mardi 7 juin 2011

Mythes et légendes

06 juin 2011

Imaginez.
Imaginez un bord de mer enrobé d'une douce chaleur. Une longue plage de sable fin d'une jolie couleur ocre au contact accueillant, une mer turquoise à peine troublée par quelques vagues qui viennent s'échouer avec une divine sonorité, et un ciel d'un bleu azur aussi profond que les yeux d'Olivia Wilde. Une brise emplie d'embruns et de senteurs marines vient délicatement nous caresser le visage et apporter un léger brin de fraicheur.
A cette heure matinale, l'endroit est désert, pas une âme qui vive, pas une promeneur du dimanche, pas même un pêcheur de crevettes. Tout juste peut-on apercevoir au loin la vision furtive d'un majestueux cheval blanc galopant toute crinière au vent, monté par une jeune fille à la longue chevelure blonde et finement bouclée, simplement habillée d'un linge de coton blanc trempé par les embruns, et donc passablement transparent. L'image rêvée de l'équitation ultime, du cavalier libéré de toute contrainte et ne faisant plus qu'un avec sa monture...

C'est un petit peu l'image d’Épinal qui m'a traversé l'esprit au moment précis où La Monitrice nous a proposé de retirer nos selles afin de se confronter pour la toute première fois aux joies de la monte à cru. Enfin ! Nous allons nous attaquer au mythe, à la légende, à cette pratique équestre qui fait pétiller les yeux des jeunes filles et accessoirement vendre quelques cartes postales aux visiteurs de passage.

Aux regards des reprises des jours précédents, j'avais eu vent du thème de la séance du jour. Je ne suis donc pas étonné de retrouver les chevaux réputés pépères au milieu du manège où nous avons trouvé refuge en lieu et place de la carrière passablement inondées par les orages de ces derniers jours. Seul Nikko semble avoir touché le gros lot en se voyant attribuer Granolat, dont l'inconfort au trot est aujourd'hui une référence mondiale, ou presque. Il est manifestement puni de son absence de la semaine dernière.
Et toc.
Je suis plutôt bien loti avec Mowara. Sans être totalement confortable, cette juju reste agréable à toutes les allures et je suis heureux de pouvoir effectuer cette première expérience sur un dos bien rebondi.

Après la traditionnelle détente, nous déposons donc selles et tapis sur les barres qui garnissent le fond du manège. Commence alors le ballet hilarant des cavaliers tentant avec plus ou moins de réussite à se hisser sur le dos de leurs montures respectives par leurs propres moyens. Je ne suis pas forcément le plus doué dans l'exercice, une aide extérieure ne sera pas de trop pour arriver au sommet du Mont Wara.

Les moues dubitatives et les gros yeux exorbités de mes camarades traduisent avec beaucoup de sincérité nos premières impressions.
Donc, effectivement, ça glisse. Rien de bien méchant, je m'y attendais un peu.
Mais aussi, ça tient chaud. Forcément, directement au contact du cuir, l'effet radiateur est particulièrement sensible. Heureusement que les températures se soient passablement radoucis depuis deux jours, l'exercice de sauter sur le dos de nos bestiaux nous a déjà fait suffisement transpirer.
Mais ce qui me frappe à la seconde même où j'ai posé mes fesses sur le dos de la Mô, c'est que je suis d'abord assis sur sa colonne vertébrale ! Je sens très nettement les épines dorsales venir me chatouiller le coccyx un peu comme si j'étais assis sur une barre crantée. Outre que je trouve ça particulièrement inconfortable, j'ai la sensation affreuse que je vais lui péter une vertèbre à chaque mouvement !
Ça, pour sentir les mouvements du cheval, je les sens...

Pour mettre en pratique cette nouvelle facette de l'équitation, nous continuons la séance avec une série de petits jeux habituels : relais aux quatre coins et éperviers. Avant de me lancer dans un premier galop inédit, La Monitrice m'adresse une petite mise en garde :
- Tu vas voir, Daniel, Mowara elle est très joueuse...
- Hein ? Comment ça ???
- Tu verras...
- Ah mais 'fallait rien me dire ! Je suis tout crispé là maintenant !
Bon, pas vraiment en fait. Je crois que l'excitation du moment prend le pas sur toute appréhension. C'est donc avec une réelle impatience, mais la main sur la crinière, que je lance ma monture pour ce premier galop à cru.
Aides en place, départ propre et immédiat à la bonne allure, jusqu'ici tout va bien. Et c'est au bout de la première longueur que Mô me rappelle ce petit détail qui tue, et qui prend alors toute son importance une fois sa selle remise au placard.
Mowara est archi-chatouilleuse du garrot...
Et voilà que je te fais un joli stop.
Et voilà que je te baisse la tête.
Et voilà que je te secoue le cocotier.
Et voilà que je repars bille en tête le nez en l'air.
(Petite séquence à faire tourner en boucle).

A ce moment précis, je ne suis plus cavalier, mais juste un passager trimballé sur une attraction à émotion forte se cramponnant à tout ce qu'il se trouve pour ne pas retourner poussière.
Dans la confusion, il me semble avoir constaté que mes collègues n'avaient pas franchement l'air plus malin, à la grande hilarité de l'assistance venue en nombre assister à cette grande première. Finalement, il faut peu de chose pour nous rappeler que nous restons encore d'indignes cavaliers...

A l'issue de cette série de jeux conclue dans le bazar le plus total, nous terminons la reprise par une petite séance de mise en selle sans selle. S'en serait presque reposant, dis-donc ! A l'exception bien entendu de Nikko qui fait des bons de vingt centimètres à chaque foulée de trot sur la Grano.
Hihi.

Une fois pied à terre, selle et tapis sous le bras, nous en arrivons tous à la même conclusion. La monte à cru, finalement c'est très surfait...

D'ailleurs, la plage de sable fin est blindée d'algues vertes qui sentent le gaz. La cavalière se prend une fiente de goëland sur ses cheveux pleins de sable et bascule lamentablement dans une flaque malodorante. Sans doute dans sa chute s'est-elle fait écraser le tibia par le postérieur du cheval dont elle avait auparavant oublié de dévisser les crampons. L'histoire ne le dit pas.
Mais comme on dit, si la légende est plus belle que la réalité, écrivons la légende...

6 commentaires:

  1. Comme toujours de magnifiques métaphores qui nous mettent l'eau à la bouche... Un texte très bien écrit... Manque plus que plein de photos:! ^^
    Personnellement j'adore monter à cru, mais c'est sûr que quand le poney est ultra confortable avec un indice tapoku de -3... Ça change la donne:! ^^ =P

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  2. Je vois que l'indice tapoku commence à faire son bout de chemin ! Je sens que je vais déposer un brevet ! :D

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  3. Vraiment sympa ce texte ! Et la fin ! Génial ! J'ai d'ailleurs laissé échappé un rire ! (Va falloir que je le retrouve ! ^^)

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  4. Toujours aussi agréable à lire ! Merci, Le Tigre... ;-)

    Pour ma part, je ne monte pas mon cheval à cru par respect pour son dos d'anglo !

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  5. Génial cette découverte!
    La monte a cru, on en rêve tous mais c'est vrai que le contact avec la colonne vertébral n'est pas forcément très agréable!!!

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  6. Ahlalala. Que j'adore lire ce blog ! (et je vais être encore en retard, C'PAS POSSIBLE ça !!!)

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