mardi 29 mars 2011

Véronica et moi

28 mars 2011

Mes collègues m'agacent. A chaque semaine qui passe, je fournis des efforts inouïs pour apparaître comme un cavalier modèle, soigner ma tenue vestimentaire, briquer mes montures et fournir des pâtisseries qui me feront briller auprès des monitrices et rendront ainsi fous de jalousie tous mes voisins de reprise. Mais parmi eux, il y en a toujours un pour monter mieux que moi, porter la veste qui tue ou fournir des petits gâteaux à se damner, maltraitant ainsi mon ego surdimensionné et renvoyant ma vanité à son bûcher. Je trouve ceci profondément injuste. Je dois me résigner et admettre cette triste vérité : je suis une petite peste.
Mais si, de celles que l'on croise régulièrement des les centres équestres, souvent jeunes et imbues d'elles-mêmes, généralement enfants gâtés et propriétaires d'un cheval de sport prestigieux fils de Nabab du Royaume offert à grands frais par des parents dépassés, forcément entier à la taille vertigineuse, alors que la petite peste en question, du haut de ses douze ans, peine encore à atteindre 1m50.
Ce ne sont pas que des légendes qui arpentent les romans et les séries télévisées des enfants, elles existent bel et bien et apporte tout le sel sans quoi un centre équestre ne serait pas digne de ce nom. Elles sont faciles à reconnaître, faisant preuves d'une compétence équestre aussi légère que leur suffisance est grande. Il n'y a donc pas de méprise possible, je crois que je fais partie de cette charmante catégorie, l'étalon en moins.
A ce sujet, si de bonnes âmes voulaient bien m'offrir un descendant de Limbo ou Roccossifred, sachez que je suis preneur.

Bon, une fois ce constat établi, après avoir bien sûr pesté sur les montures indignes de mon rang, médit sur mes petits camarades et m'être longuement admiré devant le miroir, il n'était plus que temps de rentrer en piste et montrer aux autres de quoi je suis capable.

Mais à l'entrée du manège, c'est la panique. Un de mes gants a disparu, sans doute égaré - ou plus certainement volé par un jaloux - entre le box et le manège... Natie, qui pour ce soir a laissé sa place à sa fille sur Itis, aura la gentillesse de retourner dans l'écurie me le retrouver.
Parce-que monter sans les mains gantées, pour une petite peste, serait absolument inconvenant.

Le manège a été généreusement arrosé dans la journée. Très généreusement. TRES TRES généreusement. Et c'est sans doute une grande première pour un manège couvert, par certains endroits, nous croisons quelques zones boueuses particulièrement glissantes que je m'applique à éviter soigneusement. Ceci dit, Mowara semble avoir un pied très sûr et abordera ces difficultés avec son assurance et sa bonhommie habituelles. A contrario, Esparade, retourné sous les bons soins de Niko, fait preuve de beaucoup moins d'adresse et nous gratifie de quelques glissades à limite du slide-stop à chaque changement d'allure demandé dans les zones à risque. Cela n'augure rien de bon...
Passée la détente au pas et au trot, il nous est demandé un départ au galop, du pas, et sans étriers. Situé juste derrière moi, je sens Esparade partir comme d'habitude au quart de tour et prendre la piste intérieure afin de doubler les cavaliers plus long à la détente. Et ce qui devait arriver...
Dans le virage, Esparade glisse sur le sable humide, ses jambes intérieures se dérobent et il se couche sur le flanc, entrainant ainsi son cavalier qui finit la figure sur une longue et belle glissade. Tout le monde se relève sans mal, Niko époussette l'excès de sable déposé sur sa tenue et ose alors cette saillie flegmatique :
- Zut alors, je suis tout sale maintenant.

Nous reprenons le cours de la reprise, orientée une fois encore sur l'incurvation. Ce doit décidément être une notion fondamentale pour qu'elle fasse l'objet d'une troisième séance en quatre semaines.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, La Monitrice nous rassemble et nous prodigue quelques piqûres de rappel bienvenue. En particulier, elle nous sensibilise sur l'état des pieds de nos chevaux qui doivent être impérativement curés avant et après la reprise. Ceci peut paraître trivial, mais pourtant il me semble que c'est bien la première fois qu'une telle mise au point est établie aussi clairement...
Ensuite, nous sommes conviés à rappeler les aides mises en place pour incurver nos bêtes, quel est leur nom et le pourquoi de leur utilisation.
Et la, c'est le grand blanc... Nous nous retrouvons tels des mauvais élèves n'ayant pas retenus leur leçon face à une maîtresse consternée. Ratant ainsi une belle occasion de briller, et par la même occasion d'énerver mes petits camarades, je dois constater amèrement que je suis renvoyé à mes chères études.
Et un point Petite Peste en moins, un.

Bon, pour la leçon, je vais rappeler ici les grands principes énoncés par La Monitrice :
-> Les jambes servent à contrôler les hanches, les mains contrôlent les épaules.
-> La jambe intérieure est à la sangle. Elle s'appelle jambe d'appui ou de pivot et doit aider le cheval à tourner autour et maintenir l'impulsion.
-> La jambe extérieure, appelée jambe de position, sert à remettre les hanches à leur place si celles-ci s'échappent vers l'extérieur.
-> La rêne extérieure est tendue et plaquée contre l'encolure, elle contrôle l'épaule du cheval et le pli de l'encolure.
-> Rêne intérieure en rêne d'ouverture, juste ce qu'il faut pour mettre le bout du nez dans le cercle.
-> Poids du corps légèrement vers l'extérieur afin de rester bien droit sur la selle et que le cheval n'aille pas s'incliner dans le virage.
Voilà. Ceci doit être désormais connu et appris par cœur, la semaine prochaine, c'est interro. Au risque de bouffer de l'incurvation jusqu'à que nous soyons capable de faire des nœuds avec nos chevaux...

Pour finir la reprise, nous mettons en applications tout ceci sur une demi-volte renversée, jusqu'au moment où Gipsy décide de faire sa trotteuse de faire tourner en bourrique sa cavalière.
Finalement, c'est une bonne bête, cette Mowara !

Retour des bestiaux et pansage en règle. Une fois la tâche achevée, j'ai la bonne surprise de constater qu'il reste encore pas mal de monde dans les boxes. La Monitrice me voit sortir de l'écurie et s'exclame d'un air étonné :
- Tiens, Daniel, tu as fait plus vite que d'habitude ou quoi ?
- Du tout. Ce sont les autres qui ont manifestement pris le temps de s'occuper de leurs montures.
Sans doute est-ce l'effet "curage de pieds" qui fait son œuvre, je trouve en tout cas que cela rajoute un brin de convivialité appréciable. Il est toujours agréable de taper le bout de gras avec ses collègues de reprise pour parler de choses et d'autres, de ses impressions sur la reprise ou des bêtises de nos gamins respectifs. Avec la douceur printanière, les jours qui rallongent et les rayons de soleil, l'ambiance n'a jamais été aussi excellente dans notre petit groupe. Je m'en voudrais presque de passer pour une petite peste. :)
C'est décidé, j'arrête.

En raccompagnant La Monitrice à son véhicule, je lui fais part du rêve qui a animé ma nuit du dernier samedi, après être venu assister au concours de saut au club. Dans mon délire nocturne, je m'imaginais sur un parcours de saut d'obstacle, en selle sur un grand alezan que je ne saurais identifier avec certitude, et j'effectuais un tour d'une fluidité absolue assortie d'un impeccable sans-fautes.
La Mono me regarde alors d'un air complice :
- Un concours ? Qui sait... Bientôt, peut-être...
Aha... Dois-je prendre cela comme un encouragement ?
Finalement, je ne devrais pas me prendre la tête en vaines remises en question. La vérité saute aux yeux , je suis un excellent cavalier. D'ailleurs, mon père m'apprenait à monter dans les allées.

Hihi.

2 commentaires:

  1. Tu t'es surpassé une fois de plus dans tes qualités de narateur Le Tigre!
    Vraiment très agréable à lire!

    Pour le cours sur l'incurvation, et oui, tu risques d'en faire encore et encore pendant un sacré bout de temps! Petit à petit, ça devient naturel mais à chauqe fois, dans ta progression, ça te servira pour effectuer un exercice plus ou moins compliqué!

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  2. Ah, les incurvations ! Il faut dire que dès qu'on quitte une ligne droite ( ce qui arrive malgré tout assez souvent ! ), on doit les effectuer, ces fameuses incurvations... J'avoue que, comme une grosse nulle que je suis, j'applique tellement à la lettre ce qu'il faut faire que je mets ma jambe intérieure à la sangle, mais vraiment à la sangle et du coup, mon cheval ne sent rien... En fait, il faut la mettre juste derrière la sangle.

    En tout cas, encore une fois, Tigrou, merci pour cet excellent article qui fut un vrai plaisir à lire ! ;-)))

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