mardi 31 mai 2011

Apesanteur

30 mai 2011

Isaac Newton est un imposteur. Ce n'est certainement pas le seul, d'autres scientifiques de grand renom semblent eux aussi être tombés dans le panneau.
En fait, la loi de la gravité est une vaste foutaise. Eventuellement, si vous-même vous allongez à l'ombre d'un généreux pommier par une belle après-midi d'été, peut-être finiriez-vous par vous prendre une pomme sur la poire. Admettons.
Mais il est des circonstances où certaines lois physiques échappent cependant à tout entendement, où le corps semble se fondre totalement avec l'esprit et permette ainsi de vivre des expériences totalement inédites et quasiment mystiques que ne renieraient pas Youri Gagarine.

Pour l'occasion, je me vois attribuer, et pour la première fois, la fusée Esparade, un grand bai tout fin, et un peu creusé en raison de son grand âge, mais qui garde une vitalité étonnante pour un cheval de 19 ans. Cela faisait plusieurs mois qu'il m'avait tapé dans l’œil, mais jusqu'à présent, au sein de notre reprise, seul Nikko avait eu le privilège d'y poser les fesses, ce que je trouvais bien entendu d'une terrible injustice.
Nan, nan, pas jaloux.

A peine en selle, La Monitrice nous propose d'aller rejoindre les près. Les reprises de la veille y ayant pratiqués quelques séances de mise en selle gratinées, j'éprouve alors quelques inquiétudes quant au programme de la soirée...
- C'est pour y faire ce que je redoute ?
- Non, non, pas ce soir. Ce sera pour une prochaine fois.
Ha ! C'est dommage, pour l'occasion j'avais mangé léger !

Notre groupe est assez réduit ce soir. Nous ne sommes que cinq auxquels viendra se joindre Kanasukre, une sympathique cavalière propriétaire d'un poney isabelle de toute beauté.
A l'instar de la précédente séance au milieu des prés, il règne une atmosphère résolument magique. Nous sommes un soir d'orage, de gros nuages noirs circulent au-dessus de nos têtes d'où perce un soleil généreux, baignant ainsi les prés d'une lumière fantastique.
Une fois arrivés sur place, nous pratiquons une détente tout à fait ordinaire sur la petite piste circulaire. J'en profite pour faire connaissance avec le bestiau, en particulier pratiquer un petit peu de trot assis pour mesurer son indice tapoku. Sans être réellement confortable, il n'y a guère besoin de s'employer pour rester en selle. Aucune crampe à redouter ce soir !
Au moment d'allonger les foulées, Esparade semble apprécier que je me mette en équilibre. Nous rattrapons ainsi facilement les cavaliers précédents qui paraissent se trainer lamentablement. Il a de l'énergie, le petit !
Mais étrangement, au galop, je ne retrouve pas toute la dynamite qui a fait sa réputation. Il galope pépère, sans plus. J'ai un peu de mal à trouver ma position dans ma selle et suis toujours aussi peu à l'aise les étriers au pieds... D'où certainement l'allure modérée d'Esparade, je pense qu'il va y avoir du travail pour mettre tout ça au point.

La Monitrice nous fait ressangler nos montures, et le temps de les faire un peu souffler, Kanasukre lui laisse sa place sur le dos de son poney.
- Bon, vous allez me suivre. On va un petit peu galoper, mais sur le GRAND tour ce coup-ci !
Sans blaaaaaaaaaaaaaagues !!!!

Finalement, le métier de blogueur équestre est particulièrement ingrat. Chaque semaine, on espère trouver les mots, les petites phrases, l'inspiration et les belles envolées lyriques qui feront passer quelques séances de travail des plus banales pour des instants exceptionnels. Et quand ces moments d'exception viennent finalement embrasser nos petites existences de cavalier, on se retrouve comme un couillon à ne plus savoir quoi dire...
Alors, on se laisse porter par l'instant, on profite du vent qui vient nous caresser le visage avec une douceur rare, on essaye d'accompagner la monture dans un mouvement qui nous parait incroyablement naturel, et on se surprendrait presque à être bon cavalier.
Je profite de cette longue chevauchée pour me caler à peu près correctement dans mes étriers. Je me fais léger dans la selle, et contrairement à la détente, dois cette fois-ci mettre le frein aux ardeurs d'Esparade qui brûle d'envie de griller la politesse à La Monitrice. Ah, j'ai retrouvé la dynamite ! Elle m'emportera avec tout autant de bonheur sur un deuxième tour qui achèvera de nous mettre en orbite autour de l'ordinaire terrestre. Oubliés la gravité, les soucis, les rhumes et les petits tracas, l'état d'apesanteur fournie par l'équitation défie toutes les lois de la physique connues.

Dans euphorie, le reste parait anecdotique. J'ai tout juste le souvenir que nous ayons douchés nos montures après la reprise, et que l'orage s'est mis à tomber peu après que nous les ayons ramenés au pré.

Pour tout le reste, il y a Mastercrad, hihi.

mardi 24 mai 2011

Amour et pâtisserie

23 mai 2011

Au centre équestre sans prétention, il a mauvaise réputation.
Ce pourrait être les premières paroles d'une chanson d'un chanteur à moustache, c'est plus simplement l'impression laissée par la majorité des cavaliers du club dès lors qu'on prononce le mot de Quick.
Au moment précis où mes collègues ont appris qu'il m'était affecté ce soir, j'ai pu lire dans leur regard un mélange d'inquiétude et d'admiration. J'en profite, c'est très bon pour mon égo.
D'ailleurs, après l'avoir récupéré au pré - il s'était caché derrière le seul arbre du coin - je ne me suis pas privé de bomber le torse et de parader comme un paon en passant devant mes collègues avec le Monstre qui me suivait sagement. Oh, regardez comme il est vilain le cheval, comme il est effrayant, et comme il ne me fait même pas peur...
Bon, cela fait juste trois fois que je monte dessus, et l'on me pose toujours la question si je n'éprouve pas d'appréhension à l'idée d'y poser mes fesses.
- Du tout, c'est rien qu'un gros nounours, le Quick !
- Tout de même, il fait souvent tomber ses cavaliers...
- Mais c'est parce-qu'ils se présentent en lui disant que c'est un con ! Du coup, comme c'est un grand sentimental, il le prend mal...
C'est sûr, si à chaque nouveau cavalier, on lui fait comprendre qu'il va finir par terre, ça ne risque pas de le mettre en confiance... La mauvaise réputation engendre la peur, qui engendre la crispation, qui engendre la chute, c'en est presque mathématique. J'avoue avoir moi-même ressenti une certaine appréhension lors de ma première expérience sur son dos, qui c'était effectivement traduite par une certaine épreuve de force entre nous deux.

J'ai donc testé une autre technique. Une fois dans le pré ou dans son box, et avant même de le contraindre à quoique que ce soit, je lui fais un grôqalin et lui glisse à l'oreille ce que personne n'avait encore osé lui murmurer : je lui dit que je l'aime !
C'est idiot, mais ça marche. Disons plutôt que je m'en persuade, mais la méthode coué semble donner de bons résultats. L'équitation couéthologique, voilà un concept qui devrait bientôt faire fureur dans les paddocks.

Avec la confiance accumulée lors de mes précédentes reprises, j'ai donc monté avec décontraction, et j'ai comme l'impression que Q l'a en partie ressenti. Je me suis moins accroché aux rênes, et le bonhomme, en vrai gentleman, a décidé de s'abstenir de faire systématiquement descendre son encolure comme il en avait pris l'habitude, m'épargnant ainsi une pénible séance d'aviron.
Par dessus le marché, il est presque réactif à la jambe. Je précise "presque" parce-qu'il faut tout de même jouer fermement des mollets. La prochaine fois je laisse la cravache au fond du sac de sport !

Ces bonnes dispositions se confirment lors de la détente. Du pas, les départs au galop se font avec une facilité surprenante. Et ça tombe bien, c'est le thème de la séance du jour.
Non pas des départs tranquilles le long du pare-botte, où les chevaux semblent connaître la chanson sans que les cavaliers n'aient trop besoin de s'employer, mais en plein milieu de la carrière, sur le pied choisi par une Monitrice attentive et vigilante.
Et là, évidemment, c'est la panique... Je me plante dans les aides, en oublie au passage la moitié, et le cheval fait ce qu'il peut, et surtout pas ce qu'il faut... J'ai donc droit un rappel en règle de La Monitrice qui est à la limite de m'envoyer au coin...
 Pour mémoire, et pour un départ au galop à gauche :
-> Jambe gauche à la sangle.
-> Jambe droite à la hanche.
-> Nez du cheval pointé vers la gauche.
-> Cavalier légèrement penché vers la droite pour délester l'épaule du chwal.
Ouala. Trop de confiance fait devenir idiot, ne jamais oublier de travailler ses gammes...

Une fois tout ceci remis en place, les départs se font à peu près dans les règles, même si la direction de la bête laisse nettement à désirer. Et pourtant, Q semble y mettre de la bonne volonté, mais le cavalier semble ne pas être tout à fait au niveau... Grrr, j'enrage ! Je ne suis vraiment pas satisfait de ma prestation ce soir.
Pour me détendre un peu les neurones, je me débarrasse des étriers pour pratiquer un peu de galop assis. Nom de dieu, mauvaise idée ! J'avais très sous-évalué son indice tapoku !
Au bout de trois foulées, et après avoir passé plus de temps en suspension que sur la selle, je ressers les mollets à m'en faire des hématomes.
Au bout de six, je mets la main sur le pommeau.
Au bout de la longueur, je commence à sentir poindre une crampe.
Au milieu de la largeur, j'abandonne, je rechausse...
En voyant ma mine défaite, La Mono m'interpelle ainsi :
- Et bien Daniel, tu m'as l'air bien fatigué !
Je n'ai même pas trouvé la force de lui répondre...
Quick, c'est 1,2 granos.
Au moins.

Fin de la reprise, je raccompagne Q qui a été mignon toute la soirée. Finalement, l'équitation, c'est comme l'amour. Si on se pose trop de questions sur le partenaire, faut passer à autre chose !

A part ça, sous cette belle douceur. Nous fêtons l'anniversaire de Nikko ce soir. Pour l'occasion, il nous à préparé un gâteau au chocolat et un quatre-quart accompagnés de quelques boissons gazeuses bienvenues.
L'un comme l'autre, La Mono est sous le charme...

Pfff... M'en fous... Au moins, mes carottes données à Quick étaient meilleures que ses bouts de pain donnés à Esparade.
On se console comme on peut.

mardi 17 mai 2011

Stonehenge

16 mai 2011

A partir du moment où la passion s'exprime, les paroles ont parfois tendances à prendre des proportions extatiques et jubilatoires frisant l’exagération. Et c'est ainsi que toute une brochette de superlatifs vient ponctuer le discours de l'amateur d'équitation au moment de faire part de son enthousiasme. Le mordu vous affirmera ainsi que cette discipline a quelque chose de magique, de féérique et d'envoutant, qui saurait transformer n'importe quel vilain crapaud en cavalier charmant dès lors qu'il pose ses fesses sur une selle.

Foutaises, diront le commun des mortels. Et pourtant...

Cela débute la veille, au moment d'accompagner les shetlands vers le grand manège pour le reprise du dimanche après-midi. A l'intérieur, se trouve une dame d'un certain âge, à la coiffure improbable et dont l'allure générale pourrait sans doute aucun la faire passer pour la marâtre de n'importe quel conte populaire. La dame y travaille consciencieusement un cheval à la longe quand je m'apprête à ouvrir la porte afin d'y faire passer les cavaliers en herbe.
La sorcière dame s'arrête soudainement, visiblement surpris par l'intrusion imminente de divers individus au milieu de son exercice. Elle se tourne alors vers moi et s'écrie d'un air peu satisfait :
- Ah mais, il ne faut pas rentrer ici !
Alors qu'au même instant, située un peu en retrait et ne pouvant donc assister à la scène, La Monitrice prie la troupe de pénétrer dans l'enceinte...
Je réplique alors à la dame :
- Oui, mais il y a cours maintenant, donc on va rentrer quand même...
Elle quitte alors le manège avec un air furieux et l'envie irrépressible d'y faire pleuvoir des grenouilles...

Quelques tours de trot et de galop plus tard, voilà toute la petite troupe en direction des près pour aller y gambader joyeusement. Au milieu des herbes hautes serpente un agréable chemin au bout duquel se trouve une piste circulaire où nos jeunes cavaliers vont expérimenter les joies de l'équitation en plein air. J'avoue être un peu jaloux devant leurs mines réjouies et les voir ainsi prendre un plaisir que semble partager leurs montures.

Sur le retour, nous croisons la marâtre sur le point de passer quelque onguent miraculeux sur les sabots de son cheval. Elle se retourne alors vers nous et annonce à La Monitrice d'un air suspicieux :
- C'est étrange, Itis est tout seul dans le pré...
La Mono s'immobilise quelques instants, prenant le temps d'une intense réflexion. Non, décidément, ce n'est pas possible, il devrait AU MOINS y avoir Night, la jument frappadingue uniquement montée que par quelques rares Élues. Et comme je surveille la bête depuis quelques semaines, je me permets d'ajouter que Quick, n'étant ni à l'attache, ni en reprise, aurait du s'y trouver aussi. Mystère et boule de gomme...
Comme nous devions justement aller sur place y déposer une botte de foin, j'accompagne donc La Mono pour tenter de lever le voile sur cette étrange affaire. Mais une fois arrivés, la consternation fait place au soulagement :  tous les chevaux prétendument disparus n'ont pas résisté à l'appel du foin et ont échappé au vilain sort qu'il leur avait été jeté pour réapparaître aux côté de leur congénère. Faille spatio-temporelle, enlèvement express par des extra-terrestres en recherche de sources d'ADN remarquable ou habilité extrême des chevaux et se camoufler derrière le dernier brin d'herbe de leur pré, le mystère reste entier.

Le lendemain, je suis affecté à Don Nuevo. Nonobstant sa propension à se concentrer sur sa gamelle, j'ai avais gardé lors de mon unique reprise sur son dos un souvenir plutôt agréable bien que lointain.
Une fois récupéré au pré, où je ne constate aucune manifestation surnaturelle, et attaché à son anneau, j'apprends avec un certain bonheur que nous devrions à notre tour avoir la joie d'aller se dégourdir les pattes dans la verte prairie !

Dans la carrière, à peine avons-nous eu le temps de monter en selle, que c'est direction les prés, en prenant le même chemin à travers les herbes hautes emprunté par les bambins la veille. Une légende naissante (et un peu déformée par mes soins, je l'avoue) rapportée par La Mono affirme que cette piste était empruntée jadis par les vieux gladiateurs passés de vie à trépas et cherchant à rejoindre les Champs-Elysées.
La gare RER étant juste en face, ne pas oublier toutefois de faire un changement à Châtelet ou Gare de Lyon...

Une fois sur le cercle, il est enfin temps de reprendre connaissance avec Don Nuevo. Première remarque, il est incroyablement fin ! Certes, il commence à avoir de la bouteille et à se creuser ici et là, mais de là à être capable de faire toucher mes pieds sous son bide, voilà qui change des mastodontes Quick et Mowara ! En revanche, c'est un amour en selle. Précis et réactif à l'instar de Mowara, de minimes sollicitations sont nécessaires pour le faire avancer à sa guise. Un cheval léger par excellence, le parfait contraire de Quick.
Au trot, je me laisse aller à rester assis quelques foulées histoire de prendre connaissance de son indice tapoku. Diantre, je n'avais pas le souvenir qu'il était aussi gratiné ! Si Granolat est le mètre étalon en matière de chevaux tape-cul, Don Nuevo doit bien approcher les 0,90 ou 0.95 granos, légèrement au dessus de Quick, en attendant bien sûr des mesures définitives à l'aide d'un granomètre de précision.
Je reprends bien vite le trot enlevé, La Mono devrait de toute façon nous faire quelques tours de trot assis un moment ou un autre.
- Vous déchaussez les étriers !
Ah ben, qu'est-ce que je disais... Ce champs semble avoir la vertu d'amplifier les facultés divinatoires...

Passé ces quelques instants de mise en selle éprouvante, le moment tant attendu est arrivée. Sur la piste circulaire, certainement un cercle de culture dessiné par quelque divinité qui a pris soin de charmer le lieu par je ne sais quel maléfice sympathique, les chevaux sont enfin lancés au galop pour notre plus grand bonheur. A un rythme initialement un peu timide, le temps que chacun prenne ses marques, j'essaye de retenir les leçons de la reprise précédente en prenant garde à la tenue de mes mains et en étant plus souple sur les rênes. C'est inouï comme ça parait soudainement plus facile ! Je pense que Don Nuevo me facilite grandement la tâche, tant il est agréable au galop !
Nous changeons de main, reprenant le petit galop tranquille, puis la magie de l'instant opérant, les allures s'accélèrent progressivement. Chacun essayant de se rapprocher du cavalier le précédant tout en évitant que celui que le suit ne le rattrape, nous sommes ainsi lancés dans une sorte de frénésie à laquelle nos montures semblent prendre plaisir à partager. Sur fond de coucher de soleil, cet instant est magique, unique, littéralement transcendant.

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Passés ces quelques fractions d'éternité, heureux comme des papes, nous ne sommes pas redescendus tout de suite. Par certain moment, le cheval est comme une fusée qui met son cavalier en orbite autour de la Terre. Même quand le moteur s'arrête, le cavalier continue à naviguer au dessus de l'atmosphère et ne redescend que bien plus tard, une fois l'état d'apesanteur évaporée.

Sur le chemin, du retour, j'aurais même presque eu envie de chanter. Pour ne pas rompre le sortilège, j'ai préféré m'abstenir...

Mais la magie ne s'arrête pas là. Au détour d'un bosquet, nous croisons un arbre magique. Celui-ci aurait la vertu, quand il est frappé par le soleil sur les coups de midi et baigné d'une douce chaleur, de faire pousser à ses pieds des monitrices d'équitation. Plusieurs témoignages confirment avoir effectivement aperçu un tel phénomène, ce qui corroborait l'hypothèse de l'origine surnaturelle des monitrices.

Enfin, une fois à terre, je veux dire "physiquement", je m'occupe de donner un dernier coup de brosse au bon Don Nuevo qui m'a transporté me soir. En lui curant les pieds, je fais une dernière découverte étrange... Sur ses antérieurs, juste au dessus du boulet au niveau du tendon, lui pousse une espèce de petite griffe que je n'avais encore jamais observé jusque-là. Au moment précis où la lune fait son apparition bas sur l'horizon et dont un phénomène optique lui donne une taille irréelle, il n'y qu'une seule conclusion à en tirer : Don Nuevo est un cheval-garou !



Puisque je vous dis qu'il y a quelque chose de magique dans l'équitation...

mardi 10 mai 2011

École de l'Air

09 mai 2011

Cela nous avait été promis la semaine dernière, et au vue des reprises mises en place depuis quelques jours au centre équestre, nous devrions y avoir droit aussi : ce soir, on vole. Je me suis préparé pour l'occasion : casque, masque à oxygène, combinaison pressurisée, gilet de sauvetage et balise de détresse, la préparation psychologique est au top. Ne reste plus qu'à prendre connaissance de l'engin qui m'est attribué ce soir, et a ma grande surprise, il s'agit de Gulliver. Non pas que j'éprouve la moindre réticence à monter dessus, bien au contraire, sa jolie robe noire le ferait passer pour le vaisseau amiral de la flotte, mais il est réputé avoir quelques difficultés à passer les obstacles. Bah, si La Monitrice estime qu'il est apte au service !

Mais le scandale du soir est ailleurs. Que mon Quick soit attribué à Niko pour cette reprise me met dans un état second. Ben quoi... On ne le voit pas le bonhomme pendant trois semaines, et voilà t'y pas qu'il se pointe la fleur au fusil et qu'il me pique mon cheval ! Grrrr...
Une grande respiration, et je pars tranquillement en pèlerinage au pré prendre en compte la bête. J'en profite pour murmurer deux-trois mots doux à l'oreille du Grand Lourdingue avant de passer le licol à Gulli. Une fois l'aller-retour effectué, ce qui doit bien représenter un petit kilomètre à pinces, à peine ai-je le temps d'attacher le noiraud à l'anneau qu'il m'est signifié un changement de programme. Exit Gulliver, place à Mowara !
La bonne nouvelle : Mô est une super-sauteuse avec laquelle j'entretiens quelques affinités, en espérant qu'elle ne me tiendra pas rigueur de mes récentes escapades sur Quick.
La mauvaise : je dois refaire le chemin dans l'autre sens pour ramener Gulli à son pré...

Passé ce petit contre-temps, je m'en vais de ce pas s'occuper de la Mô dans son box. Peu après, je vois arriver Niko dans l'écurie à la recherche de sa monture du jour. Je lui précise alors que les chevaux sont au pré et lui en explique le chemin. Il marque un petit temps d'hésitation, puis se retourne voir moi :
- Euh... Quick, il ressemble à quoi déjà ?...
Je vois... Quand il n'y a plus la petite étiquette sur la porte des box, c'est tout de suite moins facile de les reconnaître, hein ?
- Bai clair, nez busqué, deux balzanes sur les jambes droites, et uniquement à droite, une liste mal foutue, on ne peut pas confondre !

Une fois Mowara équipée, je la sors du hangar et procède à une rapide check-list.
-> Vérification des niveaux, liquide de refroidissement et avitaillement, OK.
-> Contact général sur "ON", OK.
-> Pompe de circulation en état de marche, OK.
-> Moteurs en route, OK.
-> Transmissions, OK.
-> Libre débattement des commandes, OK.
-> Sécurités du siège éjectable retirées, OK...

A ce moment précis reviens Niko avec un magnifique cheval bai, petite marque en tête et balzanes aux antérieurs...
- Ah mais... Lui, ce n'est pas Quick !
- Hein ? Tu plaisantes là ?
- Du tout, je ne reconnais pas de qui il s'agit, mais c'est sûr que ça n'est pas Quick.
Houuuu ! Niko ne sait pas reconnaître Quick ! Toute la foule est avec moi est lui crie "bouuuuuuuuuh" !
La Mono passe part là :
- Niko, tu me ramènes Esparade au pré, je ne suis pas très chaud pour le faire sauter, lui...
Aha ! Et en plus, il ne sait même pas reconnaître Esparade sur le dos duquel, et je le rappelle avec une certaine délectation, il a passé une bonne partie de l'année ! Toute la foule se lie avec moi pour lui jeter des petits cailloux !
Bon, je sais, je charge un peu la barque, mais comme il est assez probable qu'il lise ces pages...
Niko, si tu me lis...

Une fois en piste, détente tout se qu'il y a de plus classique, la Mô, toujours aussi précise et réactive, me rappelle combien, une fois sur son dos, elle donne l'impression de devenir bon cavalier. Par contre, j'avais oublié à quel point elle était tape-cul au galop !

La piste de décollage s'est entre-temps ouverte. L'exercice débute par le passage au trot de quelques barres au sol, remplacé plus tard par un croisillon, puis un petit vertical et enfin un oxer pour terminer. Après plusieurs enchainements, je constate que je suis beaucoup trop crispé à chaque passage. Résultat, je suis raide comme un bout de bois, retiens ma respiration, omets de serrer les jambes et, pire, il m'arrive même une fois ou deux de me raccrocher aux rênes. Je ne suis vraiment pas très satisfait de ces premiers sauts.
Et pourtant, ce n'est pas faute de travailler mes mises en équilibre sur un cercle, le temps de laisser mes collègues effectuer leurs passages. Pour se décontracter, je ne connais qu'une solution, sourire et tirer la langue. Surtout que les prochains sauts se feront au galop, ce qui n'est pas pour me déplaire.
La Mô prend l'allure aux aides de façon impeccable, à tel point que j'en suis surpris et que j'en perds mon étrier droit. J'essaye d'y remettre mon pied, j'y arrive, oui, non, peut-être... trop tard, l'oxer est juste devant, à quelques mètres. Advienne que pourra, j'y vais quand même. Pas le temps de réfléchir ni de me crisper, je serre les mollets, me mets en équilibre sur l'étrier restant et suis tout surpris de réaliser un saut qui me semble plutôt correct.
La Monitrice m'interpelle alors :
- Mes félicitations, Daniel !
Ah ouais quand même ! Je salue bien bas, en suis tout flatté, mais j'ai un peu de mal comprendre ce que mon saut avait de si exceptionnel pour se voir gratifié de tels louanges...
Et La Mono de préciser :
- Je connais des galocâtres, en perdant un étrier, se seraient arrêtés net...
Je sors mon plus grand sourire, avant qu'elle ne conclue  d'un air plus sérieux :
- Ce n'est pas pour autant qu'il faut que ça te monte à la tête, hein !!!
Et pourtant, c'est tentant !

Reste à effectuer un tout dernier passage. Encouragé par l'expérience précédente, je m'applique comme jamais et effectue ce dernier saut avec une belle sensation de fluidité. Je ne sais pas s'il était correct ou pas, mais vu d'en haut, ça me semblait un bien joli vol.

Une fois au sol, je continue à faire mon coq en allant débarrasser trois barres d'un coup devant un public de groupies en admiration qui me mitraillent avec leurs appareils photos. Ne manque plus que le baiser à la princesse sur le balcon du palais royal pour parfaire le tableau !

Ce mardi matin, j'ai failli partir au boulot pieds nus. A quoi bon mettre des chaussures quand on ne touche plus terre ?

PS : une petite vidéo des exploits :
http://vimeo.com/23556639

mardi 3 mai 2011

Monsieur Muscle

02 mai 2011

Les bonnes traditions ne se perdent pas. Ce lundi matin, en accompagnant ma fille à l'école, il pleuvait. Et allant déjeuner ce midi, il pleuvait. En rentrant du boulot, il pleuvait. En récupérant ma fille à la descente du bus, il pleuvait. En se dirigeant vers le centre équestre après m'être rasé, habillé et passé une heure à mettre ma lentille gauche, il ne pleuvait plus. En en arrivant sur place, le soleil se débarrassait des derniers nuages qui lui barraient le passage dès potron minet. Décidément, l'équitation éclaire nos vies dans tous les sens du terme...

Tiens, Quick m'est de nouveau attribué ce soir... C'est une assez bonne surprise, je dois l'avouer. En dépit de l'impression mitigée de la semaine dernière, La Monitrice semble m'accorder une certaine confiance en ma capacité de monter un cheval à la réputation sulfureuse. Pour mon égo de petite peste, c'est extrêmement flatteur. Toutefois, pour modérer un peu l'exploit, en j'en parlais avec La Mono la veille, l'arrivée des beaux jours semblent avoir nettement assagi la propension de certains chevaux à faire les andouilles. C'est bien connu, la chaleur, ça endort !

Je vais donc récupérer le monstre dans le pré dans lequel il a désormais pris ses marques. Le soleil a beau être de retour, ces mêmes prés n'en gardent pas moins les traces des précipitations plus ou moins abondantes du jour.
En marchant en direction la harde, vient se coller aux semelles de mes chaussures un bon centimètre de boue à chaque nouveau pas. Comme quoi, il n'y a pas que la soupe qui fait grandir.

Quick a profité de cette humidité passagère pour se confectionner un manteau très tendance. Un mélange assez subtil de poussière, de boues sèche et humide et de fibres végétales diverses. Au même instant, me rejoins Fannette venue prendre en compte sa monture du jour.
- Tu saurais reconnaître Don Nuevo ?
- Bien sûr. C'est un bai avec une marque très caractéristique en forme de "V" comme "Vo" sur le chanfrein.
Nous inspectons donc l'ensemble des chevaux bais qui composent la troupe, et avec une synchronisation remarquable, d'un coup d'un seul décident de nous montrer chacun leurs fesses. Excepté Quick auquel j'ai déjà passé le licol, et dont le physique singulier ne passe de toute façon pas inaperçu. Outre sa tête de trotteur au nez busqué qui plait ou qui ne plait pas, il a un corps de cheval standard qui aurait été étiré dans la longueur. Garrot démesuré et cuisses impressionnantes en forme de triangle équilatéral parfait, je le trouve plutôt mignon-craquant comme ça. C'est certes loin d'être un top-modèle, mais j'aime les singularités, ça lui donne de la personnalité !

Bref, je mets la bête à l'attache et commence à l'étriller sec, soulevant ainsi un nuage de poussière qui me plonge dans un brouillard tellement dense que je ne peux plus voir Fannette pourtant sise à moins de deux mètres, et c'est fort dommage. Teuheu, teuheu, la poussière, c'est bon, mangez-en.
Avec quelques efforts, Qiou recommence à briller. A peine lui ai-je rendu son poil de chaton que j'ai tout juste le temps de l'équiper et lui attacher se selle avec sa sangle trop courte. Tout comme la semaine dernière, il faut s'y mettre à deux et tirer à s'en faire péter les veines pour arriver à accrocher le premier trou. Quick nous soumet ainsi à un premier exercice physique bien épuisant, heureusement qu'il fait une petite douceur ce soir.

Une fois la détente entamée, je me décide à retenir la leçon de la semaine dernière et faire ainsi preuve de plus de fermeté dans mes sollicitations. Sans avoir toutefois à trop m'employer, Qiou semble nettement mieux disposé que la dernière fois. Il répond à la jambe à condition d'appuyer la demande, éventuellement relayée par un petit coup de cravache sur l'épaule. Autre particularité du bestiau, c'est un super suiveur... Avec une forte tendance à adopter les allures et trajectoires de la bête qui le précède. Pour les allures, c'est un bon point, je laisse le cheval faire le boulot. Pour les trajectoires, ça se complique. Quand il a décidé de suivre, il suit, quitte à marcher en crabe et complétement plié en deux comme une huître. Tant bien que mal, j'arrive à m'imposer et me surprend même à prendre un certain plaisir sur le dos de ce grand échalas.

Mais ce qui ne change pas du tout, c'est bien sa vilaine tendance à amener sa tête vers le bas et le cavalier avec. Bien décidé à ne pas me laisser faire, c'est alors un combat de chaque instant pour tâcher lui garder le museau en l'air, entre engueulades quand le Monsieur n'est pas disposé à collaborer et force encouragements quand il reprend une posture adéquate.
Par acquis de conscience, je tente quelques passages de trot sans étriers, sans trop insister sur l'exercice sous peine de se faire décrocher les dents. C'est qu'il secoue le bougre...
Au galop, c'est nettement plus agréable. Il se lance assez facilement, rompt de temps en temps l'allure, mais reste relativement bien en ligne et sur la piste sans trop avoir à s'employer. Un vrai plaisir, que dis-je, un pur moment de bonheur qui m'arrache un énorme sourire !

Pendant ce temps-là, au bord de la carrière a pris place une bande de jeunes filles dont la plus grande, qui ne doit avoir plus de douze ans, semble être particulièrement agitée. Ça gesticule, ça fait du bruit, ça monte sur la barrière et ça parle fort. A plusieurs reprises, elles sont rappelées à l'ordre sans que cela ne produise le moindre effet. Quand La Monitrice se décide à se déplacer, la jeune fille en question se met dans une colère terrible assorti d'un vocabulaire qui choquerait un rappeur emboucané par le malin.
Tout ceci se termine dans la confusion la plus totale, avec la grand-mère qui finira tout de même par intervenir et présenter ses excuses au nom de sa petite fille... Drôle d'éducation !

La séance reprend son fil sur l'exercice du jour. Passer quelques barres au trot assis, demander un arrêt de cinq secondes, puis repasser d'autres barres au sol au pas très [i]traînquilleument[/i](avé l'accent, c'est important). Concernant Quick, la difficulté ne tient pas en l'exercice en lui-même mais d'abord à garder les rênes courtes pour obtenir un arrêt correct. Gants ou pas gants, la peau de mes mains en garde encore quelques souvenirs rougeâtres.

Bilan de la séance : mon opinion envers Qiou a évolué de façon très nettement favorable. C'est un cheval qui demande au cavalier de s'imposer, chose que je n'avais pas su faire la dernière fois, et où il faut savoir alterner fermeté et encouragements. Il est surtout incroyablement physique, sans doute le seul cheval qui fasse travailler autant les bras que les jambes. En dehors de ça, c'est quand même un bon nounours. Mine de rien, je commence à m'y attacher !

Plus efficace que le rameur : Quick du Bois vous redonne votre silhouette de jeune homme en moins de trois séances.

Ah, la semaine prochaine, il est prévu de sauter... Quick ou pas Quick ?...