vendredi 18 novembre 2011

Frac en vrac

Jeudi 17 novembre 2011

L'équitation est une discipline éminemment jouissive, capable de nous procurer une bonne dose de bonheur et de chasser en une petite heure toute trace de morosité qui pourrait nous parasiter l'esprit.
D'ailleurs, à la seconde précise où je grimpe en selle, en m'agrippant à la crinière de la bête telle une terreur des cours d'école tirant les cheveux des fillettes, je m'imprime alors un sourire qui ne me quitte le visage que bien après la fin de la reprise et qui m'accompagne généralement jusqu'aux portes de mon sommeil.
A contrario, il existe une équitation stricte, éminemment rigoureuse, et où l'absence de fantaisie et l'excès de sérieux se traduit auprès des cavaliers qui la pratique par un visage fermé et, semble-t-il, hermétique à toute émotion. Et c'est fort dommage. Je considère justement que l'émotion est le principale moteur de l'alchimie qui s'opère entre le cavalier et sa monture, que lâcher un petit sourire de temps en temps est à la fois bon pour le cavalier, et certainement pour le cheval qui, s'il est sensible au stress de celui qui s'accroche à son dos, ne peut que ressentir la joie et la décontraction du cavalier heureux.

Bref, l'équitation qui fait la gueule, ce n'est pas franchement ma nature. Bien au contraire, je m'imagine parfois, en me projetant quelques années dans l'avenir, sur un carré de dressage en tenue d’apparat, frac et haut de forme, déroulant une reprise de haut niveau sur un cheval de grande classe eu rythme d'une musique magnifique. Cette simple idée me fait sourire, comme un gamin qui imagine l'ouverture de ses cadeaux un soir de Noël.
Evidemment, si la reprise tourne au cauchemar, cheval vilain et chute en cascade, faire preuve d'un flegmatisme absolu, quand bien même l'on se retrouve couvert de sable de la tête au pied avec son pantalon blanc, c'est drôlement classe.

D'ici là, ce soir, c'est tenue d'hiver et grosse jument tachetée. Je retrouve enfin la Mô depuis plusieurs mois après le faux départ de la semaine dernière. Manifestement, elle m'en veut de lui avoir fait faux bond au profit de Panzer Quick et refuse net toute velléité de câlins, et encore moins que je lui tripote la crinière. Garce. Elle sera tout de même quitte pour un bon coup d'étrille, elle ne déroge pas à son habitude de se couvrir les flancs de crottin bien frais. Dans l'écurie, résonne cette petite comptine :
- Mowara, elle est caca. Esparade, il est tout crade. Hidalgo, il est tout bô.

A la sortie de l'écurie, c'est toujours plus ou moins la même question qui ressort au moment de rejoindre le manège.
- On fait quoi aujourd'hui ?
- Vu qu'on a sauté la semaine dernière, en principe aujourd'hui c'est dressage, réponds Maricha. D'ailleurs, quelqu'un aurait un stick ?
- Ben, non, lui dis-je. Je n'ai même pas pris ma cravache, alors ! En principe, avec la Mô, c'est un accessoire inutile !
En principe...

Sauf que maintenant, c'est fini les enfantillages. Les longues reprises à faire les coins et tourner comme des bourriques à travailler l'incurvation, nous sommes sensés connaître ça sur le bout des doigts. La Monitrice considère donc que nous sommes assez grands pour passer une étape supplémentaire dans l'art du dressage.
- Aujourd'hui, nous allons travailler les hanch' end'dans.

Ha ! En voilà une nom qui sonne merveilleusement à mes oreilles ! Si l'on commence à travailler trous les trucs end'dans, les grands arcanes du dressage de haute école n'aura bientôt plus de secrets pour nous ! Bientôt passage, piaffer et appuyers, Anky, Edward et les grands étalons noirs germano-néerlandais à x millions d'euros doivent faire dans leur frac à l'heure qu'il est.

Evidemment, cette considération hautement surévaluée ne tient que les quelques instants qui précèdent le début de l'exercice. J'essaye tant bien que mal de mettre en place jambe isolée, jambe de position et couloir de rênes tel que préconisé par La Monitrice, mais la grosse Mô semble relativement peu sensible à mes sollicitations.
- Si votre monture refuse de chasser les hanches, un petit coup de cravache derrière la jambe de position devrait vous aider, précise La Mono.
Sauf que, couillon comme je suis, j'ai laissé la cravache au fond du sac, restant sur l'idée que la Mô fait tout ce qu'on lui demande sans sourciller.
Sauf les exercices de pliage de chevaux, peu aidée il est vrai du fait d'une raideur certaine.

Bon, je ne reste pas là sans rien faire, et faute d'instrument idoine, je prends les rênes d'une main et vient picoter avec mes doigts l'arrière main de la jument pour l'inciter à bouger ses fesses. Elle sursaute un bon coup, et, à ma grande surprise, déplace ses postérieurs en piste intérieure comme précisé dans le manuel. Victoire !
Même topo à l'autre main, où effectivement je regrette de n'avoir pas de stick à disposition pour bouger les fesses de Mowara avec plus de douceur et de discrétion. Il n'empêche, pouvoir plier ainsi sa monture comme les grands est un plaisir de fin gourmet.

Bon, je ne vais investir dans le frac tout de suite, au rythme actuel quelques dizaines d'années seront nécessaires avant que je ne puisse rivaliser avec les cadors du dressage, mais une fois la séance terminée, j'ai tout de même le bonheur de rentrer chez moi avec le sourire aux lèvres.

Et ça, même les meilleurs écuyers du Cadre Noir ne pourront me l'enlever.

4 commentaires:

  1. Votre monitrice ne vous ménage vraiment pas! Je dis ça dans le bon sens, très rapidement vous abordez des exercices qui rendent le dressage vraiment intéressant (parce que l'incurvation et tout ça, c'est bien, faut le travailler, mais c'est pas aussi drole que le reste!)

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  2. Bonjour!
    Je suis ravie d'avoir découvert votre blog. Moi qui ai tenu des "carnets de reprises" pendant des années, je rigole bien en lisant vos récits.

    Ahhhhh...les négociations et les pots de vin avec Pompon ou Princesse pour qu'ils soient sympas pendant la reprises....c'est tout un art.

    Bonne reprise jeudi alors.

    Y

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  3. Salutations équestres !

    Quel bonheur de vous lire ! Hippocampe en est encore plié de rire mais ca lui a donné des idées a ce coquin. Quel plaisir que de voir votre relation évoluer ainsi et de voir enfin un cavalier dont l'humour n'a d'égal que la verve !
    Continuez et amusez vous bien !

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