vendredi 11 mai 2012

Salon de coiffure

Jeudi 22 mars 2012

Yoh m'avait joué un sacré tour il y a quelques semaines en osant se présenter dans le manège avec Itis orné d'une crinière en damier particulièrement réussie, ce qui avait eu le don de provoquer chez moi autant d'admiration que de jalousie. Ma fierté et mon orgueil ayant été particulièrement éprouvés, je ruminais donc depuis quelques semaines ma douce vengeance et n'attendais que le moment opportun pour mettre mon plan à exécution.

Par cette journée printanière, je pris donc mes dispositions pour arriver suffisamment tôt au centre équestre afin de pouvoir lui rendre la monnaie de sa pièce, et je me délecte à l'avance de découvrir sa tête au moment de lui présenter mon chef-d’œuvre. Au jeu de la petite peste, je ne compte laisser la première place à personne.

Ce sera donc Esparade qui sera le héraut de ma vengeance. Un choix parfait, un cheval grand et fin qui en impose, une crinière abondante, mes talents de coiffeur ne sauraient mieux tomber pour esbaudir la concurrence.
Je pénètre donc à l'intérieur de l'écurie en direction de son box, avec le sourire et le regard de celui qui prépare un mauvais coup. Je passe en revue les troupes, dans l'ordre Gulliver, Granolat, Jour, Don Nuevo et Esp...
Je marque un instant de stupéfaction, fait trois pas en arrière et écarquille grand les yeux devant cette scène totalement inattendue. Don Nuevo n'est pas seul dans son box !
- Yoh ! Tu es déjà là ???
- Salut Daniel ! Et oui, j'avais du temps devant moi, alors je suis arrivé tôt et j'en profite pour faire un damier à Don !

Et ben ouais, elle a déjà avancé le travail, et me voici pris à mon propre piège ! Et puis pas un damier tout pourri réalisé à la va-vite par le dernier des grooms, mais carrément le truc propre et régulier proche de la perfection. Ouch, il y a du défi là...

Oké, ne nous laissons pas abattre. La petite peste va voir de quel bois je me chauffe.
Je pénètre dans le box d'Esparade. Comme prévu, à mon approche, il commence par coucher les oreilles et balancer des coups de lattes avec les antérieurs. Il prend sa baffe et revient de suite à de meilleurs intentions.
Carotte.
Esparade, qui au fond n'est pas un vilain, fait même plus que de se laisser faire, il pousse la courtoisie jusqu'à carrément baisser l'encolure afin que je puisse plus aisément lui bricoler sa coiffure.
Je commence donc par lui tresser finement sa crinière en tâchant de rester le plus régulier possible, mais avec un succès modéré. Bon, je n'ai pas pris la peine de prendre le petit peigne spécial fourni avec le sachet d'élastiques, j'aurais peut-être dû.
Ceci dit, cela reste potable. Le but étant bien sûr de pionter la bête de façon à foutre la honte à mon agaçante voisine.

Je dresse laborieusement le premier pion, puis le second, et le troisième. Je marque un temps d'arrêt suivi d'un gros soupir de désespoir.
C'est affreusement moche à souhait, informe, grossier et très vilain. J'ose à peine lui demander son avis, à Yoh, et elle doit utiliser tout un talent de diplomate chevronné pour ne pas me vexer tout en me confirmant que, pour une première, le résultat est effectivement mitigée.
On me l'avait pourtant expliqué il y a longtemps, pour des pions réussis, il faut un crinière longue d'une largeur de main... Nous dirons donc que c'est de la faute de la crinière.

Tant pis, je laisse les tresses ainsi, je prendrais ma revanche plus tard en reprise et tachant de démontrer quelques talents de cavaliers à défaut de celui de groom.

Mais quelques soient les talents que peut démontrer Esparade dans l'art subtil de la contre-incurvation, thème de la séance du soir, tout l'auditoire n'a d'yeux que pour l'élégant Don Nuevo orné d'une parure qui déclenche l'admiration générale.
C'est sûr, elle l'a bien réussi, son coup...

Tant pis, pour la peine, je lui tourne le dos, le temps que nous admirions La Monitrice faire une démonstration de contre-incurvation après avoir emprunté Solo à une cavalière de la reprise.
Je profite de ce petit temps mort pour me délecter de ma petite revanche à venir, car je garde une dernière carte dans ma manche, héhé...

La reprise s'achève sans histoire, nous ramenons les montures au box, et une fois Esparade remisé dans son carré, je retourne voir Yoh avec mon plus beau sourire.
- Et bien maintenant, je te souhaite bon courage, car il va te falloir tout défaire ! Niark, niark...
- Je te rassure, c'est déjà fait.
- HEIN ???
Je passe la tête par dessus la porte du box, décroche ma mâchoire, et constate avec stupéfaction que Don Nuevo est effectivement déjà débarrassé de tous ses élastiques !
- Quel est se prodige ?
- Pendant la petite pause durant laquelle La Monitrice nous a fait se démonstration, j'en ai profité pour commencer à lui défaire sa tresse !

Et ouais, et comme je boudais, je n'ai rien vu venir...

Jusqu'à la lie elle m'aura fait boire le calice...