mardi 14 décembre 2010

Sans filet

13 décembre 2010

Mon cheval, c'est mon psy.
Dès que je rentre dans son box, il m'observe d'un air grave comme un toubib qui ausculterait son patient dans son cabinet médical en cherchant quelque pathologie qu'il pourrait faire disparaître par la grâce de sa science.
Et mon chwal, comme thérapeute, il est drôlement efficace : en une séance, deux bisous et trois câlins, il a cette capacité inouïe de me faire oublier l'intégralité de mes tracas quotidiens sans même avoir à me demander de me parler de ma môman.
Trop fort le chwval. :)
Au fil des séances, je deviens de plus en plus un adepte de la secte équitation, avec la particularité que l'équitation est la seule secte dans laquelle on puisse monter sur le gourou. :D

Bref, je ne vous présente plus Mowara, ma tâchue préférée, qui m'est attribuée pour cette dernière reprise de l'année qui devrait se dérouler dans une ambiance ludique et détendue.
Pour l'occasion, j'escompte bien faire une beauté à la Mô, mais je me rappelle avoir eu le plus grand mal à lui bidouiller trois vilaines tresses lors de notre dernière association. Et elle ne semble pas plus disposée ce soir à se laisser faire...
Câlins, mots doux, grattouilles, rien à faire : la grosse ne veut pas plus me prêter sa crinière que la dernière fois... D'un autre côté, je veux bien comprendre que ce ne soit pas un moment des plus confortables : elle est chatouilleuse du garrot, et archi-sensible du toupet.

Pour parvenir à mes fins, je commence par lui caresser la joue avec la brosse douce. Ceci a des vertus magiques : si fait correctement, ça la calme instantanément de façon quasi-hypnotique. En insistant un peu, je suis sûr que je pourrais ainsi l'endormir !
J'enchaine en lui tressant une natte au milieu de la crinière, là où elle semble manifester le moins de sensibilité, et la récompense avec moultes félicitations, caresses, et surtout un petit bonbon à la carotte.
Elle s'est par la suite totalement laissée faire pour que je puisse terminer mes fanfreluches. :)

Elle est bien, ma Mô. Elle est expressive, sait manifester clairement ses humeurs sans faire preuve d'agressivité et pige vite ce qu'on attend d'elle pour peu que l'on sache s'y prendre.
Mais vu le format de la bête, j'aurais dû de suite penser qu'il fallait d'abord parler à son estomac qu'à sa tête.


En rejoignant le manège, je croise d'abord à l'attache un poney pie qu'une jeune fille finit de préparer, suivis des cavaliers de la reprise précédente rentrant à l'écurie, accompagnés de La Monitrice courant je ne sais où :
- Rentrez, je vous rejoins tout de suite. Juste le temps de récupérer ma bombe et Pirouette, et je suis à vous. :)
Pirouette, c'est justement le poney pie croisé précédemment : ce soir La Mono monte avec nous ! :D
Un petit mot sur Pirou : pour faire simple, c'est Mowara qu'on aurait réduit de taille, mais uniquement dans le sens de la hauteur. Car en largeur, les deux saucisses se font une rude concurrence...

La Mono fait bien de nous accompagner ce soir. Encore une fois, nous sommes en nombre réduit, sa présence fait ainsi monter le nombre de cavaliers à six, ce qui permet en plus de composer deux équipes égales pour les jeux à venir.

Détente rapide aux trois allures. La Monitrice est engoncée dans une grosse doudoune, des gants bien épais et a chipé le couvre-rein en polaire de sa monture pour s'en couvrir ses jambes. Les températures sont franchement négatives ce soir...
Malgré cette surcharge vestimentaires, elle nous bluffe pendant la détente en dirigeant sa monture avec une facilité et une légèreté qui contraste incroyablement avec son accoutrement. Je sens que ce soir, nous aurons droit à une nouvelle leçon d'équitation de Son Altesse Royale...

C'est parti pour un relais aux quatre coins. Lors de mes tours de galop, il y a encore trop de choses qui me traversent le ciboulot pour être réellement efficace à cette allure. J'en suis encore à réfléchir à trop de choses en même temps.
A ma posture sur ma selle.
A bien accompagner le mouvement avec mon bassin.
A ne pas lever mes mains.
A diriger ma monture.
Toute cette réflexion ayant tendance à nuire nettement à mon rendement au galop, nous devons compter sur les excellentes prestations de La Monitrice pour ne pas paraître trop ridicule face à l'équipe concurrente.
Bref, on rigole bien, mais je reste perplexe face à mes prestations personnelles. Je manque d'aisance, d'assurance, de technique et de plein d'autres choses qui me rappellent que je ne suis encore qu'un jeune padawan petit scarabée apprenti.

Nous enchaînons avec les Eperviers. La Monitrice fait le premier chasseur, inutile de préciser que cette partie est bouclée rapidement et proprement.
Nous nous concertons entre cavaliers débutants pour nous mettre d'accord sur le fait que La Monitrice bénéficie de quelques avantages de part son niveau bien supérieur.
- T'es trop forte ! Je suis sûr que tu pourrais nous rattraper sans les mains, sans la selle, toussa...
- Je suis même prêt à monter sans filet, ça me fait pas peur !
- Naaaaaaaan, quand même pas !

Ben si.
Sous nos yeux admiratifs, elle retire le filet de la bête qu'elle ira poser délicatement sur le pare-botte et passera tout le reste de la reprise à diriger sa monture avec les jambes, l'assiette, et même parfois en tenant les oreilles de Pirouette façon guidon de vélo !
Elle en a tout de même un peu bavé, mais je crois que l'on a jamais autant rigolé lors d'une reprise du lundi soir ! :D
Il était également très drôle de voir les bestioles aller se planter la tête dans le mur de paille qui tapisse un côté du manège, y attraper une bonne bouchée avant de repartir ainsi au galop dans l'autre sens en mâchouillant leur pitance ! :D

Mais au fur et à mesure des parties, la Mô commence sérieusement à se ramollir, ce qui fait de moi une proie de plus en plus évidente pour des chasseurs à cheval toujours prompts à sauter sur celui qui traîne.
Pour l'aider à la remotiver, je lui met un petit coup de rênes sur l'épaule, ce qui la réveille aussitôt et la mettra en mode fusée à la moindre sollicitation pour le reste de la soirée.
Et pour assurer mon équilibre lors des traversées de la cour de récréation au galop, je décide d'arrêter de réfléchir et de poser les mains sur l'encolure un peu comme si je devais tenir en équilibre. J'ai trouvé ainsi les galops beaucoup plus naturels, et surtout, à ma grande surprise, nettement plus confortable !

Comme quoi, trop réfléchir, ce n'est pas bon.

Pour réussir en équitation, il ne faut pas être con. Mais un petit peu, ça aide. :)

A l'année prochaine.

mardi 7 décembre 2010

Un boyau de vide sur la diagonale

6 décembre 2010

J'innove encore ce soir ! Après Tartuffe la semaine dernière, je pars à la découverte d'un autre vieux clou du club nommé Don Nuevo, un hongre bai que je n'avais pas beaucoup remarqué jusque-là.
L'abord d'un nouveau cheval est toujours un moment particulier. Est-il curieux, câlin, ou plutôt rétif et indifférent, chaque bestiole révèle son lot de surprise que je suis toujours impatient de découvrir. :)

Une fois rentré dans le box, je suis immédiatement saisi par la beauté de la bête. Un corps fin et bien dessiné, un dos droit, un garrot saillant qui semble trahir quelques années, un poil court et luisant, Don Nuevo est un cheval de bonne taille qui soigne consciencieusement son apparence. :)
Je suis de suite sous le charme et lui adresse mon bonjour avec beaucoup de tendresse et de trémolos dégoulinant.

Mais Monsieur n'en a que faire. Il a la tête dans la mangeoire à avaler ses granulés sans autre considération de ce qui puisse se passer par ailleurs. Il passerait un TGV dans son box qu'il n'en bougerait pas d'un cil...
J'en déduis qu'il revient d'un reprise précédente, ce qui explique son repas tardif et sa tenue soignée, le cavalier précédent ayant manifestement fait du bon boulot de pansage.
Je me rapproche tout de même de ses oreilles, et lui adresse un autre bonjour avec force assistance, histoire de lui faire remarquer ma présence et lui signifier que nous allons passer ensemble quelques moments que j'espère agréables pour tous les deux.
Mais Môssieur daigne à peine lever un sourcil. :/
- Tu vois pas que je suis en train de grailler ? Me dit-il d'un air agacé.
- Hé, ho, je viens juste dire bonjour, c'est la moindre des choses, surtout qu'on ne se connait pas vraiment.
- Ouais, ben, le repas, c'est sacré. T'aimerais pas qu'on te casse les pieds pendant le tien, n'est-ce pas ?
- Certes... Je peux quand même passer un coup de brosse ?
- Je ne suis pas assez propre comme ça ???
- Euh, si... Mais c'est juste pour le plaisir...
- Ecoute, fais ce que tu veux, mais tu me laisses bouffer.

Je vois, Monsieur a ses priorités. La bouffe d'abord plutôt que les câlins, c'est bien un mec lui aussi...

Je panse tout de même par principe, le temps que Boyau-de-Vide finisse son assiette et que l'on reparte sur de bonnes bases.
Mais peine perdue, une fois la mangeoire proprement vidée, la bestiole décide d'explorer consciencieusement le sol histoire de ramasser les quelques granulés tombés par terre qu'il serait dommage de laisser trainer. J'en profite pour curer les pieds vite fait, le cavalier précédent ayant réalisé un excellent travail avec des sabots dans un état de propreté comme je n'en avais jamais vu auparavant. Chapeau. :)

Je lui bricole tant bien que mal sur la crinière mes cinq nattes devenues traditionnelles. Cela n'a rien d'évident, il fait relativement sombre dans le box et Môssieur refuse de décoller son museau de la paille.
- T'as pas assez bouffé toi ?
- Non.

Equipement de la bête, et direction l'entrée du manège où la reprise précédente touche à sa fin. Les cavalières en piste franchissent une dernière fois un oxer placé au milieu du carré de sable, quand la monture de l'une d'entre elles refuse l'obstacle, faisant ainsi passer sa conductrice par delà ses oreilles.
Mais cette dernière réussit avec maestria à atterrir entre les barres, sans toucher ni l'une ni l'autre ou presque. Ceci étant bien entendu parfaitement contrôlé, la grande classe. :)

Bref, c'est notre tour.

Détente, puis trot assis, et quelques tours au galop pour se mettre en jambe. Suite à la remarque sur ma posture la semaine dernière, je fais particulièrement attention à bien accompagner le mouvement avec le bassin, et les sensations sont ainsi bien meilleures. Déjà un bon point ! On commence enfin à prendre du plaisir avec la bête, cette dernière semblant bien apprécier de se dégourdir ainsi les jambes.
D'autant qu'elle se conduit avec une certaine légèreté, précise dans la direction, mais des allures à maintenir tout de même avec les jambes sans avoir cependant à trop forcer.

Ce soir, nous reprenons là où nous en étions la semaine dernière, à savoir placer ses aides pour demander un départ au galop dans les règles. Mais l'exercice se corse : il ne s'agit plus de partir sagement sur la piste, mais de s'extraire d'un cercle, partir au trot, et aller chercher une diagonale avant de demander le galop en son milieu et y rejoindre la piste.
Je me lance dans les premiers, et Don Nuevo me surprend en partant dès l'esquisse de placement des aides. Je fais ainsi mon petit tour tranquille avant de rejoindre les autres dans le cercle. Et il arrive ce que je craignais : les cavaliers s'en extraient à un rythme désespérément lent...
Etant décidé à ne pas passer la seconde partie de la reprise à tourner en rond, je me relance pour un autre tour. Et à peine sur la diagonale, sans que je n'ai lui ai demandé quoique ce soit, Boyau-de-Vide part d'un coup à un galop généreux, allant à peu près n'importe où sans que je ne contrôle quoique ce soit...
Un troisième essai confirmera la tendance de la bête à s'emballer et au cavalier que je suis à paniquer. Ouch...
Je rejoins le cercle pour constater qu'au fur et à mesure que les chevaux passent, l'exercice se transforme en grand n'importe quoi.


La Monitrice interrompt alors la partie et nous demande de venir nous voir.
Et ça, ce n'est jamais bon...
S'ensuit une soufflante bien méritée, en particulier sur le respect de la diagonale qui se fait couper quasi-systématiquement.
Bon, nous allons essayer de nous appliquer, nous n'aimerions pas passer le reste de la reprise à travailler les diagonales...

Sur ce, j'y retourne, mais pour le même résultat pitoyable : Don Nuevo m'embarque dès la sortie du cercle et manque ainsi de me foutre par terre. La Monitrice m'interpelle d'un ton rassurant :
- Ce n'est pas tout à fait de ta faute, il commence à chauffer. Retournes-y, mais fais le partir au pas, car ça commence à lui monter à la tête...

J'obéis scrupuleusement, ce qui me permet de finir sur une note à peu près propre sans que ce ne soit pour autant parfait.
Il y a encore du boulot.
Plein.

Je ramène la bête au box, et à peine ai-je eu le temps de remettre son matériel à la sellerie que je retrouve Boyau-de-Vide le nez dans la litière à avaler goulûment quelques brins de paille.
Il soulève un sourcil.
- Tiens, t'es encore là ? me dit-il.
- Bah oui, je n'ai pas l'habitude de laisser mes montures sans un minimum de soins après les reprises.
- Pfffffffffff... 'Peut vraiment pas être tranquille...

Je brosse tout de même par acquit de conscience, jusqu'au moment où la bête soulève net sa tête et se met à renifler mon pantalon.
- Toi, t'as mis des friandises dans ton falzar !
- Ouais, j'en ai quelques unes dans ma poche, mais patience, c'est pour la fin, juste avant de partir, histoire de dire au revoir.
- T'as qu'à donner tout de suite et ficher le camp. :)
- Hé, ho, laisse-moi au moins le plaisir du pansage, tu pourrais tout de même faire semblant d'apprécier !
- Mouais... Bon, tu te magnes ?

Je finis le boulot, remballe le matériel et ferme le box. Boyau-de-Vide sort alors sa tête et me regarde d'un air que je pourrais prendre pour une velléité de tendresse.
- Alors, Don Nuevo, tu veux bien me faire un petit câlin ?
- Pas du tout. Je m'assure qu'il ne te reste pas un truc à grignoter.

Pfff, saleté. :D