mercredi 21 mars 2012

Le printemps siffle

Jeudi 15 mars 2012

Les oiseaux sifflent, le printemps siffle.
Contrastant avec les records de froid enregistrés il y a quelques semaines à peine, le retour de la douceur me laisse aller à citer quelques vers de poésie burgonde évoquant le retour de températures accueillantes.
Dans l'écurie, la bonne humeur est partagée par toutes les cavalières croisées ici et là, affichant sourires et décontraction. Certes, je n'ai pas le souvenir de franches tensions entre mes diverses collègues, l'ambiance étant plutôt fraternelle, mais nous sentons tout de même poindre un degré de détente supplémentaire. D'autant que les chevaux semblent eux aussi gagnés par une certaine quiétude en étant tous choupis dans leurs boxes sans exception notoire.

Après ma dernière séance sur Hidalgo, j'écrivais alors qu'il ne me restait plus, parmi les chevaux du club, que Gipsy à étrenner.
Ce soir, c'est fait, mon nom y est associé pour la toute première fois.
Cela fait tout de même bizarre. En prenant l'habitude de monter ses voisins de box, j'avoue avoir longtemps négligé cette trotteuse baie, et ne me souviens pas être venue une seule fois la voir lui faire un câlin. J'ose espérer qu'elle ne m'en tiendra pas rigueur au moment du pansage.
Mais les chevaux semblent partager notre allégresse printanière, aucun accroc ne viendra troubler notre premier contact.
D'elle, je ne connais que ce que mes collègues ont bien voulu me faire partager. En particulier, je me souviens d'une cavalière se la voir attribuer la première fois qu'elle soit venue monter ici. Elle n'en gardât pas spécialement un souvenir impérissable, allant jusqu'à pester sur son caractère de trotteuse et constatant à chaque évolution qu'elle est aussi souple que ma première paire de rangers.
Mais bon, Gipsy, c'est une gentille, c'est l'essentiel et je reste impatient que nous partagions ensemble cette reprise en principe consacrée au saut.

Une fois pleinement équipés, nous partons donc en direction du manège et nous arrêtons proprement au milieu. Je ressangle fermement et m'apprête à régler les étriers à une longueur adéquate.
Sauf que... pas d'étriers sur la selle !
Je file dare-dare dans la sellerie en récupérer une paire et dépouille sans regret la selle de Granolat qui est au repos forcé après s'être ouvert un membre suite à un excès d'enthousiasme mal contrôlé.
Demi-tour droite, je suis à la porte du manège quand La Monitrice m’arrête dans mon élan, et me propose alors d'échanger en urgence Gipsy pour Mowara.
- Dis, tu ne m'en veux pas si je te donne à la place ta Pépète, hein ?
Demandé comme ça, comment voulez-vous refuser ? Je n'ai même pas eu la présence d'esprit de demander la raison du pourquoi, mais il est assez évident que les qualités de sauteuses sont nettement plus affirmées chez l'une que chez l'autre.

Par ailleurs, le nombre de chevaux habilités à sauter commence à devenir critique au club. Quick disparu, Solo et Rosire en période "joyeuse", Grano blessée, Don Nuevo, Esparade et Gulliver trop fatigués pour les barres, il ne reste plus grand monde et une bonne partie des cavalières présentes ce soir se voient associées à des poneys.

Bref, pendant que Gipsy échappe à la séance de travail, je selle en urgence la Mô est me présente dans la manège en ayant confirmation que nous allons sauter ce soir. Le dispositif est sensiblement identique à celui de la dernière fois et se présente ainsi :
- Un saut de puce le long du part-bottes à main droite à passer au trot.
- Large courbe au fond du manège pour prendre une diagonale et franchir un oxer au galop.
- Repasser au trot, et de nouveau large courbe par la gauche pour reprendre la piste, doubler plus loin dans la largeur et franchir un vertical monté sur plots.

Une fois les chevaux détendus, je laisser tomber ma polaire pour me retrouver en ticheurte pour la première fois de l'année. Ya bon.
En guise de hors-d’œuvre, la séance débute par le franchissement de l'oxer au trot. C'est précisément à ce moment précis que nous avons senti qu'il se passait quelque chose de spécial ce soir.
En règle générale, il n'est pas toujours simple de faire enchainer les couples sur les sauts, entre les hésitations et tergiversations diverses, il y a toujours des temps morts entre le passage de deux cavaliers.
Et pourtant ce soir, c'est d'une fluidité rare. Tout s'enchaine à grande vitesse, les cavaliers s'élancent avec une telle régularité que La Monitrice en est la première surprise. Cela se confirme par le même passage au galop, les mécanismes sont particulièrement bien huilés ce soir.
D'autant plus que la Mô me rappelle à son bon souvenir avec sa précision et sa franchise à l'obstacle, me faisant une fois de plus affirmer que c'est un jument qui donne vraiment l'impression d'être bon cavalier, et j'apprécie d'autant avec l'expérience glanée ses dernières semaines sur d'autres selles.
Belle bête tout de même.

Nous entamons alors le parcours en entier. Passage du saut de puce sans soucis, dans l'enthousiasme il me semble m'embrouiller dans le placement des aides, mais je finis par obtenir le galop demandé entre les deux obstacles. Pourtant, je sens un truc qui cloche en prenant le virage, sans trop savoir comment le définir, mais je me présente finalement face à l'oxer et l'efface en étant légèrement de travers, puis je viens franchir le dernier vertical placé plus loin dans la largeur.
- Daniel, tu n'as rien senti de bizarre dans ton saut, là ?
- Ben si... J'étais à faux, non ?
- Exactement ! Tu as du te sentir peu à l'aise dans le virage !
- Euh, oui...
- Voilà, quand tu as l'impression d'être de travers dans ta selle, c'est sûrement que tu galopes à faux !

J'en prends compte, et tâche de m'appliquer d'avantage sur le prochain passage, qui se déroule cette fois-ci sans le moindre accroc, en soignant mes trajectoires, prenant mon équilibre au bon moment et pensant à bien regarder loin derrière l'obstacle.
Je regrette à ce moment-là que personne ne soit présent pour filmer la scène, tellement j'ai l'impression d'être facile et bien synchro avec ma monture sur les barres. En observant mes camarades, je constate que cette même impression d'aisance est partagée par tous.
Seul Hableur, un grand poney avec une belle tête d'âne, en fait baver à sa cavalière par son peu d'appétence à l'effort. Je lui précise que c'est pas d'une cravache dont elle aurait besoin, mais plutôt d'un taser ! Hableur réussira même l'exploit de s'arrêter au milieu du saut de puce ! Bel exploit.

Le programme se déroulant à merveille, La Monitrice décide de corser l'affaire. D'abord en remontant la hauteur des obstacles, puis un transformant le dernier vertical en petit directionnel bicolore. Les gros plots cubiques sont collés l'un à l'autre formant un joli combo rouge et bleu bien étroit, et les barres sont placées de part et d'autre pour aider à la direction.
La Monitrice, contente de son coup, précise alors :
- Sur celui-ci, si vous ne mettez pas vos jambes, je vous promets que vos chevaux pileront devant !
Effectivement, quelques-uns marquent un refus, d'autres préfèrent franchir les barres sur le côté plutôt que les plots. Et quand mon tour arrive, je suis tellement obnubilé à mettre les jambes que j'en oublie de prendre mon équilibre dans le bon tempo. Je franchis tant bien que mal, emmène Georgette au passage, et termine donc ma reprise sur cette vilaine note. Grrr...

Je ne suis pas vraiment content sur le coup, mais l'impression globale laissée par tout le monde est largement positive, à tel point que La Monitrice n'hésite pas à déclarer d'être fière de notre prestation. Ça fait toujours plaisir.

Retour au box pour tout le monde, j'offre une tournée de cannelés bordelais vites engloutis devant le box de la pouliche née il y a quelques jours à peine qui fait déjà craquer toute l'assistance.

Ça sent vraiment le printemps.

mardi 20 mars 2012

Coup de soleil

Jeudi 08 mars 2012

Depuis la rentrée, c'est la panique sur les réseaux sociaux. Les derniers comptes-rendus font apparaitre des cavalières en souffrance à la suite de séances de mise en selle particulièrement gratinées orchestrées par des monitrices par ailleurs fort satisfaites de leurs méfaits.
Mais en 2012 après JC, l'une d'entre elles résiste encore à toujours à l'envahisseur et ne laisse pas aller à la facilité de la torture équestre dès la rentrée des vacances.
En fait si, mais c'est plus subtil...

Sur la feuille, c'est une grande première. Je monte Hidalgo ce soir, le seul cheval du club avec Gipsy avec lequel je n'avais encore jamais été associé. Bon, je ne compte pas Night dans le lot, qui est hors concours et uniquement réservée aux suicidaires. Peu de chances donc que je la monte un jour.

Hidalgo est un hongre alezan, plutôt petit par la taille et qui porte des fers montés à l'envers aux antérieurs pour soulager un léger syndrome naviculaire. Alors, mettons nous d'accord, un naviculaire, cela ne désigne par un individu qui voyage sur les fesses, mais l'inflammation plus ou moins prononcé d'un petit os situé dans le pied du cheval sensiblement au niveau du talon. Ce devait être précisé.

Je vais tout de même me rencarder sur le tempérament de la bête, mais les cavalières qui l'ont déjà expérimenté n'ont pas vraiment de vices à faire valoir, si ce n'est une tendance bien affirmée à craindre tout ce qui bouge, et encore plus tout ce qui ne bouge pas.

En selle, la monte se fait sans surprise. Hidalgo est un cheval d'expérience qui connait le boulot, sans vice ni vertu. Excepté que c'est un vilain suiveur, capable de continuer à marcher dans la trace du cheval précédent même après lui avoir fait un nœud avec l'encolure. Ça m'agace un poil.

Bon, pour le détendre correctement, je m'efforce à l'éloigner de ses petits camarades, il est ainsi beaucoup plus à l'écoute de mes demandes et se laisse conduire avec une certaine légèreté.

Une fois détendus aux trois allures, La Monitrice nous convoque pour nous faire la causerie du soir. Et cela commence par un simple mot, lentement décliné en trois syllabes distinctes :
- IM-PUL-SION.
Alors là, tout de suite, ça jette un froid, comme si nous en avions besoin. Grand blanc dans l'assistance, un long moment de silence pas même troublé par le vol d'une mouche encore engourdie par le froid hivernal. En insistant un peu et en interrogeant les cavaliers un à un, nous finissons par jeter quelques bribes de définition où il est question d'allure, d'engagement et de rebond.
- Voilà ! poursuit La Mono, quand vos chevaux sont dans l'impulsion, vous devez avoir l'impression de rebondir dans votre selle. Donc, vous allez les mettre à main droite, et essayer de leur insuffler de l'impulsion.
- Donc, pas mise en selle aujourd'hui ?
- Non, pas la peine, vous faites cinq à dix minutes de travail sans étriers à chaque séance. De la mise en selle, vous en faites tout le temps, pas la peine de dédier une reprise complète à ça !
Nous sentons poindre un léger vent de soulagement parmi les cavaliers, quand La Monitrice poursuit :
- Par contre, à partir de maintenant, c'est travail sans étrier !
Je me disais bien, aussi...

Bon, pour les premiers tours au pas, cela n'a rien de bien méchant. Nous nous concentrons sur la mise dans l'impulsion de nos montures, et je découvre ainsi de rôle fondamental du travail des hanches pour y arriver. C'est un peu comme si nous les poussions avec les fesses, même si, au pas, il n'est pas forcément évident de sentir le rebond de la bête.
Mais cet apéritif prend vite fin, et nous enchainons sur le travail au trot. Toujours dans l'impulsion, il nous reste quarante bonnes minutes à user les fond de culotte pour faire ainsi bosser nos chevaux, sur la piste ou sur des cercles, en les incurvant correctement bien entendu.

Les premières gouttes de transpiration apparaissent très rapidement, je ne suis pas sûr que ce soit les montures qui se fatiguent le plus dans l'histoire. Quand les premières dents commencent à se décoller, alors là oui, nous pouvons affirmer que nous sommes dans l'impulsion.

Ce qui ne n'empêche pas Hidalgo de rester sur le qui-vive, des fois qu'un ours ou une goutte d'eau viendrait subitement l'agresser. Pour le coup, je ne sais pas trop ce qui l'a pousser à faire un écart, sans doute une poussière dans l’œil, toujours est-il que je me retrouve soudainement accroché à son encolure, en train de lentement glisser sur le côté et inéluctablement attiré vers le sol. Je mets doucement pied à terre, en précisant que cela ne saurait compter comme une chute.
- On veut pas le savoir, GATEAUUUUUUUUUX !
Pfff, vilaines filles...

Nous redescendons de nos montures et les sortons du manège pour les ramener dans leurs casemates. En passant devant La Monitrice, je lui fais part d'un sentiment étrange.
- C'est marrant, j'ai l'impression d'avoir attrapé un coup de soleil sur les fesses, aujourd'hui...

Après un pansage en règle d'Hidalgo, je ressors de l'écurie en commençant à ressentir les efforts musculaires fournis ce soir.
Je ne serais pas étonné de me réveiller le lendemain matin avec les adducteurs qui se touchent...

lundi 19 mars 2012

Haute-Voltige

Jeudi 16 février 2012

J'y avais déjà fait allusion à plusieurs reprises, je souffre de graves antécédents d'origine aériennes. En particulier, j'aurais adoré éprouver le frisson de pouvoir évoluer aile contre aile à des vitesses frisant plusieurs centaines de kilomètres par heure et effectuer ainsi des figures de voltige aérienne tout en regardant les yeux de ses ailiers dans un ballet aérien dessinant dans le ciel de délicates volutes de fumée.
D'un autre côté, je ne suis pas certain qu'il serait très élégant de voir des chevaux évoluer ensemble en laissant échapper des panaches de fumée dans le manège... Mais bon, quand je cause équitation, j'ai la métaphore aérienne facile, quand bien même elle frise le rase-motte.

Bref, pour cette dernière reprise avant les vacances, vous avez deviné qu'il ne nous est pas proposé notre habituelle série de jeux, mais de prendre part à un carrousel improvisé. J'avais failli y participer en fin de saison dernière, mais une vilaine chute m'avait alors fait rater la séance à mon grand désespoir. Je suis donc d'autant plus heureux d'y participer ce soir !

La Monitrice se joint à nous pour l'occasion, nous permettant d'atteindre un nombre pair de cavaliers. Deux lignes sont alors formées côte-à-côté, et je suis associé avec Lyne monté sur son grand noir de Quartz. Les vieux avec les vieux, en quelque sorte...

La reprise démarre tranquillement au pas. Nous faisons quelques tours aux deux mains pour nous mettre dans l'ambiance et je tâche dès le début de rester synchro avec mon ailier en surveillant sa position en permanence en régulant l'allure de ma monture en conséquence.
Ensuite, doubler dans la longueur, nous opérons au bout une première séparation, chaque colonne tournant à sa main afin de dessiner un joli cœur, et le troupe se reforme au centre du manège.
Nous inaugurons d'autres figures sympathiques, croisements, hanches en dedans le long du part-bottes, et, plus amusant, à côté de son vis-à-vis, mettant ainsi nos montures respectives têtes contre têtes tel des amoureux transis. C'est mignon.

La Monitrice enchaine :
- Et maintenant, vous prenez la diagonale, et cession à la jambe !
- Hein ? reprennent en cœur quelques cavaliers néophytes dont je fais partie.
- Bon, pour ceux et celles qui ne savant pas ce que c'est, c'est comme une hanch' en d'dans, mais sur quatre pistes. En gros, vous faites marcher vos chevaux en crabe.
- Ah d'accord !

Mais finalement, ça se fait plutôt bien. Ma monture du soir, Jour, se montre plutôt volontaire à cet exercice qui m'a toujours impressionné la rétine en temps que spectateur, et je n'imaginais pas inaugurer cette nouveauté lors d'une séance de carrousel !

Enfin, nous entamons les choses sérieuses au moment de lancer nos montures au trot. Le bon ordre aperçu jusque là ne tarde pas à voler en éclat. Même en gardant un œil attentif sur Quartz, la carrousel se transforme petit à petit en gros bazar où il devient difficile de retrouver un semblant d'organisation. L'un étant en avance, l'autre en retard, ces petits désagréments allant en s'amplifiant au fur et à mesure de l'avancée des figures. Et à l'hilarité générale, je dois dire !

En peaufinant quelques réglages, nous tâchons tout de même de réaliser quelques tracés un peu plus propres et réguliers, et nous mesurons alors toute la difficulté et le travail nécessaire pour mettre sur pied un carrousel qui tienne la route. Chapeau aux spécialistes.

Et cette heure qui passe trop vite... Nous atteignons déjà la fin de la reprise, cela nous a fait bien plaisir de troquer les jeux pour cette agréable séance d'équitation en équipe. Pas une minute d'ennui, une bonne humeur de tous les instants, un vrai travail technique formant une sorte de synthèse des cours de dressage des précédentes semaines, les cavaliers quittent l'écurie avec le sourire aux lèvres.

Plus que trois semaines à attendre pour se retrouver, snif, snif...

jeudi 8 mars 2012

Poussières

Jeudi 09 février 2012

Poussière, tu retourneras poussière. Cette inspiration biblique n'est pas pour faire part du sort funeste de l'un de nos cavaliers, mais pour souligner les étranges conséquences de la vague de froid qui continue de plonger le pays sous des températures largement négatives. En particulier, en empêchant tout arrosage du sol des manèges, tout cheval venant y fouler le sable fait soulever un intense nuage de poussière qui vient envelopper les cavaliers dès que l'allure s'accélère un poil.
J'ai ainsi pu observer le phénomène le dimanche précédent cette reprise, ce brouillard épais empêchant quasiment de discerner les lettres situées à l'autre bout du manège. Les moniteurs portent des masquent de chirurgien et, à l'issue des cours, l'ensemble des protagonistes ressort avec une belle uniformité de couleur ocre me laissant à penser que si la nuit tous les chats sont gris, le jour tous les cavaliers sont jaunes.
En tout cas, ce soir, ils sont tous congelés, ainsi regroupés au sein du bureau où l'une des monitrices maison serre le radiateur tel le Saint-Graal comme si sa vie en dépendait.
Sur la fiche du jour, j'ai la surprise d'être associé pour la première fois depuis longtemps à ce grand bai d'Esparade.
- Ah tiens, ça faisait longtemps, me dis-je en me tournant vers La Monitrice.
- A ce propos, il faut lui remettre le gogue !
- Le gogue ? Jamais installé ce truc-là... J'aurais sans doute besoin d'un petit coup de main.
- Rien du tout, tu te débrouilles !
Marionnette, que j'ai un peu dépanné la dernière fois, se propose de me servir de guide, mais je relève le défi de La Monitrice et refuse poliment la main tendue.
Et puis, on a sa fierté, hein...

Pour aller me plonger dans le smog avec mes collègues, je suis donc accompagné du grand Esparade, dont la mauvaise volonté à se laisser manipuler dans son box commence à devenir légendaire. Ceci dit, ayant réussi avec une certain succès à dépanner Marionnette il n'y a pas si longtemps, je suis intimement persuadé que le grand bai saura se rappeler à qui il a affaire au moment où je pénètrerai dans son antre.
Ben non. Môssieur recommence à faire son difficile, coucher les oreilles, lever la tête et présenter les fesses, il est manifestement de mauvaise humeur une fois encore. Je fronce les sourcil, et commence à gronder la bête en la regardant méchamment. Qu'elle le veuille ou non, elle l'aura, son coup de brosse.
Mais en approchant de la croupe, Esparade fait mine de balancer un coup de postérieur une première fois, puis une seconde quelques secondes plus tard. Cette fois-ci, c'en est trop. Action, réaction, je me rapproche de sa tronche et lui colle sa baffe.
Enfin, "baffe", c'est un bien grand mot. Plus précisément, je viens lui pincer la joue et lui hurlant quelques noms d'oiseaux bien sentis. Il semble surpris de ma réaction, et un coup d’œil à son regard et ses oreilles me confirme qu'il semble revenu à de meilleurs intentions. Je lui adresse une caresse sur le chanfrein, pour vérifier qu'il soit effectivement redevenu paisible et surtout pour mettre fin à ce petit différent.
Je commence à comprendre Marionnette quand elle me signifiait avoir une confiance modérée dans l'engin. Je ressors du box un instant pour lui en causer un brin.
- Euh, Marionnette !
- Daniel, tu m'appelles ?
- Ouaip. Tu avais raison, Esparade, il teste !

Le calme revenu, j'équipe le cheval, en ayant une pointe de regret d'avoir décliné toute aide au moment d'installer le gogue dont les fils forment une magnifique toile d'araignée inextricable. Marionnette finira tout de même me sortir d'affaire en me remettant les fils à l'endroit, qu'elle en soit remerciée !

Le reste de la reprise est du grand classique. Incurvations, hanches en dedans, travail sur des cercles, toute la panoplie de dressage classique y passe avec un Esparade qui se prête à l'exercice avec bonne grâce, en total contraste avec son comportement de rebelle manifesté quelques instants plus tôt.
De toute façon, vue que l'on ne voit pas à deux mètres devant soi, la tentation de faire le con devait certainement être franchement réduite.
Mais le grand évènement de la soirée, c'est avant tout la présence inédite de Night en reprise, la jument frappadingue que seule une poignée d'élus est autorisé à monter. A cet occasion, c'est Top Gun qui s'y colle, façon de justifier quelque part le blase que je l'ai affublé à juste raison.

Il aura fallu à l'issue de la reprise de longues minutes de tapotement pour chasser la poussière et refaire apparaître la belle couleur bleu marine orangée de ma polaire d'hiver.
- Réveille toi, Blondin. Voilà des soldats !
- Bleus ou gris ?
- Ils sont gris, comme nous ! Confédérés ! On va les saluer et après on se tire. Hourrah! Hourrah! Vive la confédération, vive les Sudistes ! Et mort aux Nordistes, ces salauds ! Et vive le Général... Comment il s’appelle ?
- Lee...
- Le Général Lee ! Dieu est avec nous, parce que lui non plus il aime pas les Yankees !
- Dieu n’est pas avec nous, et il déteste les corniauds de ton genre...

Ouin, ouin, ouin...