lundi 21 octobre 2013

Moins douce sera la chute

Dimanche 15 avril 2012

C'était un pari osé, je dois le dire. L'équitation étant un sport de subtilité, le terme "osé" est sobrement employé pour signifier au lecteur qu'il s'agit avant tout d'un pari stupide, lancé entre Yoh et ma pomme, afin de participer au concours interne ouvert à tous les cavaliers ayant au minimum Galop 2.
Manque de chance, c'est mon cas.

Pour conjurer le sort, j'avais pris soin, à l'occasion de la reprise matinale de Fifille, d'aller reconnaitre le parcours bien avant l'ouverture officielle de la piste. Les obstacles étaient déjà dressés, et la faible hauteur des barres indiquait sans ambiguïté que nous serons dans l'après-midi les premiers à partir parmi les multiples catégories engagées.

C'est donc dans une certaine sérénité que je rentre à midi avaler un morceau et enfiler mon habit de lumière, chaps cirées, pantalon et polo blancs.
Quand, au moment d'enfiler mes chaussures, un lacet me soit resté dans les mains, j'ai souri en pensant à tous ceux et celles qui y auront vu un bien vilain présage. Allons, allons, ce n'est qu'un lacet, voyons...

Hormis ce petit contre-temps, tous les signaux sont au vert en allant prendre en compte ma monture. Il fait certes frais, mais le soleil est de la partie, et, comme à toutes mes grandes premières équestres, c'est l'éternelle complice Mowara qui m'accompagne dans cette aventure.

Je me dépêche de lui faire une beauté, la troupe est déjà appelée dans la carrière de saut pour la reconnaissance officielle. C'est assez amusant de se retrouver au milieu de concurrents dont la moyenne d'âge doit tourner autour de douze ans, cela donne une étrange impression de régresser...

J'arrive bon dernier dans la carrière de détente, je suis bon pour passer dans le second groupe et suis invité à patienter à cheval dans le rond de longe.
Après un certain temps suffisant pour creuser une tranchée, je suis enfin habilité à entamer la détente, qui, pour une fois, concerne d'avantage le cavalier que la monture, puisque la Mô semble parfaitement à l'aise au milieu des barres.
A tel point qu'à l'instant précis où je pénètre dans la carrière à l'appel de mon nom, la Mô se met à trépigner dans tous les sens, façon de me dire : "T'as vu ? Des obstacles partout ! Il y a un concours ! On y va, on y va, on y va !!!" 

Miss tête froide devient excitée comme une puce. Inutile de lui demander de prendre le galop, un simple relâchement des rênes suffit à lâcher les chevaux le cheval !
Et là, la Mô, elle est vraiment dans son élément. Elle connait le boulot, je n'ai qu'à juste lui montrer le chemin pour passer les obstacles les uns après les autres. C'est grisant tellement cela semble facile...
Un, deux, trois, quatre, cinq obstacles passés proprement.
Ah ! le Six ! Une combinaison de deux obstacles dans la diagonale, rien de bien effrayant. Je me concentre pour bien rester au milieu des barres comme me l'a bien appris ma monitrice, et roule ma poule !

Et puis ce quart de seconde d'hésitation... Mince, quoi faire déjà après le Six ? Je n'ai pas le temps de remettre mes idées en place, trop concentré que j'étais pour passer ce double, que c'est la Mô elle-même qui me donne la réponse.
- Ben, c'est par là, gros malin, on coupe à droite, on fait le tour du l'arbre et on retrouve le Sept !
- Hein ?


Trop tard... Mowara a été plus prompte que moi...
Cette jument expérimentée, qui avait l'air de mieux connaître le parcours que moi, a bifurqué directement sans attendre son reste, et surtout pas son nigaud de cavalier qui, lui, a continué tout droit...

Quand j'ai croisé le regard de la Monitrice sur le chemin du retour, je ne savais pas trop s'il exprimait de la colère ou de la compassion... De toute façon je regardais mes pompes.
Auxquelles il manquait toujours un fichu lacet.

mercredi 9 octobre 2013

Un seul coq vous manque...

Dimanche 6 septembre 2013

Ah ouais, quand même, un an et demi...
Quand ce chiffre m'a été annoncé pour la première fois, j'en suis tombé de la chaise. C'est un peu moins douloureux que tomber de l'armoire, je déconseille fortement de s'installer en haut d'un tel meuble avant de prendre connaissance de la moindre nouvelle.
Ou alors, portez un casque, si jamais vous avez pris l'habitude de vous installer en haut d'une armoire. Les gens peuvent être bizarres parfois.

Pour en avoir le cœur net, j'ai donc déroulé le ruban de mon mètre temporel afin de me rendre compte du laps de temps qui sépare ce présent article du dernier publié.
La gifle... Le chiffre était parfaitement exact.
J'avais pourtant l'impression de n'avoir fait qu'une pause insignifiante d'à peine quelques mois, juste de temps de reprendre inspiration et motivation à poursuivre la narration des mes aventures équestres.
Mais si le temps semble couler entre les doigts à une vitesse exponentielle, j'admets en portant un regard attentif sur ce passé que, vilain que je suis, je vous ai caché beaucoup de choses. Trois fois rien, des détails, des broutilles, des petites choses qui, en fin de compte, finissent par faire les grandes histoires.

Je pense en particulier à ces deux mamans que j'ai encore croisées ce dernier dimanche. Elles n'ont pas plus d'un an d'équitation et partagent la même reprise que Fifille, qui doit pourtant avoir une trentaine de printemps en moins. Il ne doit pas y avoir beaucoup de disciplines sportives qui permettent de mélanger ainsi plusieurs générations pour former une étrange salade équestre.

Une sorte de rituel commence petit à petit à prendre ses marques. Une fois que Fifille soit allée prendre en compte son poney du jour, je franchis les portes de l'écurie afin d'aller saluer tendrement quelques vieux compagnons de reprises.
Même si j'effectue actuellement une pause que j'espère temporaire dans mes activités équestres, j'éprouve toujours grand plaisir à aller porter une main amicale auprès de mes dadous préférés, Mowara, Solo, Granolat, Gulliver, Rosire, et le tout dernier arrivé en date, le bien nommé Titan.

Mon heure de gloire commence dès à présent, après quelques pas franchis dans l'écurie, au moment précis où le regard des deux mamans se tournent vers moi de concert et se mettent alors à briller de mille feux étincelants. Et pourtant, ni « S » majuscule, ni araignée, ni chauve-souris ne sont dessinés sur mon torse, mais c'est bien un costume de super-héros qu'il me semble endosser pour voler au secours de ces dames.

Un surprenant maléfice semble les atteindre dès qu'elles se présentent devant les boxes dans lesquels se trouvent leurs montures du jour. Les portent se grippent, les chevaux barrent le passage d'un air menaçant, les licols s'enrayent, les filets dévissent et les sangles raccourcissent.
Sous le regard admiratif de ces dames, et du haut de mon impressionnante expérience équestre – Galop 3 tout de même, je tâche de leur expliquer l'impérieuse nécessité de faire preuve d'un minimum d'autorité pour s'imposer auprès de grosses bestioles intelligentes et malicieuses, et qui ont parfaitement saisies à qui elles avaient affaire.
Et que non, on ne donne pas des carottes à un cheval en espérant en faire un copain par ce seul geste...

Après la leçon de choses, je les aide à poser selle et filet, attraper des pieds récalcitrants ou mettre en place un élastique. Tout un tas de petits gestes exécutés avec assurance et précision qui donnent l'impression à ces dames que je suis envoyé par la providence.
Et j'avoue que cette sensation n'est pas pour me déplaire.
Je suis reçois en retour leur reconnaissance éternelle, mille mercis, et la satisfaction d'être désormais l'élément central et indispensable de leurs vies équestres.
L’ego est une plante qu'il faut savoir cultiver avec le bon engrais.

C'est à ce moment précis que je me rends compte que les chevaux seront à jamais mes meilleurs amis. Outre le plaisir que j'éprouve à les monter, ils sont mes complices involontaires qui arrivent à me faire briller quand bien même je reste à pied.

Et ouais, je les aime.