mardi 11 janvier 2011

Top Gun

10 janvier 2010

Il est des petits moments d'éternité qui restent gravés dans les mémoires à jamais, quelques infimes fractions de secondes où le temps semble s'étirer à l'infini, où les pensées se bousculent et s'entrechoquent à une vitesse inouïe à l'intérieur d'un espace cérébral qui prend des dimensions insoupçonnées.

J'avais il y a quelques temps osé comparer l'équitation à un sport aérien. Le cheval est un aéronef qui nous fait décoller et transporte ainsi le corps et surtout l'esprit dans des espaces aériens inconnus où il est agréable de se perdre. Et s'il arrive au cavalier de mettre pied à terre, son esprit peut ainsi rester transporté pendant de longs moments dans un état de lévitation que d'autres moyens artificiels ne sauraient concurrencer.

Je n'imaginais pas que cette séance saurait me faire décoller à ce point. :)

Et les choses s'annoncent sous les meilleurs auspices. La gravure de mode Gulliver me gratifie d'un regard d'une rare tendresse à mon arrivée et semble réceptif comme jamais à l'avalanche de câlins que je lui fournis en flux tendu. Une bonne séance de grattouilles sous l'encolure accompagnée d'une voix débile lui fait ouvrir de grands yeux de satisfaction et il me fait comprendre, au moment d'aller chercher son équipement, qu'il n'a pas eu son compte pour la soirée.
Il a pourtant la réputation de présenter plus volontiers ses fesses aux cavaliers que de réclamer un câlin. Rien qu'avec ça, j'ai déjà gagné ma soirée. :)

Les bonnes surprises s'enchaînent. Son ancienne selle synthétique à la sangle bizarre a fait place à une version plus conventionnelle et nettement plus agréable au toucher, mes fesses sauront en être reconnaissantes.

A l'entrée de la carrière, La Mono est en mode Altesse Royale, montant le poney d'une cavalière à l'air dépité pour lui montrer deux ou trois trucs qu'elle ne semble pas maîtriser totalement, mais que la Mono exécute avec une facilité déconcertante.

Nous entrons en piste.
Gulliver est fidèle à lui même au moment de la détente, c'est à dire plus volontiers disposé à faire la sieste qu'à courir la piste. La Mono vient à mon secours en me parant d'une cravache rose bonbon taille shetland du plus bel effet présentement trouvée par terre. Ça jure un peu avec le reste de la tenue, mais il en faut plus pour m'en offusquer, j'ai tout de même un blaze à honorer. :)

Autre bonne surprise, en lieu et place de la séance de mise en selle que j'avais anticipé, les premiers exercices de travail en équilibre sur les étriers légèrement raccourcis semblent promettre le franchissement de quelques barres. :)
Après de longues minutes bien éprouvantes de cette exercice à toutes les allures qui auront la vertu d'éliminer les quelques excès des fêtes, une première barre au sol est mise en place le long du pare-bottes pour notre plus grand bonheur.

S'en suivent quelques passages au trot sans soucis où j'essaie de travailler mon équilibre, les mains en haut de l'encolure pour me donner un point d'appui supplémentaire, et surtout en essayant de penser à placer mes jambes de façon correcte, ce que j'ai encore trop tendance à oublier, et ne manquera pas de me jouer des tours si je ne m'applique pas plus.

On repart dans l'autre sens, avec la barre qui s'élève d'un seul côté, lui donnant un côté bancal pas très esthétique, et, pour tout dire, un peu troublant...
Je me lance cependant en confiance, mais, sans doute inconsciemment perturbé par cette barre de traviole, j'en oublie de serrer mes mollets aux abords de l'obstacle. Il n'en faut pas plus à Gulliver pour le refuser et effectuer un bel écart sur sa droite aussi soudain qu'inattendu.
Bien entendu, ma position en équilibre précaire m'a de suite fait comprendre qu'il était illusoire de rester en selle. Je n'ai même pas essayé de me rattraper, ai lâché tout ce qui pouvait me rattacher à la monture et laissé ensuite la gravité faire son œuvre en ayant pour première pensée "ah, ça y est, un mythe s'effondre".

Puis tout s'est passé tranquillement, très lentement, à la façon d'un ralenti détaillant à l'extrême l'arrachage de cheville de l'attaquant par le tacle assassin du défenseur en retard sur l'action que n'a pas vu l'arbitre.

J'ai d'abord pensé à l'avion de combat navalisé se faisant catapulter du porte-avion avec une brutalité extrême, avant de rejoindre quelques secondes plus tard le calme et la sérénité des immensités aériennes. Il est vrai qu'à cette instant présent j'ai eu plus l'impression de voler que de tomber. D'ailleurs, on parle parfois de chevaliers du ciel, plus rarement de chevaliers de la route...
Il m'est ensuite venu à l'esprit mes fidèles lecteurs et lectrices dont certains attendent depuis longtemps déjà le récit de ce premier voyage selle-sol. Puis la façon dont je pourrais bien leur conter cette aventure, quelles pirouettes verbales je saurais employer pour faire passer cette vilaine péripétie pour un bref moment de gloire.
J'ai pensé à une collègue de forum, qui a eu la bonne idée de me rappeler quelques heures plus tôt que je n'avais toujours pas mordu la poussière.
J'ai ensuite pensé à mes collègues de reprise aux premières loges du spectacle, sans trop savoir s'ils manifestaient effroi ou délectation devant la réalisation du numéro.
Enfin, je me suis questionné sur le choix de l'ingrédient principal de la pâtisserie qu'il me sera demandé de présenter la semaine suivante en pareil cas. Sans trop d'hésitation, j'ai validé l'option chocolat qui devrait ravir à la plupart des convives qui choisiront de rester à l'issue de la prochaine reprise pour partager mon infortune. C'est à dire pas grand monde...
Et avec tout ça, j'ai même eu la présence d'esprit, en vieil aéronaute que je suis, d'effectuer une demi-vrille afin que la coque dorsale absorbe le choc qui s'annonce désormais imminent avec la barre légèrement suspendue au dessus du sol.

Il paraît que ça a produit un bruit sourd, presque inquiétant. De cela, par contre, je ne m'en souviens guère...
Passé le premier moment de stupeur, je termine mon atterrissage par une petite roulade pour accompagner le mouvement avec douceur, puis soupire intérieurement une fois l'arrêt complet un gros "zut, flûte, crotte" avant de me relever rapidement, histoire de rassurer son monde et faire bonne figure.
Ça, c'est fait.

La Monitrice vient de suite aux nouvelles.
- Ça va ?
- Oui. Mais je suis vexé.
- Bah, si ce n'est que ça, ça va aller alors. Mais c'est sûr, hein ? Tu ne t'es pas fait mal ?
- (tapotant dans la coque). Sûr. Je suis un homme renforcé. ;)
- Oh, quel homme ! Allez hop, en selle !

Pas refroidi pour autant, je retourne à l'obstacle avec un Gulli cette fois totalement disposé à aller franchir cette fichue barre, avec succès cette fois, mais je prends soin dorénavant de tenir un brin de crinière sur les recommandations de La Monitrice.
Nous nous prenons au jeu, et Gulli, sans lui avoir demander, ne résiste pas au plaisir de m'emmener au galop pour les prochains passage. :)

Nous changeons une nouvelle fois de main, et cette fois-ci l'obstacle prend l'allure d'un vrai vertical, estimé à quarante centimètres par certains, mais plus proche des cinquante selon moi.
Les sauts, toujours au trot, s'enchainent sans encombres avec plus ou moins de réussite. Il y a toujours un truc qui manque, un mollet pas serré, un main trop ferme, une trajectoire aléatoire, un équilibre tardif, tout un tas d'éléments que j'ai du mal à conjuguer en une seule fois.
Sur la fin de la reprise, les éléments semblent se mettent en place petit à petit. Gulliver est de en plus en plus volontaire, et à l'approche de la barre, où pour une fois je semble à peu près en place, il ma gratifie d'une impulsion généreuse et entreprend de me faire partager sa science du vol. :)
J'entends une "ooooooh" se soulever de l'assemblée, et La Monitrice nous sort son plus beau sourire (dont j'ai du vous en toucher un mot précédemment) :
- Mon petit Daniel, je crois que tu peux lui faire un gros câlin à Gulliver, parce-que sur ce saut, il l'a bien mérité.
La terre, c'est quand plus sympa vu du ciel. :)

Sur cette bonne note, les plus enthousiastes d'entre nous, c'est à dire les deux bonshommes de la reprise, sont autorisés à "lâcher les chevaux" et passer quelques obstacles au galop, ce dont je ne me prive pas bien entendu. :)


La reprise s'achève, et La Monitrice nous rassemble au montoir.
- Alors, pour ce soir, si vous pouviez les desseller rapidement, exceptionnellement je suis attendu pour un dîner juste après.
- (Une cavalière) Oui, mais on ne traine pas d'habitude !
- Je sais, mais tu vois, tu prends par exemple quelqu'un comme Daniel, il aime bien rester dans le box à faire des papouilles.
- (moi) J'avais bien compris que ça s'adressait à moi...


Quelqu'un me disait qu'il faut tomber cent fois pour faire un cavalier.
Plus que 99.

N'empêche, je suis drôlement vexé...
Mais content. :)

8 commentaires:

  1. J'attendais ce compte rendu avec impatience!

    Ca y est, vous avez gouté à un sol de manège moelleux! :D
    Contente pour vous qu'il s'agisse d'une petite chute sans dommage! C'est le meilleur moyen de la dédramatiser!

    En tout cas, joli reprise de saut! Et malgré la chute, vous semblez vous être bien amusé!

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  2. IL n'y a plus qu'à espérer que les prochaines 99 chutes ne fassent pas plus de dégâts.... Mais ne sois pas vexé ! Tu a été le seul, si j'ai bien compris, avec ton compagnon de sexe, à avoir tenté le saut au galop....

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  3. Sur la fin, oui. Je te rassure, d'autres l'ont passé au galop au cours de la séance, mais ce n'était pas "officiel". ;)

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  4. Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort...
    =)

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  5. ça y est ! Boum Badaboum ! ;)
    Tant qu'il n'y pas de bobo ! Plus que 99 ! =P

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  6. Pour la première fois que je viens sur ce blog (et lu l'intégralité) je trouve qu'il est très bien écrit et que pour un débutant, vous vous en sortez très bien (enfin, d'après vos récits) ! Je trouve aussi (mais je me rappelle pas de comment j'ai commencé) que tout s'enchaine très vite, au bout de 3/4 séances (il me semble) aborder le galop et tout, chapeau !

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  7. Merci ! :)

    Je précise que parmi les cavaliers de la reprise, il y a beaucoup de faux débutants qui ont une ou plusieurs années d'équitation derrière eux.
    Ca permet donc d'accélérer le mouvement, même si d'autres sont un peu plus à la traine, et le talent de la monitrice fait le reste.
    Ouala. :)

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  8. Ah, enfin ! :-D
    Il était temps de choir mon bon ! ;-)

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