jeudi 8 mars 2012

Poussières

Jeudi 09 février 2012

Poussière, tu retourneras poussière. Cette inspiration biblique n'est pas pour faire part du sort funeste de l'un de nos cavaliers, mais pour souligner les étranges conséquences de la vague de froid qui continue de plonger le pays sous des températures largement négatives. En particulier, en empêchant tout arrosage du sol des manèges, tout cheval venant y fouler le sable fait soulever un intense nuage de poussière qui vient envelopper les cavaliers dès que l'allure s'accélère un poil.
J'ai ainsi pu observer le phénomène le dimanche précédent cette reprise, ce brouillard épais empêchant quasiment de discerner les lettres situées à l'autre bout du manège. Les moniteurs portent des masquent de chirurgien et, à l'issue des cours, l'ensemble des protagonistes ressort avec une belle uniformité de couleur ocre me laissant à penser que si la nuit tous les chats sont gris, le jour tous les cavaliers sont jaunes.
En tout cas, ce soir, ils sont tous congelés, ainsi regroupés au sein du bureau où l'une des monitrices maison serre le radiateur tel le Saint-Graal comme si sa vie en dépendait.
Sur la fiche du jour, j'ai la surprise d'être associé pour la première fois depuis longtemps à ce grand bai d'Esparade.
- Ah tiens, ça faisait longtemps, me dis-je en me tournant vers La Monitrice.
- A ce propos, il faut lui remettre le gogue !
- Le gogue ? Jamais installé ce truc-là... J'aurais sans doute besoin d'un petit coup de main.
- Rien du tout, tu te débrouilles !
Marionnette, que j'ai un peu dépanné la dernière fois, se propose de me servir de guide, mais je relève le défi de La Monitrice et refuse poliment la main tendue.
Et puis, on a sa fierté, hein...

Pour aller me plonger dans le smog avec mes collègues, je suis donc accompagné du grand Esparade, dont la mauvaise volonté à se laisser manipuler dans son box commence à devenir légendaire. Ceci dit, ayant réussi avec une certain succès à dépanner Marionnette il n'y a pas si longtemps, je suis intimement persuadé que le grand bai saura se rappeler à qui il a affaire au moment où je pénètrerai dans son antre.
Ben non. Môssieur recommence à faire son difficile, coucher les oreilles, lever la tête et présenter les fesses, il est manifestement de mauvaise humeur une fois encore. Je fronce les sourcil, et commence à gronder la bête en la regardant méchamment. Qu'elle le veuille ou non, elle l'aura, son coup de brosse.
Mais en approchant de la croupe, Esparade fait mine de balancer un coup de postérieur une première fois, puis une seconde quelques secondes plus tard. Cette fois-ci, c'en est trop. Action, réaction, je me rapproche de sa tronche et lui colle sa baffe.
Enfin, "baffe", c'est un bien grand mot. Plus précisément, je viens lui pincer la joue et lui hurlant quelques noms d'oiseaux bien sentis. Il semble surpris de ma réaction, et un coup d’œil à son regard et ses oreilles me confirme qu'il semble revenu à de meilleurs intentions. Je lui adresse une caresse sur le chanfrein, pour vérifier qu'il soit effectivement redevenu paisible et surtout pour mettre fin à ce petit différent.
Je commence à comprendre Marionnette quand elle me signifiait avoir une confiance modérée dans l'engin. Je ressors du box un instant pour lui en causer un brin.
- Euh, Marionnette !
- Daniel, tu m'appelles ?
- Ouaip. Tu avais raison, Esparade, il teste !

Le calme revenu, j'équipe le cheval, en ayant une pointe de regret d'avoir décliné toute aide au moment d'installer le gogue dont les fils forment une magnifique toile d'araignée inextricable. Marionnette finira tout de même me sortir d'affaire en me remettant les fils à l'endroit, qu'elle en soit remerciée !

Le reste de la reprise est du grand classique. Incurvations, hanches en dedans, travail sur des cercles, toute la panoplie de dressage classique y passe avec un Esparade qui se prête à l'exercice avec bonne grâce, en total contraste avec son comportement de rebelle manifesté quelques instants plus tôt.
De toute façon, vue que l'on ne voit pas à deux mètres devant soi, la tentation de faire le con devait certainement être franchement réduite.
Mais le grand évènement de la soirée, c'est avant tout la présence inédite de Night en reprise, la jument frappadingue que seule une poignée d'élus est autorisé à monter. A cet occasion, c'est Top Gun qui s'y colle, façon de justifier quelque part le blase que je l'ai affublé à juste raison.

Il aura fallu à l'issue de la reprise de longues minutes de tapotement pour chasser la poussière et refaire apparaître la belle couleur bleu marine orangée de ma polaire d'hiver.
- Réveille toi, Blondin. Voilà des soldats !
- Bleus ou gris ?
- Ils sont gris, comme nous ! Confédérés ! On va les saluer et après on se tire. Hourrah! Hourrah! Vive la confédération, vive les Sudistes ! Et mort aux Nordistes, ces salauds ! Et vive le Général... Comment il s’appelle ?
- Lee...
- Le Général Lee ! Dieu est avec nous, parce que lui non plus il aime pas les Yankees !
- Dieu n’est pas avec nous, et il déteste les corniauds de ton genre...

Ouin, ouin, ouin...

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