mardi 26 avril 2011

Mister Qiou et moi

25 avril 2011

En ce lundi de Pâques, tous les éléments sont définitivement réunis pour une belle journée. Le beau temps qui règne en maître depuis plusieurs semaines déjà. Une reprise avancée à 17h en ce jour férié nous faisant profiter de ce beau soleil. Une monitrice toute bronzée dont la peau tannée se confond avec son haut marron, comme la mienne se confond avec mon polo blanc. Quelques œufs en chocolat digérés. Et, enfin, le retour des reprises en extérieur.
Ne manque plus donc pour parfaire le tableau qu'un cheval sympa.
Je vais donc avec curiosité prendre connaissance du cheval qui m'est attribué. Et c'est la bonne surprise : ce jour, c'est au choix du cavalier ! Les chevaux disponibles sont surlignés de jaune, et il s'agit de placer son nom sur la monture désirée. A ce jeu là, les premiers arrivés sont bien entendus les premiers servis. Et ça tombe bien, je suis le premier.
Sur la liste, que du classique : Don Nuevo, Esparade, Granolat, Gulliver, Gipsy, Tartuffe, Itis, Mowara, etc.
Et Quick !!!
Je vérifie à deux fois qu'il n'y ait pas d'erreur. Mais non, la Légende Vivante est bien sur la liste des chevaux disponibles ! Hmm... C'est l'occasion ou jamais... et je brûle d'envie d'y associer mon nom. Mais ça me parait tellement gros que je me contraints à aller voir La Mono lui en toucher un mot.
- Euh... C'est au choix aujourd'hui ?
- Et oui !
- Et Quick est sur la liste ?
- Ben, faut bien qu'il travaille aussi, le pauvre !
- Et je peux donc le prendre alors ?
- Oui, je pense que personne ne te le prendra !

Hum... C'est tellement tentant... Impressionnant, certes, mais tentant. De retour au bureau, un pensée autrement machiavélique envahit mon esprit... Et si je prenais Esparade, juste pour faire les pieds à Niko, hihi ?
Tentant aussi, mais une telle occasion ne se produira peut-être pas, ce sera donc Quick et advienne que pourra. Je me précipite alors dans l'écurie pour lui faire un gros câlin, en espérant qu'il se souvienne que je n'ai pas ménagé mes efforts ces dernières semaines à coups de caresses et friandises diverses pour lui paraître sympathique. Arrivé devant le box, je fais demi-tour et retourne voir La Mono dans son manège qui me lance alors avec un grand sourire :
- Ah, mon petit Daniel, je me doutais que tu reviendrais me voir... Tu te demandes sûrement où sont-ils donc tous passés ?
- C'est un peu ça, oui !
- Ils sont au pré. N'hésite pas à te faire aider si nécessaire.
Bien, ce sera l'occasion d'étrenner mon licol tout neuf. N'ayant encore jamais eu l'occasion d'aller chercher un cheval au pré, j'embauche au passage une jeune rouquine qui avait l'air d'être au parfum, puisqu'elle avait anticipé ma demande avant même que je ne demande quoique ce soit.

Je récupère donc sans difficulté particulière le monstre au milieu de ses congénères. Première constatation : il se laisse attraper sans soucis, et laisse apparaître une fois débarrassé de tout son poil d'hiver une silhouette finalement pas si vilaine, n'en déplaise à ses détracteurs. Je l'emmène à l'attache, il me suit tranquillement, en restant sagement derrière moi. Les choses commencent plutôt bien.
Je le brosse, le brique, le lustre, le fait briller et le natte. L'est tout bô le Qoqo. Mes collègues qui arrivent au fur et à mesure sont tout étonnés de me voir m'occuper de Mister Qiou. L'occasion est belle de crâner un peu au côté d'un cheval qui impressionne toujours.
- T'as choisi Quick, toi ?
- Oui, je me suis dépêché, j'avais peur que l'une d'entre vous ne me le chipe !

Je récupère son équipement pour constater que la sangle de sa selle est affreusement courte. Il a fallu que l'on s'y mette à deux et transpirer à grosses gouttes pour arriver attraper les premiers trous. C'est la chaleur qui le fait gonfler, ou quoi ? Pourtant, il n'est pas spécialement gros le bestiau...

Une fois monté sur la bête dans la carrière de dressage, je n'en finis pas d'attirer les regards. Kriss, impressionnée, vient me voir ainsi :
- Dis-donc Daniel, à ce rythme là, tu vas nous faire le challenge de fin d'année !
- Bah, n’exagérons rien, je ne sais même pas faire un changement de pied. Alors, un concours, hein...
A ce moment précis, La Mono nous rassemble autour d'elle pour nous exposer le programme du jour.
- Bon, aujourd'hui, je vous propose de vous laisser choisir ce qui vous avez envie de travailler. N'importe quoi, sauf le saut.
Je me tourne alors vers Kriss d'un air complice, puis m'adresse à La Mono :
- Ben... Les changements de pied au galop !
- Oui, mais non, plus calme. Les chevaux sont rincés de deux semaines de "vacances" bien éreintantes, ils sont un peu fatigués...
Chacun cherche et réfléchit longuement sans qu'aucune proposition concrète n'en ressorte, nous faisant ainsi constater que nous ne savons pas faire grand chose en fin de compte... Je finis pas prendre la parole, et d'un air goguenard :
- Bon, ben... Mise en selle alors ? Sur étriers raccourcis façon jockey bien sûr !
Regards hagards de mes collègues... Naty éclate de rire et précise dans la foulée :
- Ah non, toi tu raccourcis les étriers, nous on fera sans. Ce sera plus facile pour venir te ramasser !
Elle n'a pas tout à fait tort...

On attaque la détente, et les premières sensations sur Quick sont mitigées. L'engin est mou, peu réactif et semble incroyablement lourd avec un sorte d'inertie qui le fait ralentir inéluctablement les allures jusqu'à l'arrêt complet si on ne le contraint pas fermement à aller de l'avant. Sa direction tient du calvaire. J'essaye désespérément de le faire tourner dans le manège, mais j'ai beau lui plier l'encolure jusque lui faire toucher mes genoux, Monsieur presiste à aller tout droit ! Il faut l'incurver en poussant fort les hanches avec la jambe isolée pour arriver à commencer à le plier... Quel tank ! Je me fais porter une cravache en espérant que ça le réveillera un petit peu. Cela fonctionne, certes, mais il faut nettement s'employer pour le faire avancer là où d'autres chevaux réputés mous tel Gulliver ou Itis se mettent en marche à la moindre caresse de la cravache sur l'épaule.
Mais sa principale caractéristique est sa propension à baisser la tête en toute circonstance. Avec les gants et la paume en cuir lisse, impossible de tenir les rênes qui glissent inéluctablement. Je me débarrasse donc des gants afin de tenir un peu mieux la tête de l'engin, mais c'est une épreuve de force permanente, au pas comme au trot, cette dernière allure étant par ailleurs particulièrement tape-cul. Pas autant que Granolat certes, mais bien gratinée quand même.

Dans ces conditions, et précédé de sa réputation, j'avoue appréhender nettement quand La Monitrice nous demande de nous mettre à main droite dans l'idée de nous faire quelques tours de galop...
Je m’exécute toutefois, place mes aides et obtiens un départ plutôt laborieux avec un étrange mélange peu académique d'aides, de coups de talons, d'encouragement à la voix et de caresse de la cravache. Mais une fois dans l'allure, je suis agréablement surpris par un galop finalement assez confortable et presque rassurant. Je m'applique à ne pas lui laisser baisser l'encolure, ce qui donne un peu l'impression de s'accrocher à la bouche du cheval. Ca donne certes un point d'appui supplémentaire, mais lui offre par la même occasion toute la latitude de foutre son cavalier par terre avec sa technique brevetée... Il n'y a pas à dire, c'est un malin.

A l'issue du galop aux deux mains, je fais cet amer constat : ça ne fait pas vingt minutes que nous sommes en selle, et je suis déjà totalement éreinté, avec une partie de la peau des mains qui est restée collée aux rênes.
Mon royaume pour un verre d'eau...
La Monitrice nous rassemble et nous annonce, au grand soulagement de l'assistance :
- Allez, je vous fais grâce de la mise en selle, on va aller se balader un peu dans les près !
Voilà qui tombe à pic. L'occasion de constater que Qiou, sous ces airs de gros dur, est un fait un grand timide. Qui a peur des arbres, des fourrés, des gens qui passent, des oiseaux qui chantent et de l'eau qui coule. Il fait le kakou devant les copains mais j'en bien compris qu'au fond de lui, c'est un tendre !

Je ramène la bête à son pré, et le libère en l'accompagnant d'un gros câlin. Certes, il m'en a fait baver, il me faudra sans doute beaucoup de temps pour trouver les boutons, mais pour un premier contact, j'avoue avoir été séduit par sa grosse bouille.

A l'issue, Naty vous offre quelques succulentes crêpes accompagnées de rafraichissements bienvenus qui closent cette reprise de façon tout aussi agréable qu'elle avait commencé.
Vivement la suite !

mardi 5 avril 2011

Duel de grenouilles

4 avril 2011

Les vacances, c'est nul. Pour n'importe qui d'autres, elles sont synonymes de repos bien mérité, l'occasion de souffler un peu dans une vie professionnelle ou scolaire harassante, de se poser sur sa chaise longue avec un bon bouquin, de rattraper des épisodes en retard de Dr House et plus simplement de ne rien faire du tout. Lézarder dans le paradis de la couette, y renverser son café et laisser la tâche sécher quelques jours, tant pis si ça s'incruste, la lessive attendra.
Mais les vacances, cela signifie aussi ne plus monter pendant deux ou trois semaines d'affilée, cogiter inlassablement les principes de l'incurvation et de la jambe d'appui, de la science de la mise en équilibre aux abords de l'obstacle ou de la tenue en selle au trot sans étriers. Le temps prend alors des proportion démesurée à semble s'étirer à l'infini prenant ainsi un malin plaisir à nous faire languir cruellement.
La bonne nouvelle, c'est que la reprise précédant les vacances est généralement placée sous le signe des jeux, l'occasion de passer quelques moments de franche rigolade et de bonne humeur. Et cette séance ne fera pas exception.

Auparavant, je prends en compte l'éternelle Mowara qui me semble définitivement attribuée. Harassée par les multiples tours de CSO de la veille, elle a passée la nuit et une partie de la journée affalée dans son crottin et semble en tenir une certaine fierté. Comme une façon de me dire que pour profiter de son dos il va falloir le mériter et travailler un poil.

C'est parti pour la détente où je m'applique à mettre en œuvre les grands principes de l'incurvation rappelés la semaine précédente. Non pas que ça me fasse tellement plaisir, mais en bonne petite peste que je suis, il est important de savoir jouer les fayots devant La Monitrice.
Bref, un peu de travail sur les transitions, deux petits tours de galop, je remonte les étriers qui m'agacent définitivement ce soir, et les festivités commencent.

Comme à l'accoutumée, nous débutons les jeux par un relais aux quatre coins toujours sympathique. Mais avec quelques petites nuances intéressantes... Les cavaliers ne devront plus se contenter de galoper bêtement le long du pare-bottes, mais devront à l'issue du tour mettre pied à terre et en boucler un second en courant à côté de leur monture. Et le cavalier suivant ne pourra partir qu'une fois le précédent remis en selle...
Je pars donc en second relai, effectue mes petits tours, et, légèrement essoufflé par ma course à pied, remonte vaillamment sur la Mô en constatant que cette dernière a pris un bon centimètre de plus au garrot.
En dépit de nos efforts, notre équipe perd cette première manche. Nous changeons de main pour la seconde, et La Mono pimente le jeu en demandant de courir sur la première longueur en levant les genoux, et sur la seconde en collant les talons aux fesses.
Nous nous exécutons, je parcours donc mes deux petits tours, et remonte sur Mowara en constatant que celle-ci à grandi de trois centimètres supplémentaires. Certains commencent à transpirer...
Nous remportons cette seconde manche avec une certaine satisfaction, qui retombe aussi vite qu'un soufflet au grand plaisir de La Monitrice :
- Ah mais puisque vous avez égalisé à une manche partout, vous avez droit à une belle. Mais cette fois-ci, sur le retour, je vous demanderai de faire la grenouille, en mettant bien les mains par terre et en faisant des jolis petits bonds !
Oh, mais comment qu'elle est perverse La Mono... Inutile de préciser que nous avions tous l'air parfaitement idiot dans cet exercice.
Et pendant ce temps-là, la fille de Natie filme consciencieusement la scène...
Je finis de faire ma grenouille et peine quelque peu à remonter sur la Mô qui a pris dans l'intervalle dix centimètres de plus au garrot. Quel est ce prodige ?

Les équipes s'en tirent à peu près à égalité, à tel point que nous craignions de repartir pour une quatrième manche !
Mais non, une fois que tout le monde se soit remis en selle de façon plus ou moins laborieuse, nous sommes invités à organiser une petite partie d'Éperviers toujours appréciée.
Niko, monté sur son redoutable Esparade, fera le premier chasseur. Et à la première sortie, les choses s'établissent de façon claire : il a décidé de me cibler en priorité. Je profite toutefois du bazar ambiant pour me faufiler entre les chevaux et atteindre l'autre côté sans coup férir. Mais je sais dorénavant à quoi m'en tenir. Cette affaire ne concerne plus personne d'autre, cela se jouera entre lui et moi.
Lui d'un côté, moi de l'autre, un silence pesant s'abat soudainement sur le centre équestre. A peine une saute de vent viendra troubler l'air ambiant, soulevant quelques volutes de poussière et divers brins de paille au milieu de l’arène. A cet instant précis, nous aurions pu entendre quelques notes d'harmonica sans ce que ce ne vienne troubler le tableau.
- Sortez !
Je fais démarrer la jument et croise ma trajectoire avec les autres cavaliers pour brouiller le pistes. Mais le Niko est malin, il se débrouille pour anticiper la manœuvre et vient de boucher le chemin, me forçant ainsi à faire demi-tour. Je tente de forcer l'allure, mais je sens Esparade me rattraper par la droite et venir me coller contre le pare-bottes, me bouchant ainsi toute échappatoire. Je sors alors mon gri-gri, mon "spécial", ma botte secrète. Je place un grand coup de frein, laissant ainsi Niko me dépasser, plie la Mô en deux pour la faire repartir dans l'autre sens (vive l'incurvation) et profite de l'inertie d'Esparade pour rejoindre la maison à vive allure sain et sauf .
Prends en de la graine, Petit Scarabée...
Je me redresse fièrement, et observe ainsi mon vis-à-vis d'un air hautain. Avec son flegme habituel, Niko ne semble pas s'en laisser compter et filtre soigneusement le moindre signe de frustration. Il tient les nerfs, le gaillard.
A la sortie suivante, il n'est pas non plus question de rejoindre l'autre rive en ligne droite, je me retrouve une fois encore à repartir dans l'autre sens. Niko sait parfaitement bloquer les issues et me coince une fois de plus contre le pare-bottes. Mais ne fait plus l'erreur cette fois-ci de se lancer dans un galop inarrêtable. Je me rapproche inéluctablement du coin où tout espoir de fuite semble perdu... Mais au dernier moment, je fais retourner la jument, évite acrobatiquement la touche de Niko en me penchant sur le côté, et lance la Mô au galop m'accrochant à la crinière et lui soufflant de multiples encouragements. Une fois encore, le duel semble tourner à mon avantage, il ne reste plus que quelques mètres avant de rejoindre le pare-bottes salvateurs, hihi.
Mais Esparade a de la ressource. Il place une accélération stupéfiante dont lui seul a le secret, et alors qu'il ne me restait qu'un petit mètre à parcourir pour rejoindre la terre promise, je vois Niko venir placer la fine silhouette du grand bai juste sous mon nez avec un rare maestria. Respect...

A l'issue de cette passe d'arme mémorable, nous terminons le jeu en finissant d'attraper les derniers récalcitrants et mettons fin à cette reprise qui s'est déroulée dans une ambiance parfaite. Un vrai bon moment de convivialité.
Nous rentrons nos bestiaux dans leurs boxes respectifs et sommes conviés par Niko à le rejoindre dans le bureau enterrer sa dernière chute avec la collation de rigueur. Une fois de plus, j'arrive bon dernier dans le local ou mes collègues, les traits passablement tirés, sont avachis sur les rares places assises disponibles. Je prends alors mon air le plus détaché :
- Ben alors ? Ne me dites pas que vous êtes fatigués ?
- Wouah, l'autre, comment il se la pète !
Passé la plaisanterie, j'ose chiper un cookie dans le tas disposé sur l'assiette.
Et là, c'est le choc.
Ils sont super bons. Gouteux, tendre et moelleux, avec juste ce qu'il faut de pépites de chocolat, probablement parmi les meilleurs que je n'ai jamais goûtés.
- Kicéki les a fait ?
- Ben, c'est moi ! me répond fièrement Niko.

Il m'énerve, mais il m'énerve...