mercredi 8 février 2012

Le chaud et le froid

Jeudi 02 février 2012

Bon, je l'avoue, le titre était facile à trouver. Le "froid" fait évidemment référence à la vague glacière qui submerge actuellement l'intégralité du pays, nous faisant ainsi monter par des températures avoisinant les -10°C.

Je me demandais ainsi combien de cavaliers oseraient braver ce froid polaire pour venir monter ce soir, mais la bonne surprise est qu'il y a finalement assez peu de désistements, là où l'année dernière nous nous serions sans doute retrouvés à trois clampins avec La Monitrice au milieu. Mes collègues sont donc plutôt courageuses aujourd'hui.

En entrant dans le bureau, cavaliers, monitrices et même les chiens du club sont agglutinés autour du radiateur électrique. La Mono, qui est sur le point d'animer la reprise précédent la mienne, me propose de venir l'aider à mettre en place les obstacles prévus pour sa séance. Ma foi, soulever des barres par ce froid-là ne pourra pas me faire du mal.
Je jette auparavant un coup d’œil à la feuille d'affectation pour me voir, après de multiples ratures, associé une nouvelle fois à Jour. Je ne suis pas mécontent.
En vertu du principe d'une séance de saut toutes les trois semaines, ce devrait normalement tomber ce soir, mais la liste des chevaux proposés aux cavaliers ne va pas vraiment dans ce sens...

Je rejoins La Monitrice dans le manège, et commence à mettre en place barres et chandeliers aux emplacements prévus. Mais d'un coup, La Mono s'arrête un instant, fait mine de réfléchir, se retourne vers moi et me demande alors à quand remonte notre dernière séance de saut. Je lui réponds avec certitude qu'elle a eu lieu il y a trois semaines exactement, et envoie alors quelqu'un chercher la feuille pour y appliquer quelques ajustements.
Donc, ce soir, nous sautons.

Au jeu des chaises musicales, j'échange Jour contre Solo. En d'autres circonstances, j'aurais sans doute bondi de joie, mais tenant compte du caractère parfois fantasque de la bête et du thermomètre qui vient de se casser par le bas, je redoute qu'elle ne soit passablement excitée une fois lancée dans le manège.

Ce n'est d'ailleurs pas propre à Solo. Quelque-soit le cavalier rentrant dans l'enceinte avec son cheval en main, tous manifestent des élans de nervosité marquée et ne tiennent plus en place dès que l'un ou l'autre entend une mouche péter. Ils sursautent, se défendent ou tirent sur les rênes, de façon parfois assez appuyée. Pour une fois, ce soir, Solo, je le sens moyen...

La Monitrice, ne voulant pas laisser les montures gamberger dans le froid, nous propose de les mettre de suite au trot. Comme je le pressentais, Solo fait son anguille et devient difficilement gérable. Il ne répond à rien, part dans tous les sens, de travers, de côté, en arrière et à toutes les allures sauf bien sûr celle demandée.
D'un coup, il décide de lui-même de partir au petit galop. Sur l'instant, j'ai eu un petit moment d'hésitation. Il semble à peu près en ordre à cette allure et me demande un court instant s'il ne faudrait pas justement le laisser se détendre tranquillement ainsi. Mais en tant que bon cavalier obéissant, je l'arrête, et l'incite à prendre le trot.
C'est alors qu'il tourne brutalement à 90° par la gauche et se met à charger l'obstacle situé juste devant son nez. Je m'accroche comme je peux, mais peu préparé à ce saut improvisé, l'équilibre à la réception devient précaire et l'Anguille refait à l'issue un nouvel écart qui achève de me foutre par terre. La fesse droite éclate au passage et les mollets déclarent de sympathiques petites crampes.

La Monitrice a bien saisi que je ne m'en sortirais pas ce soir. Elle me confie Granolat à la place et monte elle-même en selle sur Solo pour aller tâter de la bête. Elle nous ressort alors sa panoplie d'Altesse Royale face à cette bestiole peu commode. Elle en bave les premières minutes, insiste, fait travailler le bestiau, et à force de persévérance, réussit à le remettre d'aplomb et finira même par lui faire sauter quelques barres proprement.

Car les obstacles installés précédemment par ma pomme sont toujours en place. D'abord un croisillon sur la piste, suivi par un large virage au fond du manège pour aller chercher la diagonale au milieu de laquelle se retrouve un vertical. Puis de nouveau un large demi-cercle pour passer un double disposé sur la piste à l'autre longueur.

Entretemps, Granolat, effrayée par je ne sais quoi, renvoie la balle de ping-pong servie par Solo en me faisant mordre la poussière une seconde fois. Une fois à terre, il me vient à l'esprit cet amusant dessin précisant que les chevaux n'ont finalement peur que de deux choses : celles qui bougent, et celles qui ne bougent pas...

A passer au trot, je me lance en premier pour enchainer les deux premiers obstacles. Quelques mètres avant le croisillon, Granolat prend deux foulées de galop non programmées et passe ainsi ce premier saut. J'ai un peu de mal à réduire à l'allure inférieure d'avant d'aborder le vertical dans la diagonale. La Monitrice n'est pas très satisfaite de mon manque de contrôle, et me demande pour la suite de rester impérativement au trot.
Je m’exécute donc, mais cette fois-ci dans l'excès inverse. Trop accroché à la bouche de peur qu'elle ne prenne le galop, la bête reste effectivement au trot, mais à une allure désespérément lente me faisant friser le refus. Nouvelle remarque de La Monitrice qui me demander quelques ajustements sérieux...
Troisième passage, je décide de me grandir et de me faire plus léger avec la main. Hors de question de tirer sur le mors, je pianote délicatement sur les rênes dès que je sens Grano vouloir prendre une allure un peu trop soutenue.
Et ben voilà, ça passe nickel, propre et fluide à la fois ! Un parcours enfin réalisé de façon satisfaisante, cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps.

Enfin, dernier passage au petit galop à l'autre main, mais sans passer par la diagonale. Les bonnes dispositions entre-aperçues précédemment se confirment à ma grande satisfaction. Voilà une séance bien positive !

Entre temps, La Mono a continué de faire bosser Solo, déjà pour ne pas le refroidir, ensuite pour le faire travailler sur l'obstacle tout en nous montrant les exercices à effectuer. Il n'allait là pas échapper à sa séance de taf' aussi facilement... Et là, je suis vraiment admiratif. Franchement jaloux même. Ce qui vient d'obtenir La Monitrice avec l'Anguille, j'aurais tellement voulu le faire moi-même. Arriver à tenir la bête et le remettre dans le bon chemin.
Je mesure ainsi mes limites personnelles et le long travail à effectuer pour gagner l'expérience nécessaire à la gestion de ce genre de chevaux délicats. Du coup, j'ai un peu peur que La Monitrice ne me le redonne pas de sitôt car j'ai l'étrange impression d'avoir déçu...

En même temps, en comparant ma prestation sur cette même Granolat il y a trois semaines de ça, les progrès furent nettement sensibles. Tant dans l'attitude de la monture que dans celle du cavalier, le bilan de la séance est largement positif et je reçois même quelques félicitations de collègues.

En descendant de la selle, au contact du sol, je fais un petit "ouch" en sentant le sympathique hématome poindre sous la fesse. C'est étonnant comme finalement une selle peut paraître confortable une que l'on en est descendu !

Mais que j'ai hâte de remonter sur l'Anguille pour une petite revanche...

vendredi 3 février 2012

Groom service

Jeudi 26 janvier 2012

Bon. Ayant suivi à la lettre les recommandations de La Monitrice préconisant de faire de l'exercice physique, j'ai poussé le bouchon tellement loin (bien involontairement, ceci dit) que j'en ai développé une magnifique tendinite me faisant rater la reprise du 19 janvier.
Groumpf.

Retour donc au centre équestre après cette petite coupure. Au menu du soir, je retrouve Jour après le faux départ donné il y a quelques semaines. Un changement de dernière minute m'avait alors privé d'une première association avec cette petite jument, qui de toute façon n'avait pas l'air très contente de m'accueillir. Bah, ce sera l'occasion de repartir vers de nouvelles bases et reprendre à zéro un début de relation qui était fort mal parti.

Après quelques mètres en direction de son box, je surprends Marionnette en train curer les pieds de Rosire. Ce dernier ayant tendance à devenir un peu couillon depuis quelques temps, je ne cache pas mon étonnement face à cette association inédite.
- Tiens ? Tu montes Rosire ce soir ?
- Du tout, mais je dois le préparer ainsi qu'Hidalgo pour Yoh et Topgun qui rattrapent un cours en ce moment même. En fait, ce soir, je monte Esparade, mais il me fait la tête encore, il ne veut pas se laisser panser...
- Ah, bon allons voir ça !
Je bombe le torse, prends mon air le plus décidé et ramasse une brosse afin de montrer à ce grand échalas à qui il a à faire. A la porte du box, il n'a pas l'air spécialement content de me voir. Je l'appelle tout de même par son p'tit nom histoire d'attirer un peu son attention, et une fois qu'il a bien intégré que j'allais m'occuper de lui sérieusement, je rentre dans sa casemate et attend qu'il vienne de lui-même me renifler de la tête au pied. Je lui rend la politesse agrémentée de quelques caresses accompagnées d'une voie douce et commence à le brosser d'un côté, puis de l'autre.
Je m'assure enfin qu'il donne correctement le pied, et propose donc à Marionnette de venir prendre le relais en précisant qu'il me semblait à point.
Sur le coup, il me semble l'avoir drôlement impressionné, la jeune fille ! Au point qu'elle me propose d'aller m'occuper de Rosire qui ne semblait, pas plus qu'Esparade, vouloir lui accorder sa sympathie.

Bon, Jour attendra, je quitte donc Esparade pour me diriger vers l'autre grand bai et lui applique les premiers soins avec tout autant de facilités. Une fois cette tâche effectuée, je compte bien me consacrer à ma monture du jour, si j'ose dire, quand Marionette, désespérée, m'appelle une nouvelle fois au secours !
- Daniel, il faut que tu m'aides, il ne veut vraiment rien savoir, Esparade, je n'arrive pas à lui curer les pieds !
- Oké, passe moi l'outil, je vais m'en occuper !
Sous son regard admiratif, je décrotte proprement les pattes de la bête et aide ensuite à le seller. Une fois ma bonne action terminée, je me dirige à nouveau vers le box de Jour avec la ferme intention de pouvoir commencer enfin notre tête-à-tête.

Sauf que Lagazelle, arrivée entre temps, se met elle aussi à crier à l'aide devant ses difficultés à prendre les pieds de Gulliver, manifestement rétif lui aussi !
De bonne grâce, je propose de m'y coller, et en deux temps trois mouvements, Gulli retrouve des pieds tout neuf sans sourciller. A la sortie du box, je suis tout fier de pouvoir annoncer ainsi :
- C'est officiel, je suis désormais un chuchoteur confirmé !
- Hé, ho, n'exagère pas trop non plus ! semblent dire en cœur l'assistance passablement médusée, mais reconnaissante.
Assurément, un grand moment jouissif de petite peste de centre équestre.
Je termine enfin en demandant, un peu moqueur, si personne d'autre n'aurait besoin de mes services, mais il semblerait que j'ai la voie libre pour enfin aller prendre en compte ma petite jument alezane.

Les choses ne sont pas gagnées pour autant. Si ses collègues m'ont laissé tout loisir de parader devant les cavalières présentes, Jour ne semble pas du tout encline à se laisser dompter aussi facilement. Elle fait semblant de m'ignorer, et les quelques fois où elle tourne sa tête vers ma pomme, c'est pour bien me montrer ses belles oreilles plaquées sur son encolure, façon explicite de me démontrer que la patronne, c'est elle.
D'accord, mademoiselle est une pisseuse. Trouvons une autre stratégie.

D'abord, ne pas se laisser impressionner. Elle ne veut pas me voir, je reste à sa porte en continuant à lui parler, d'abord fermement, dans le but de capter son attention. Au bout d'un moment, j'obtiens une petite victoire : Jour décolle enfin une oreille de son encolure ! Je la félicite, me fais la voix plus douce et l'encourage à persévérer dans cette voie.
Seconde victoire, cette fois-ci elle tourne carrément une oreille de mon côté ! Elle semble désormais un peu plus à mon écoute. J'en profite alors pour ouvrir la porte de son box, me présenter à l'entrée, et attend qu'elle vienne prendre connaissance de cet étrange gugusse qui lui casse les pieds depuis cinq bonnes minutes.
Elle commence à me renifler, c'est plutôt bon signe, et je peux enfin lui flatter l'encolure avec une certaine tendresse. Il semble enfin qu'elle ait acceptée que nous soyons associé pour ce soir !
Mine de rien, c'est une belle satisfaction personnelle.

Le reste du pansage et de l'équipement se passera sans plus de soucis, et je m'apprête à quitter l'écurie quand je vois une cavalière revenir avec Itis en main, orné d'une tresse en damier absolument magnifique qui me laisse béat d'admiration.
- Mais... Qui c'est qui lui a fait cette merveille ? je demande alors.
- C'est Yoh, qui l'a monté à la reprise précédente.
Là, elle marque un sérieux point. Moi qui pensait attirer l'attention de la faune cavalière avec mes pseudo talents de chuchoteur, me voilà distancé de plusieurs kilomètres.
Les choses n'ont resteront pas là, faites-moi confiance.

Une fois dans le manège, j'en profite tout de même pour la féliciter pour son travail, c'était bien le moindre que je puisse faire.
Pour le reste, c'était une reprise de dressage axée sur l'incurvation et le travail des hanches en dedans. A la différence près qu'il s'agissait d’exécuter l'exercice dans la longueur au milieu du manège plutôt que sur la piste, bien guidé par le pare-bottes.
Pour m'aider à affiner ma technique, La Monitrice me prodigue de précieux conseils sur la façon de "soutenir" avec la main intérieur afin de mieux contrôler les épaules et dessiner des cercles de façon précise. C'est une astuce des plus intéressantes, j'ai vraiment l'impression d'obtenir des résultats plus aisément qu'auparavant.
Ne reste plus qu'à affiner et automatiser le geste, et je pense arriver à gagner beaucoup de finesse dans le guidage de mes montures.

Une séance au final très instructive sur une jument tout à fait disposée à donner le meilleure d'elle-même, à condition de faire les présentations dans les formes !

Retour aux boxes, et remise en condition de la bête sans surprise. Enfin, pas tout à fait...
La surprise est en fait pour Yoh, qui a le bonheur de constater que la cavalière qui a rentré précédemment Itis n'a pas pris soin de lui défaire la crinière - passe encore - mais a surtout eu la délicatesse de laisser la boite de pansage dans le box au grand bonheur du cheval qui s'est fait un plaisir de la démonter méticuleusement en éparpillant l’intégralité du contenu aux quatre coins de son logis.
Yoh semble s'être fait une nouvelle copine dans l'affaire...

Nous nous mettons à trois pour tâcher de retrouver les éléments qui composaient le contenu de la boite, et constatons avec dépit qu'un peigne manque à l'appel... Nous comprenons ainsi ce qu'est de chercher une objet métallique dans un tas de foin.
Pour achever de jouer les bons samaritains, j'aide Yoh et retirer les nombreux élastiques de la crinière, en lui confirmant qu'elle a vraiment pris une longueur d'avance en matière de coiffure équestre.

Mais que je ne comptais pas me laisser faire aussi facilement...