

La détente qui s'ensuit me rappelle que j'ai encore affreusement tendance à m'emmêler les pinceaux et les diagonaux au trot enlevé. Il y a encore du boulot sur ce point, et l'annonce du retrait des étriers par La Monitrice n'en sera que plus salutaire pour me sortir de cette relative galère.
Nous enchainons donc par quelques tours de trot "pieds nus'". Enfin, un petit tour pour commencer... J'ai à peine le temps de boucler mon premier que Tartuffe, un hongre pourtant bien âgé et sensé être sage, envoie sa cavalière prendre la température du sable humide une première fois.
Remise en selle, et rebelote : quelques tours plus tard, la même cavalière se retrouve envoyée par terre au même endroit par ce même Tartuffe, qui, pour finir de narguer l'assistance, démontre que malgré sa vingtaine il reste encore un garçon énergique en courant dans tous les coins de la carrière.
Ce qui a le don d'agacer prodigieusement La Monitrice...

La séance de trot terminée, elle nous fait rechausser les étriers, au grand soulagement de certain (dont je ne fais pas partie...), et nous envoie tâter un peu de galop à main gauche. Le rallongement des étriers me donne indubitablement une assise plus confortable à cette allure, mais j'ai assez peu l'occasion d'en profiter, une nouvelle cavalière est envoyée à son tour découvrir les joies du bain de boue automnal, repeignant au passage son pantalon d'équitation d'un marron très tendance en cette saison.

L'idée de profiter de nombreux gâteaux redonne le sourire à la Mono qui nous fait repartir là où nous en étions. Toutefois, l'expérience précédente semble avoir calmé quelques ardeurs : je croise quelques cavaliers au trot, au pas, un peu n'importe où, ce qui fait froncer les sourcils de la Monitrice... Elle n'est pas contente du tout, et nous le fait savoir en nous soufflant une bonne petite gueulante qui nous rappelle qu'il existe quelques constantes chez les moniteurs d'équitation... :)

On repart dans un dernier tour de galop, histoire de finir sur une note à peu près propre. Il y a un progrès notoire dans la conduite de ma monture : j'arrive sensiblement à la faire courir sur la piste, les aides apprises la semaine dernière y étant sans doute pour beaucoup.
Enfin, un petit peu de trot, de pas et de câlins sont mis en œuvre avant de mettre pied à terre et clore la séance du jour. En passant devant la Mono, j'ose une remarque imprudente :
- Mais, euh... On ne devait pas faire de la mise en selle aujourd'hui ?
- Si, mais les chevaux étaient trop cons ce soir, ce sera pour la prochaine fois...

Sur le coup, j'en étais presque déçu. Ce soir, je suis resté bien sagement collé à ma selle, et pas une seule seconde je ne me suis senti en état d'aller mordre la poussière. Certains s'en contenteront, c'est peut-être même le signe de quelques progrès, mais cela a pour moi un goût de trop peu, surtout après la journée pleine de découvertes du lundi précédent.

J'ai envie de faire des exercices à la con.
J'ai envie de galoper sans étrier.
J'ai envie d'aller tâter des barres.
J'en aurais presque envie de me foutre par terre, afin de pouvoir de dire "Punaise, ça c'est un truc malade, faut être drôlement balèze", même si ça n'a l'air de rien, il n'en faut pas beaucoup pour m'effrayer.

Bref, j'ai envie d'aller voir plus haut, quitte à me retrouver tout en bas.


Mais en attendant, la semaine prochaine, ce seront les autres qui régaleront. :)

PS : le lendemain matin, en partant pour le boulot, je trouve coincé dans une fermeture éclair de la manche de mon blouson d'aviateur un long cheveu roux qui aurait fait dresser ceux de Madame si cette dernière l'avait découvert avant ma pomme...
Sur le coup, je m'interroge : trop clair pour appartenir à Madame, trop long pour appartenir à Fifille...
Je vous arrête tout de suite, il est aussi trop court pour appartenir à La Monitrice, honnit soit qui mal y pense...
Mais bon sang mais c'est bien sûr, MO-WA-RA ! :D

mardi 26 octobre 2010

Stage, décollage et Altesse Royale - seconde partie

 25 octobre 2010, l'après-midi

14h00 : rassemblement de toute la troupe dans le petit manège, La Monitrice va distribuer les montures aux stagiaires. J'aime beaucoup sa façon de me regarder d'un air interrogateur en faisant la moue, histoire de bien marquer une réflexion intense et de ménager le suspense quant au cheval qui me sera confié pour la prochaine reprise...
- Bon, Daniel, pour toi ce sera... Ce sera...
- Oui ?
- Allez, je te donne Mowara.
- Haaa !
- Oui, pour ce qui est prévu cette après-midi, ça vaudra peut-être mieux. :)
- Oh...

Un petit indice me met la puce à l'oreille : même si Momo est loin d'être un Pullman au galop, elle a toutefois la réputation d'être une sauteuse rassurante et particulièrement bien adaptée aux débutants. Bref, ça sent la barre et le chandelier...

Arrivé au montoir, je mets en application l'expérience acquise le matin même en rallongeant généreusement mes étriers de trois bons trous. Une fois en selle, la position semble me donner satisfaction, quand le moniteur confirme ce que nous pressentions quelques minutes auparavant :
- Bon, cet après-midi, nous allons faire un petit peu de saut. Pour cela, vous allez me raccourcir vos étriers de trois trous !
Ben voyons... :/

Durant la prochaine demi-heure, nous allons donc nous démener pour essayer d'intégrer le principe de l'équitation en équilibre, en vue, bien évidemment, de nous préparer à notre première session de saut. Certains semblent déjà familiers de la chose, mais de mon côté, l'apprentissage est plus que chaotique. Cette brave Mowara me prête avec beaucoup de patience quelques brins de sa crinière pour me porter secours, je ne l'en remercierai jamais assez.
Au galop, le truc commence à rentrer. Je me surprends même à lâcher la crinière sur quelques foulées, puis sur un tour complet. Tout ceci est prometteur, et même agréable les brefs moments où je semble être à peu près en place.

Dans la carrière, entre deux chandeliers, le moniteur a installé deux barres au sol qui me regardent d'un air méchant. Mine de rien, même posées au sol, ça fait son petit effet sur le cavalier débutant...
- Euh, c'est pas un petit peu haut pour commencer ?
- On peut toujours creuser pour enterrer les barres, mais ça risque de faire perdre un peu d'intérêt à l'exercice...
Je lui concède ce point.
Pour corser l'affaire, aux abords de l'obstacle, deux paires de plot ont été placés dans le but de soigner les trajectoires.

Les premières barres se franchissent au trot. Je me révèle incapable de lâcher la crinière, ayant toujours cette impression d'être trop haut sur mes étriers... Mais ces premiers obstacles se passent sans encombre, ouf. :) L'exercice est répété aux deux mains, en essayant autant que possible de focaliser mon regard au loin.
D'ailleurs, pour s'entrainer à ne pas regarder par terre, le moniteur nous demande au passage des barres de décrire ce que nous regardons.
A savoir, de l'autre côté de la barrière, se trouve la grande carrière au milieu de laquelle trône un arbre. Sous l'arbre se trouve Aurore, une autre monitrice qui fait cours à un autre groupe de stagiaires manifestement plus aguerris. A la demande de notre moniteur, la plupart des cavaliers qui me précèdent cite l'arbre comme point de repère.
De mon côté, je ne peux m'empêcher de citer Aurore...
- Et bien, quelle succès, cette Aurore ! S'exclame le moniteur.
- Ben oui, le centre est bondé de jolies monitrices, je trouve dommage de se focaliser sur les arbres...

L'exercice au trot s'étant fait sans encombres, il est alors temps de passer à l'étape supérieure, non seulement en remontant les barres, mais en y allant cette fois-ci au galop.
C'est à l'entame de cet exercice hautement périlleux que Beltane décide de me rendre visite. Ce n'est pas très gentil de venir me troubler alors que je fais face aux pires périls... ;)
En allant la saluer près de la barrière, je manque même de provoquer un accident en croisant le premier candidat à la chute qui s'était élancé sans m'avoir vu en train de compter fleurette près de la barrière...
Rien de bien grave toutefois, je rejoins le groupe sain et sauf et attaque ce moment tant attendu, ce premier saut au galop source de toutes les angoisses, que je n'imaginais pas effectuer de sitôt. La présence d'une supportrice s'ajoute à une pression déjà conséquente, mais j'entame cette course vers l'obstacle avec un certain enthousiasme, heureux d'en découdre pour la première fois face à cette épreuve mythique.
Départ au trot, puis au galop sans soucis. Je soigne la trajectoire quitte à prendre large, afin de ne pas rater les plots. A l'abord, je saisis une poignée de crins et me pose en équilibre, ou du moins ce qui doit y ressembler.
Et hop, ça vole. Comme ça, en silence, sans encombre, avec une certaine douceur. Le regard loin porté, tout s'est fait de façon presque imperceptible, et s'en est presque frustrant ! J'aurais voulu regarder l'obstacle, lui passer dessus en lui tirant la langue en signe de pied-de-nez !
Je confirme, Mowara n'a pas usurpée sa réputation, c'est décidément une perle. Discrètement, je lui chuchote à l'oreille tout le bien ce que je pense d'elle, elle en sera quitte pour une grosse séance de câlins après la reprise

Trois ou quatre autres passages auront lieu par la suite, et je me surprends même à lâcher la crinière pour le dernier saut. Cette dernière note positive me comblera définitivement de bonheur après une vraie belle journée d'équitation.
Le soir, j'avoue avoir eu un peu de mal à monter les escaliers... Ce qui me permet de répondre à cette question qui a hanté mon esprit toute la journée : les moniteurs d'équitation nous veulent-ils du mal ?

Certainement, mais qu'est-ce qu'on aime ça 

L'équitation est le seul sport aérien qui nous fasse décoller sans jamais nous faire atterrir.

Stage, décollage et Altesse Royale - première partie

25 octobre 2010, le matin

Les moniteurs d'équitation nous veulent-ils du mal ? C'est un peu la question que je me suis régulièrement posé lors de cette longue journée d'équitation riche en émotions et en exercices tous aussi casse-gueulogènes les uns que les autres. On m'avait pourtant prévenu que les moniteurs avaient à leur disposition tout un arsenal d'exercices tordus à destination des cavaliers les plus retors, et j'ai pu goûter en cette belle journée à quelques échantillons gratinés.

Oui, en journée, car en cette semaine de vacances, des sessions de stages sont organisées en remplacement des cours habituels. Histoire de ne pas faire de coupure préjudicieuse à mon moral, je me suis donc inscrit pour cette journée de lundi et découvrir à quelle sauce j'allais être mangé durant ces trois heures d'équitation.
Lors de l'attribution des montures, La Monitrice, la fameuse, fait mine de réfléchir avant de m'attribuer mon habituelle Mowara. Elle a manifestement senti que je commençais à nouer certaines affinités avec cette grosse pie, et me la confie donc pour la matinée, que grâce lui soit rendue. :)
Je retire un point de sadisme aux moniteurs d'équitation.

Mais aujourd'hui, il y a du changement, et pas des moindres, car la monitrice du jour est un moniteur...
Pas moins sympa pour un sou, il nous réserve cependant tout un tas d'exercices de mise en selle sympathiques. Après une traditionnelle détente tranquille aux trois allures, nous sommes priés de ranger les étriers et de s'échauffer les fesses au trot assis sur un grand cercle.
Jusque-là tout va bien. Mais la suite est évidemment plus corsée...

La première étape consiste à réaliser un nœud avec les rênes. L'exercice en soi n'est pas difficile, mais me rappelle cette image de Lucky Luke passant le fil à travers le chas de l'aiguille au galop sur son mythique cheval de western.
Oui, la comparaison est flatteuse et très exagérée, mais la suite s'annonce moins à mon avantage, alors autant se donner de suite un bon coup de moral. :)
Il s'agit d'aller toucher, toujours au galop assis, les oreilles de sa monture, sachant que la mienne les a particulièrement sensibles... Bah, je m'exécute avec bonne grâce, mais considérant la position à tenir pour effectuer l'exercice et la forme particulière de la selle, en particulier au niveau du garrot, je suis soumis à une nouvelle forme de souffrance que la catégorie la plus féminine ne saurait connaître.
Un point de sadisme pour le moniteur, un.

La sévice suivante consiste à aller toucher le haut des piquets qui supportent la clôture de la carrière. Je proteste vigoureusement en arguant que les poneys par leur taille réduite sont indûment favorisés, mais le moniteur ne veut rien savoir. Il veut des touchers propres et francs, même pour les grandes andouilles montées sur des belles pièces.
Je lui accorde derechef un second point de sadisme.

La suite aggravera son cas de façon irrémédiable. Et promis, je ne moquerai plus de mes petits camarades des reprises de galop supérieur quand je les verrais taper les talons au dessus de l'encolure ou faire un peu de vélo en selle. Qu'ils se sentent moins seuls, ils peuvent savoir que je compatis désormais à leur malheur.
Arrive surtout le moment que je redoutais particulièrement : les tours au galop sans étriers. Sachant que Mowara n'est pas une jument super-confortable à cette allure et que je transpire sang et haut pour tenir une position correcte dans la selle, le moindre écart me faisant irrémédiablement décoller et me mettant dans un équilibre précaire. C'est sans doute une excellente école, mais ce n'est pas vraiment pour me rassurer à l'idée d'aborder cette même allure avec les pieds qui pendouillent...

Et pourtant la suite est magique ! Ce n'est peut-être pas logique ni très courant, mais je me sens nettement plus à l'aise ainsi, le contact avec la selle me semble infiniment plus facile à obtenir et un gros sourire de joie s'imprime sur ma trombine. S'il faut souffrir ainsi pour bénéficier de tels moments de bonheur, je veux bien y retourner cette après-midi. :)

Le repas avalé, nous nous pressons aux abords de la carrière pour voir évoluer La Monitrice montée sur la classieuse Sagamix. Ça n'a l'air de rien comme ça, mais cette fameuse monitrice, je ne l'avais vu jusque-là monter que le tracteur... Il faut se rendre à l'évidence, elle n'est pas que monitrice, elle aussi cavalière.
L'évènement est manifestement de taille, car l'assistance afflue, impatiente de voir Le Maître évoluer devant nos yeux. D'ailleurs, à son passage, nous ne sommes pas loin de faire la révérence, pauvres manants que nous sommes faisant place à la Reine.

En tant que cavalier en apprentissage, j'admets que la leçon d'équitation ne se fait pas qu'à cheval. Elle peut se faire aussi avec les yeux. Car devant moi, tout semble facile, léger, aérien. Même au trot assis, là où le cavalier moyen tel que moi se ferait secouer comme un prunier sous le mistral, l'accompagnement du mouvement semble parfait et, passé le haut des hanches, plus rien de bouge.
C'est beau. :)
Un détail attire toutefois mon attention : sans étriers, ces derniers viennent se positionner tout juste au dessus de ses pieds. Cet élément à son importance, car jusqu'ici je n'avais encore pas trouvé le réglage idoine. Mon expérience de galop sans étriers du matin et l'observation attentive de La Monitrice m'incitent donc à rallonger les miens de façon drastique pour la reprise de l'après-midi...

Une fois son travail achevé, en sortant de la carrière, La Monitrice nous fait Sa Majesté. Elle s'arrête à mon niveau, prend une posture altière et décide de m'accorder sa grâce royale :
- Si tu veux, tu peux t'occuper du pansage.
Deux courbettes et trois génuflexions plus tard, je commence à brosser Saga à côté de son box avec une joie non dissimulée. Sa robe noire ne passe pas inaperçue et attire irrémédiablement toute une horde de bambins pétris d'admiration devant une telle élégance.
- Oh, Monsieur, comme vous avez trop de chance de brosser cette jument. Vous devez être un super-cavalier avec pleins de galops pour avoir le droit de brosser Saga !
Sur le coup, je me suis arrêté net... J'ai voulu garder un air impassible, genre super sérieux du cavalier-qui-déchire-sa-race-avec-tous-ses-exams, mais je n'ai pu retenir un petit sourire plein de tendresse face à ces petites mines qui me regardait avec force admiration.
- Vous aussi, soyez de bons élèves, et peut-être aurez-vous droit vous aussi de panser la plus belle jument du club.
Ah la la, les enfants..

La séance de pansage s'achève par un bon goudronnage des soles de la noiraude. Pour ce faire, La Monitrice a mis de côté le traditionnel pinceau pour sortir une bombe magique à étrenner sur la jolie Saga. La Monitrice vaporise le produit pendant que je soutiens les pieds consciencieusement. J'en prends évidemment plein les doigts, et faisant sentir le fumet particulier de ce goudron à l'assistance toujours nombreuse, nous arrivons tous à la même conclusion : ça sent le barbecue...
La prochaine fois que j'irais faire l'acquisition de sauce barbecue, je penserai à jeter un coup d'œil à la composition du produit. J'ai comme un doute, là... :/ 

mardi 19 octobre 2010

Récréation et pieds congelés

18 octobre 2010

Ce début de soirée est un copié-collé de celui de la semaine dernière. Mowara est toute en sueur dans son box, le poil tout ébouriffé comme sortant d'une douche sans que le cavalier précédent n'ait pris la peine de lui passer le moindre coup de brosse.
Grrr... Ça m'énerve.
Elle n'est pourtant pas farouche la grosse Momo. Elle donne le pied et se laisse frotter très facilement, même si elle semble manifester parfois quelque agacement si l'on s'attarde un peu trop sur son bidon, qu'elle a bien rond par ailleurs. Elle adore par contre qu'on s'occupe de sa croupe ! C'est bien une fille, tiens...
Elle a aussi la particularité d'être très chatouilleuse du garrot, et s'ébroue dès que l'on s'avise à lui en toucher les poils, c'est même amusant à voir, et subir, une fois en selle.
Mowara a aussi la réputation d'avoir les oreilles sensibles. Réputation pas vraiment justifié à mon humble avis, je n'ai pas éprouvé jusqu'ici la moindre difficulté à lui y faire passer le filet, grand bien me fasse.
La difficulté se situe en fait entre les deux oreilles... Elle déteste absolument qu'on lui touche le toupet de quelque façon que ce soit, et ce soir ne fait pas exception. Ce qui pose par ailleurs un challenge intéressant, car si son toupet reste coincé sous la frontale, le cavalier a droit à une remarque de la monitrice. Dans le cas contraire, il passe pour un héros...
Bref, l'enjeu est de taille. Je vais donc essayer de la jouer au charme...

Je commence donc par une grosse embrassade sur l'encolure, je sais qu'elle apprécie qu'on s'y frotte avec envie, avant de me positionner face à elle en la gratifiant de quelque regard amoureux pour l'attendrir. J'approche mon visage de ses naseaux en attrapant les joues des deux mains, car, plus qu'à tout autre endroit de son corps, c'est la partie qu'elle semble le plus sensible aux câlins... Je m'y attarde donc avec une certaine douceur, jusqu'à ce que je commence à sentir les tensions s'apaiser, la respiration se faire plus douce. Ma main droite glisse délicatement entre ses naseaux, puis remonte doucement sur le chanfrein, toujours avec douceur et tendresse. La main gauche flattant toujours sa joue, la droite ose s'aventurer en peu plus haut, entre ses yeux qui sont dorénavant à moitié clos. Sans doute n'est-elle pas insensible à l'attention que je lui porte et semble désormais totalement détendue et réceptive à aller plus loin dans la relation...
Ma main droite n'a plus qu'à caresser avec légèreté les derniers centimètres qui me séparent de son jardin secret, pendant que je colle en même temps mon visage contre le sien en signe d'union.
L'affaire semble entendue...

Et paf. Un bon coup de museau dans les dents.
- Hé, je ne suis pas une jument facile monsieur ! Je ne laisse pas toucher mon toupet au premier venu ! What did you expect ?

Garce...
Je l'aurais un jour, je l'aurais.

Bon, je ne lui tiens pas rigueur de cet éternel caprice, et lui natte comme à l'habitude quelques tresses à la crinière et sur la queue qui lui permettront de parader devant ses copines. Comme par hasard, quand il s'agit de faire sa star, madame est beaucoup moins retors...

Bon, aujourd'hui, c'est récréation. Comme nous sommes le dernier lundi avant les vacances, le programme de la soirée sera agrémenté de quelques jeux sympathiques. Après les traditionnelles détentes individuelles au pas puis au trot enlevé - et ce coup-ci sur le bon diagonal s'il vous plait, toujours ça de pris - est organisé un relais, une petite course où se voit opposés deux équipes de six cavaliers. Le principe en est très simple, chaque relayeur effectue le tour de la carrière à l'allure qui lui sied, de préférence au galop bien entendu, avant de passer le relais au cavalier suivant. Mes camarades étant manifestement encore plus timides que moi, j'ai donc l'honneur de lancer notre équipe.
Et c'est donc parti pour un galop tranquille. Trèèèèèèès tranquille. Trop tranquille... J'ai à peine parcouru la moitié du trajet que mon vis-à-vis boucle son tour à une allure impressionnante. Il a beau être un cavalier sur le retour, mine de rien, ça vexe un poil... Et je me fais autant enrhumer lors de la seconde manche à main gauche ! Même si Mowara semble, et c'est plutôt rare, peu volontaire ce soir, je dois bien admettre que je ne vaux pas tripette en tant que jockey...
Nous assistons tout de même à un évènement remarquable : Muriel, qui avait pourtant promis de ne pas galoper avant Noël, a malgré tout effectué ses premiers tours de galop sous nos yeux et a bien mérité quelques applaudissements nourris. Comme par hasard, la monitrice lui avait attribué Gulliver, le fameux cheval qui décoince... Ça sent le coup prémédité, ça. ;)

Nous enchainons sur une séance d'Éperviers qui n'est pas sans me rappeler quelques bons souvenirs d'enfance et, accessoirement, mes plus beaux gadins en roller. Bien évidemment, et pas totalement contre mon gré, je suis désigné pour faire le premier chasseur de la troupe. Sauf que je n'avais pas prévu que Momo, sans doute un peu fatiguée de sa journée, n'était pas disposée à aller plus vite que le petit trot en cette fin de soirée. Contre une bande de galopeurs avisés, j'ai du rapidement me faire aider afin que l'on puisse terminer avant minuit...
En tant qu'épervier non plus, je ne vaux pas tripette...

Pendant ce temps-là, la monitrice est littéralement frigorifiée. Il fait pourtant une petite dizaine de degrés, mais elle nous fait son bibendum Michelin, toute emmitouflée qu'elle est dans une grosse doudoune surplombée d'une couverture équestre bien épaisse.
Pour certaines, je crains que l'hiver ne soit très long...
M'enfin, au vue de nos progrès, elle nous annonce tout de même à voix haute qu'elle est fière de nous. Et ça, ça fait bien plaisir.  :) Une perle, cette monitrice, que je vous dis. Je lui souhaite qu'elle n'ait pas froid aux pieds de toute la saison hivernale. :)

Retour au box, et bon coup de pansage une fois tout l'attirail rangé dans la sellerie. Je redonne à ma grosse tâchue l'aspect qu'elle aurait du présenter à mon arrivée, à savoir toute douce et brillante.
Aux futurs cavaliers, merci me restituer ma copine dans l'état dans laquelle je vous la laisse, merci... ;)

mercredi 13 octobre 2010

Question de jambes

11 octobre 2010

Trop chouette, je retrouve ma tâchue préférée. Mowara m'attend sagement dans son box, mais toute en sueur, marquée par les efforts d'une précédente reprise qui a du s'achever il y a peu. Dommage, la transpiration m'empêche de donner à sa robe le même brillant remarqué il y a deux semaines. J'en suis quitte pour lui natter quelques tresses qui, pour une fois, ressemblent à quelque chose. Le tour de main commence à venir. :)
D'accord, je l'avoue, je suis un peu coquet avec mes montures. Il m'a même été signifié que j'avais une approche assez féminine de l'équitation. Il est vrai que j'ai laissé tombé depuis longtemps cette espèce de pudeur virile qui tend à édulcorer les sentiments envers les animaux, mais j'aime trop dispenser grattouilles et câlins et le simple contact avec les chevaux suffit à me transporter. J'apprécie donc qu'ils aient une bonne présentation et j'essaye un temps soit peu de soigner ma tenue, histoire de ne pas ressembler à un clodo égaré au milieu de la carrière auquel on aurait tendance à demander ses papiers. Car même si l'équitation, ça rend beau, il faut quand même y mettre un peu du sien. Et je ne vous le cache pas, madame trouve ça louche...

C'est soir de fête aujourd'hui. Comme la petite carrière semble souffrir de problèmes d'éclairage, la grande, celle des champions, nous est ouverte. Il y a suffisamment de place pour partager l'espace avec quelques propriétaires, et, pour mettre dans l'ambiance de la nuit naissante, bas sur l'horizon apparaît la lune rousse.
Saisi d'une sainte frousse, tout le commun des mortels croit voir le diable à ses trousses. Champagne !

Beaucoup d'inédits sont introduits dans le programme de la soirée. Nous sommes désormais autorisés à détendre les chevaux en reprise libre au trot, à toutes les mains et individuellement. Ce qui occasionne quelques situations cocasses proches de la collision et un joyeux bazar.
La monitrice remet un peu d'ordre dans tout ça et nous envoie nous masser le gras des fesses par une bonne séance de trot sans étriers. La prochaine fois, je penserai à mettre du talc.
Et quitte à faire du trot sans étriers, autant essayer de le faire enlevé ! Je confirme : je serais sans doute le premier à sortir de mes gonds au prochain qui oserait affirmer que l'équitation n'est pas un sport.
Le rechaussement des étriers est un répit de courte durée. Ne nous reposons pas sur nos lauriers, il est plus que temps d'apprendre à trotter sur le bon diagonal ! Sur le principe, c'est assez simple. Sur l'application, c'est moins évident... S'il suffit de regarder la position des antérieurs selon la main où l'on tourne, Mowara souffre d'un défaut rédhibitoire : elle a les jambes sous le bidon. Et c'est pas facile à voir... La prochaine fois, il faudra songer à les lui mettre sur le côté, les crocodiles s'en accommodent très bien.
Mais, je pense qu'une fois qu'on a pris le truc, un simple regard au mouvement des épaules devrait suffire à se mettre correctement en place sans avoir à se plier en quatre. Mais pour l'instant, je me plante une fois sur deux...

La séance de galop confirme les progrès entre-aperçus la semaine dernière. Il me restait une dernière appréhension par rapport à Mowara, réputée peu confortable, mais qui s'est vite estompée dès les premières foulées. Bien sûr, il faut encore beaucoup affiner la posture, la position des mains et les trajectoires, mais l'essentiel est là : le galop est dé-mys-ti-fié ! Comprendre : la chute ne devrait décidément plus tarder.
Mais ce soir, c'est Jéjé qui s'y colle. :) Une belle chute tout en douceur, sur une parterre moelleux avec la petite roulade pour accompagner le mouvement, ça n'aura même pas fait de bruit. Quelle classe !

J'allais oublier la surprise du chef...
Alors que nous étions tous à l'arrêt après ce premier tour, la monitrice nous balance un surprenant "ALLEZ HOP, TOUS AU GALOP".
Sur le coup on a cru à une blague... On y va ? On y va pas ?
- Alors ? Qu'est-ce vous faites tous à l'arrêt ?
Ben non, c'était pas une blague. Cette fois-ci, c'est tous ensemble, et non plus par groupe de trois, quatre ou cinq cavaliers que nous avons le droit de galoper. Comme ça, direct, sans transition.
Et ça, c'est chouette.
Bref, ça sent bon le progrès tout ça. :)

Et en plus, la semaine prochaine, c'est gâteau. Miam.

Super-Papa sort son Super-Ch'val

04 octobre 2010

Depuis le début de l'année, nous avons toujours eu le bonheur d'échapper à la pluie. Ce soir-ci ne fait pas exception, nous arrivons avec une certaine maestria à passer entre les gouttes pourtant fort abondantes dans la région en ce début d'automne. Les reprises précédentes ont la délicatesse d'absorber les crachins et les averses avant notre entrée en piste, qu'ils en soient remerciés

Ce soir, j'ai la surprise de me voir attribuer Gulliver. Je vais vous en toucher un petit mot...
Esthétiquement d'abord, c'est un peu le summum du cheval de légende. Une silhouette irréprochable avec une robe intégralement noire ou presque, qui évoque tout de suite les plus célèbres montures qui ont bercé notre enfance. De Tornado à Blacky en passant par l'Etalon Noir, Gulliver suscite l'admiration de tous à son passage. "Okilébo" ose un élève en basket que je croise pour la première fois ce soir. S'en suit avec la monitrice une petite discussion enflammée sur les chevaux noirs qui-sont-les-plus-beaux, et qui comptent deux autres exemplaires au club avec Quartz, nanti toutefois d'une pelote et d'un joli nez busqué, et Sagamix et sa discrète étoile. Cette dernière ayant les faveurs de la mono, je ne saurais trop lui conseiller, à l'élève en basket qui fera toute la reprise sans étriers, d'en dire le plus grand bien en sa présence.
"Et toi aussi, peut-être, tu auras le droit de monter le plus beau cheval du club".

D'ailleurs, le charme semble faire rapidement son effet, puisqu'une élève, qui participe elle aussi son premier cours ce soir, me demande, à moi plutôt qu'à la monitrice (!), si la longueur de ses étriers est correcte ! Évidemment, ma position statique attire immédiatement les foudres la mono :
- Hé, ho, on avance là-bas ! On n'est pas là pour draguer !
- Ah non, pas ce soir, je ne suis pas rasé...
- Peut-être aussi que ça te rend plus attirant...
Huhu...
Oserais-je rapporter cet épisode à Madame en rentrant le soir ?

Je fais tranquillement, mais alors TRÈS tranquillement, repartir Gulli au pas. Je précise qu'il possède une caractéristique assez rare qui m'a été rapportée par Jéjé, camarade de reprise avec lequel je m'entends plutôt bien, et qui en a une certaine expérience. Gulliver est probablement le seul cheval au monde qui soit capable de s'endormir en marchant...

Les premiers pas lors de la détente ne le font pas mentir : si on laisse faire la bête, elle va ralentir petit à petit jusqu'à ce qu'on puisse quasiment l'entendre ronfler... En tout cas, ça berce. Je me laisse aller, parfois en fermant les yeux, en me concentrant à bien sentir avec le bassin le mouvement afin de l'accompagner au mieux. Dans le but évidemment de la séance future de galop, qui me tracasse depuis quelques temps.

Mais il faudra d'abord passer par une éprouvante épreuve de trot.
Et le trot, je ne vous raconte pas - mais si, racooooonte - c'est le service minimum : à l'instar d'Itis, les coups de talons, aussi amples soient-ils, sont d'une inefficacité absolue; autant attirer un chat avec une carotte râpée. Gulliver ne semble être sensible qu'à la douce caresse du flot des rênes sur son épaule afin que je puisse enfin savourer le bonheur de quelques foulées de trot. Oui, je précise bien "quelques foulées", puisqu'au bout de trois ou quatre, Môssieur le Cheval Star estime qu'il en a fait assez et repasse derechef au pas, bien entendu en ralentissant l'allure autant que faire se peut.
Il me fait un peu penser au légionnaire Joligibus, que l'on peut admirer dans l'album d'Astérix Le bouclier arverne. Joligibus est un soldat fainéant, légèrement aviné et principalement chargé des tâches glorieuses de balayage depuis quinze ans de service. Je cite :
- Ben, j’ai fini la première moitié de la première dalle. Je souffle un peu, je finis la deuxième moitié de la première dalle, je fais une pause...

Les stars sont décidément imbuvables. Bon, nous dirons que ça me fait les pieds. Chaque cheval réagit différemment, ça fait aussi partie de l'éducation du cavalier !
Feignasse quand même. :/

Du coup, le galop, je le sens moyen... La monitrice me rassure en m'expliquant qu'il est très confortable, un vrai Pullmann. Je fais abstraction de l'épreuve précédente de trot intermittent et me prépare au galop en me rappelant les bons conseils glanés ici et là. Rester coller à la selle, se décontracter, les épaules en arrière, bien suivre le mouvement avec le bassin, etc.
Et là, c'est la lumière de la soirée. Non seulement Gulliver se laisse gentiment partir au galop, mais surtout il semblerait que mes simulations en chaise à roulettes portent leurs fruits ! Ce galop est un pur régal, je reste bien en place, à peu près sur la piste, dans des foulées qui me semblent légères et aériennes et une énorme banane s'imprime durablement sur mon visage. Au passage, le soleil, couché depuis une bonne heure s'est relevé, les fleurs ont éclos sur les arbres, la piste a séché et je fais l'admiration de tous. :) "Okilébo" le cavalier !
Mais Gulliver est un peu moins d'accord... Les flaques de boues, il les voie toujours, et il n'aime pas ça. A son abord, il effectue un violent écart et je suis tout surpris de me réveiller avec ma joue contre la sienne, accroché comme un mort-de-faim à son encolure à éviter la chute qui me fera passer en moins d'une seconde de superstar interstellaire à has-been indécrottable. La gloire peut-être éphémère parfois...
J'arrive tant bien que mal à me remettre en place, et repart au galop dans l'autre main toujours avec autant de bonheur.
Gulliver, ce farceur, me fera tout de même cadeau de deux autres écarts sans arriver à me foutre par terre. Il paraît que ça l'amuse le bougre... Je n'ai pas eu la présence d'esprit de lui passer une soufflante, je suis décidément encore trop gentil...

N'empêche, je suis content. :)

Parfum de cheval

27 septembre 2010

Une soirée qui s'annonce sous les meilleurs auspices : Mowara m'est de nouveau attribuée ! C'est qu'à force de monter dessus, je commence à m'attacher à cette grosse tâchue. Comble du bonheur, elle m'attend cette fois-ci sagement dans son box et non pas dans la carrière sous une vilaine cavalière qui fait rien qu'a faire semblant d'être meilleure que moi.
Je commence les amabilités par une grosse embrassade autour de l'encolure. J'en profite pour respirer le doux parfum qui en émane pour m'imprégner tout de suite de l'ambiance. C'est vrai que l'odeur du canasson a quelque chose d'agréable. La prochaine fois, je penserai à ramener quelques échantillons de poils crottés histoire d'en faire une décoction maison et produire un parfum à ajouter dans les listes des gadgets du catalogue Padd. Rigolez pas, je suis sûr que ça vendrait, il n'y a pas que le savon au lait de jument dans la vie, hein !
Je suis même déjà en train d'en imaginer la publicité. Rien de compliqué, en matière de parfum, c'est un peu toujours la même chose. Il faut d'abord une star, une vraie, de celles où il est inutile de préciser le nom en sous-titre, habillée en robe du soir de grand couturier. De toute façon, elle ne possède rien d'autre.
Avec le doigt, elle se passe délicatement une micro-goutte du parfum en question sur la poitrine en contemplant la magnifique vue de son vertigineux penthouse manifestement trop grand pour elle et désespérément vide. Le minimalisme, c'est la classe.
Notre star semble définitivement blasée de passer encore une soirée champagne dans un décor fabuleux au milieu de célibataires façon bachelor. La vie peut être cruelle parfois.
Pour la réclame en question, il faudra juste adapter le décor : le château de Pompadour en lieu et place de la traditionnelle ambassade me paraît tout désigné.
Il faudra bien entendu adapter aussi les bachelors. Mine de rien, un étalon en noeud pap', ça pourrait avoir de la gueule. :)

Bref, je me rattrape donc de la semaine passée en faisant subir à Momo un pansage particulièrement soigneux. D'autant plus nécessaire qu'elle est tout crotteuse sur un côté et qu'il va falloir étriller sec. Le curage des pieds est royal : une fois le premier antérieur traité, je n'ai même plus de besoin de contact physique ni même de la parole pour faire soulever les autres. Me déplacer vers la jambe suivante suffit à lui faire soulever le pied ! Magique. :)
Une fois offerte une friandise bien méritée, je dispose tapis et selle sur le dos de la bête, et au moment de sangler, c'est la panique ! Il manque une bonne dizaine de centimètres ne serait-ce que pour faire toucher sanglons et contre-sanglons ! Hmmm, gros bidou ce soir... Allez, je sors mes plus gros biscottos et je tire vaillamment sur la sangle à m'en faire péter les veines. Le résultat est formidable, j'ai bien gagné dans les trois centimètres... :/ Et pendant ce temps, Mowara se fend la poire façon Jolly Jumper. Ne me demandez pas pourquoi ni comment, j'ai vraiment l'impression qu'elle rigole intérieurement !
Bref, après cinq minutes de vaines luttes, et voyant mes camarades se diriger vers la carrière, je me résous à desserrer franchement de l'autre côté pour arriver à sangler un minimum la selle. On resserrera plus tard, on nous attend sur le terrain.

Le terrain, parlons-en... Ce serait une belle étendue gazonnée, on la qualifierait de "terrain gras". Dans ce cas précis, il s'agit de sable et la carrière ressemble plus à un marigot poitevin qu'au champ de course de Vincennes. En cas de chute, il y a tout ce qui faut pour amortir confortablement la réception. Mais au moins, nous échappons à la pluie. Un rayon de soleil fera même son apparition avec que ce dernier ne se couche.

Les nouveautés du soir : la reprise libre était la norme au pas, elle est maintenant autorisée au trot, et c'est tant mieux, je commençais à m'ennuyer. Le trot enlevé est maintenant bien installé, même s'il reste encore un peu d'affinage qui viendra sûrement avec les prochaines séances. La présence de mares un peu partout rend l'exercice amusant, cela faisant autant d'obstacles, et donc d'éventuels points de chutes sympathiques, à éviter pour les cavaliers.
Entre temps, petite remarque agréable de la monitrice qui trouve le poil de Momo étonnament doux et soyeux "qu'on a l'impression qu'elle pourrait glisser". Je tiens ma science du pansage des plus grands maîtres, c'est à dire ma fille. :)

Le thème de la soirée est axé sur les figures de manège, et plus particulièrement sur les demi-voltes et demi-voltes renversées et leur appétissante forme de cornet de glace. Enfin, c'est l'image que la monitrice emploie pour décrire la forme de la figure, c'est manifestement une grosse gourmande.
Je ne m'étendrais pas sur la séance de galop, c'était un peu la répétition de la semaine précédente, c'est à dire du grand n'importe quoi. Même si j'ai tâché de me concentrer un peu plus sur ma posture, je décolle toujours autant et je ne sais pas quoi faire de mes jambes. Analyse de la mono : il faut j'essaye de rester coller à la selle en accompagnant plus le mouvement, mais il parait que ça viendra avec le temps. Ouf. Surtout que Mowara est, selon ses dires, particulièrement inconfortable au galop. Donc, pas de panique, mais ça m'énerve quand même.

Je ramène Momo dans son box, lui fait un dernier câlin en me frottant sur son encolure et rentre chez moi avec le doux parfum du dada imprégné dans ma polaire.
Manque de pot, Madame déteste ça... :/
Le parfum de cheval, use with caution...

Angoisse et gros câlins

20 septembre 2010

En arrivant au centre ce soir, je ressentais une anxiété inhabituelle qui avait commencée à s'installer quelques heures avant le début de la reprise. J'avais encore le souvenir de mes gesticulations improductives de la semaine dernière, et malgré que j'eusse révisé ma théorie et pris quelques conseils à droite-à gauche, j'angoissais à l'idée que cela ce reproduise durant la prochaine heure.
Et pour lutter contre l'angoisse dans un centre équestre, je ne connais qu'un seul remède efficace : une bonne séance de câlins avec la monture du jour. Les gratouillages en tout genre faisant aussi partie des plaisirs de l'équitation, il n'y a aucune raison que je m'en prive. J'aurais même tendance à en abuser, il faudra que j'en parle à mon psychiatre.

Comme d'habitude, j'arrive avec un peu en avance histoire de profiter de l'intimité du box et soigner la monture à coup d'astuces capillaires. Sur la fameuse liste m'est attribuée Mowara, la jument pie du premier cours. Je ne vais pas m'en plaindre, sauf que sa crinière naturellement courte ne permet pas vraiment beaucoup de fantaisies.
Donc entrée dans l'écurie, direction le box, et là, c'est le drame... Pas de Mowara !
Serait-elle au pré ? Pas possible... Un coup d'œil sur la reprise en cours me confirme que la grosse Momo est déjà sur la carrière avec une cavalière dessus. "Damn it" aurait hurlé Jack Bauer. Comment je fais, moi, pour ma séance de pansage ? Et me voilà à me retrouver avec trente minutes à tuer... Bon, je me reprends. Pour les câlins, je vais aller rendre visite à Sagamix - Saga pour les intimes - une jument noire de toute beauté parquée au fond de l'écurie, qui est toujours demandeuse de grattouilles en tout genre. Accessoirement, c'est aussi la louloute préférée de la monitrice, ce qui de me permet en plus de joindre l'agréable à une bonne dose de faillotage, on n'est jamais trop prudent.

Les angoisses une fois dissipées, je n'ai rien d'autre à faire que de m'installer sur un banc au bord de la carrière pour observer attentivement la reprise en cours. Regarder des cavaliers plus expérimentés - ici des galops 5/6 - peut toujours être instructif. Les cavalières tournent actuellement en rond et il en sort une à intervalle régulier pour aller se frotter à deux obstacles de hauteur relativement modeste. La difficulté est ailleurs, l'exercice doit être fait en lâchant les étriers et en mettant la main gauche sur la tête. Acrobatique ! Nous admirons le travail avec un de mes collègues, lui aussi attendant la disponibilité de sa monture. J'apprends par la même occasion qu'il est un ancien jockey ! C'était donc ça son secret... Bien que je lui donne quasiment la soixantaine, je lui trouve une aisance à me refiler des complexes... Sa présence dans les cours débutant s'expliquant par le fait qu'il n'ait jamais appris autre chose que la monte jockey !

Bref, nous admirons ensemble le travail des cavalières, et la difficulté devient croissante : avec une main, c'était manifestement trop facile, il est temps de sauter sans les mains, et  toujours sans étriers. L'inquiétude de certaines est parfaitement visible sur leurs visages, mais dans l'ensemble, elles se débrouillent plutôt bien. Toutefois, à l'abord du croisillon, l'une d'entre elles, le visage bien déconfit, maugrée une petite phrase de genre "C'est n'importe quoiiii". Sans trop expliquer pourquoi, on a senti de suite que ça risquait de mal se terminer... Effectivement, après ce premier croisillon, l'équilibre devient précaire et entraîne irrémédiablement la chute à l'obstacle suivant. Mais la belle chute, hein, pas celle sur un "moelleux" parterre de sable, mais celle en plein sur la barre. Sur le coup, j'ai serré fort mon gilet de protection, et tout le monde s'est un peu inquiété. Rien de cassé au final, mais la jeune fille a pris la barre en plein sur la hanche, vous voyez, là où on sent bien l'os sans même un petit peu de gras pour amortir... Bref, elle finit par se relever, mais sa séance est terminée pour ce soir. Elle en sera quitte pour un hématome généreux.

Quelques minutes plus tard, c'est à notre tour de rentrer dans l'arène. Pas de barres pour nous ce soir, mais la mécanique du cours commence à être bien huilée : on approfondit les éléments abordés la semaine précédente avant de s'essayer à quelques nouveautés.
Donc nous commençons en reprise libre, et dès les premiers pas, toutes mes craintes se dissipent d'un coup : Mowara va exactement là où je lui demande d'aller, sans avoir à s'employer, avec de très légères sollicitations et à peine quelques appels de langue pour accélérer l'allure si nécessaire. La séance de trot confirme cette impression, elle obéit avec une facilité déconcertante, répond à tous les ordres, reste parfaitement sur la piste aux deux mains avec une légèreté comme je ne connaissais pas, un peu comme si j'étais directement connecté avec l'animal, ce qui je crois représente un peu le but ultime de tout cavalier ! J'en suis le premier étonné... Alors, soit j'ai tout compris au truc - ce qui me paraît tout de même étrange en une semaine, mais sait-on jamais - soit la jument m'aime bien et fait tout me le montrer (je frise la mégalomanie, là), soit un truc s'est décoincé et quelques boutons m'ont paru plus évident à manipuler. Le fait que, enfin, j'étais en position correcte dans les étriers sans JAMAIS en bouger y est peut-être pour quelque chose... C'est surtout la bonne nouvelle de la soirée, j'ai appliqué avec rigueur les conseils glanés sur mon forum équestre préféré, et tout va pour le mieux comme par magie. Merci CF. :)

La nouveauté du jour, c'est le trot sans étriers. Une fois encore, Mowara répond avec une facilité déconcertante, ce qui permet de se concentrer sur les sensations sans avoir à s'employer. Cette façon de trotter n'est d'ailleurs pas aussi désagréable que je ne l'imaginais, si ce n'est parfois une petite tendance à glisser sur un côté ou un autre de la selle. Initialement, quand je me sentais partir, je me rattrapais avec le pommeau de la selle, puis après quelques tours, simplement en jouant finement avec les mollets, ce que je trouve beaucoup plus satisfaisant. Tout ceci masse bien les fesses, et il semblerait qu'en plus ce soit bon pour le transit.

S'ensuit enfin la séance de galop. C'est un peu le point noir de la soirée. Peut-être trop confiant, ça a tout de suite viré au grand n'importe quoi. Je n'étais pas en place sur la selle, je n'arrêtais pas de rebondir, posture incorrecte, mains qui gigotent sans cesse et trajectoires horribles. Beurk. "SOIT LÉGER", n'arrêtait pas de répéter la monitrice. Mais sur ce coup-là, c'était plutôt parpaing time... C'est d'autant plus dommage, que fidèle à elle-même, Mowara répondait parfaitement aux sollicitations. Bref, va falloir réviser tout ça sérieusement. :/

Sur ce, petit débrief pour chacun, retour des montures aux box et on finit la soirée autour d'un excellent flan concocté par une des élèves du groupe, accompagné de boissons diverses, cidre, jus d'orange, thé. Sympa.

Je quitte enfin le centre équestre, avec à la fois le sentiment d'avoir réalisé quelques progrès, et surtout la certitude que je vais y revenir avec une autre anxiété à vaincre... ;)