mercredi 2 novembre 2011

Dans la cour des grands

Jeudi 13 octobre 2011

La Monitrice nous l'avait annoncée il y a quelques temps. Fini les gamineries, désormais, et c'est écrit dans le marbre, nous sauterons toutes les trois semaines. Et justement, ça tombe ce soir.
Je retrouve le GroQuick avec lequel il semblerait que j'ai pris un abonnement saut, me rappelant toutefois que la dernière séance aérienne avait été effectué en partie, et en partie seulement, sur son dos. Quand on se rappelle de la mauvaise aura qu'il inspire et du peu de pratique dont je dispose, je ne me peux m'empêcher de ressentir une certaine fierté à monter un cheval à la réputation sulfureuse au cours d'une séance de saut. Youpi.

Bref, je prends le temps de taper la discut' avec la bête, histoire de sonder l'humeur dans lequel il se trouve ce soir. A ma grande déception, il me parait un peu distant, et semble relativement indifférent aux mots doux et caresses appuyées que je m'efforce pourtant de lui fournir en flux continu. J’espère qu'il ne rentrera pas en mode lourdingue comme ça peut lui arriver parfois, mais je ne le sens pas très réceptif. J'ai entendu dire ici et là qu'il n'aimait pas travailler la nuit, et au vu de l'éclairage limité de la grande carrière, cette séance ne devrait pas lui faire trop plaisir...

Mais je laisse tout ça de côté et achève de le mettre en beauté. Et pour parfaire la préparation de l'engin, il ne me reste plus qu'à mettre en place les jolies protections récemment envoyées par Popy.
J'ouvre le sac, fouille et refouille au fond, et... rien ! Je vide quelques affaires qui encombre l'accès, regarde plus attentivement dans chaque recoin, et... rien non plus ! Merdalors, moi qui pensait crâner de plus belle avec mes derniers accessoires professionnels, me voilà tout déçu de réapparaître sur la carrière tel un cavalier ordinaire !
Dès le retour à la maison, il va falloir que je mette à jour ce mystère...

En attendant de pénétrer tout penaud dans la carrière, j'interpelle Niko rentrant dans le box de Rosire, sa monture du soir.
- Tiens, j'ai fait des cookies ce soir !
- Et moi des muffins, deux parfums, ainsi que des moelleux au chocolat.

J'ai attrapé Quick par la queue et suis alors allé aplatir Niko avec.
Mine de rien, ça fait du bien.

Une fois tout le monde en selle dans la sombre carrière, Qiou me confirme son manque de bonne volonté. J'ai un mal fou à le réveiller, lui faire maintenir les allures lors de la détente et lui injecter un semblant d'impulsion. D'autant que je reste sur mes gardes, n'ayant pas oublié le magnifique mouvement d'épaule qu'il m'avait enseigné trois semaines auparavant.
D'ailleurs, en passant sensiblement au même endroit où il m'avait proprement déposé par terre, il me semble ressentir quelques velléités de récidive. Je ne m'en laisse pas compter et, au moment précis où je sens son encolure frétiller vers le sol, j'applique consciencieusement la jurisprudence Rosire appliquée la semaine dernière, à savoir me redresser promptement et lui relever la tête.
- Ah, tu ne t'y attendais pas à celle-là, hein, mon grand nigaud d'amour ?

Mais Quick a plus d'un tour d'un son sac. A peine ai-je pensé être sorti d'affaire, qu'il fait mine de trébucher en pliant les antérieurs, formant ainsi avec son dos une jolie petite pente qui me fait doucettement glisser vers l'avant. Je me retrouve alors fermement accroché à son encolure, position me permettant ainsi de lui chuchoter à l'oreille :
- Ah, tu vois je suis encore là...
Et à Qiou de finir de me déposer au sol en tournant simplement la tête sur le côté. Et il conclut ainsi :
- Et celle-ci, tu ne t'y attendais pas non plus, n'est-ce pas ?

Je suis admiratif, vraiment. Technique magnifique, second ippon parfait en autant de séance. J'hésite à lui mettre sa rouste tellement son mouvement était d'une grande limpidité. Comment voulez-vous en vouloir à une bestiole qui est capable de tels éclairs de génie ?
D'ailleurs, je suggèrerais de le nommer illico ministre des Sports. Après tout, il n'a pas moins de qualifications que celui qui en occupe actuellement le fauteuil.

Bon, il faut reconnaître que ce gros nigaud a tout de même un talent fou pour me mettre en confiance au moment opportun. Alors que je me réjouissais d'aborder une paire d'obstacles inédite, me revoilà en train de royalement pisser dans mon froc au moment de se lancer dans l'inconnu. Je suis tellement tendu que j'en oublie royalement l'exercice à effectuer. Celui-ci mérite pourtant le détour.

Un premier obstacle est dressé sur la diagonale. Quelques mètres plus loin est disposé un gros plot bleu sur lequel La Monitrice a tranquillement pris place. Et il s'agit, juste après avoir négocié ce premier vertical, de virer suffisamment court afin de passer devant elle avant d'effectuer un quasi-tour complet avant d'affronter le second vertical disposé dans la largeur. Un joli petit enchainement auquel je ne m'étais encore jamais frotté.

Une fois que la plupart de mes collègues y soient passés, il faut bien que je me décide à aller au casse-pipe. Et le seul moyen que j'ai trouvé d'évacuer la pression, c'est de me dire que je suis déjà mort.
Et là, ça va tout de suite mieux. Qiou part au petit trot, m'emmène devant le premier obstacle et m'offre un joli petit vol sans histoire.

Bon, j'admets, GroQuick me redonne confiance aussi vite qu'il me l'enlève. Il m'a suffit de ce simple petit saut pour démystifier l'exercice, à tel point, que j'en oublie de tourner serré devant ce fichu plot... Remontrance de la Monitrice, je demande alors le galop pour aller franchir la seconde barre aussi tranquillement que Quick m'a fait passer la première.
Il a quand même quelques bon moments, le bougre.
Pour les passages suivants, il fera preuve d'une incroyable mauvaise volonté pour prendre le galop, mais au moins, sur les barres, il est drôlement choupi.

On ne peut en dire autant de Rosire. Ce bogoss a une technique encore un peu rustre pour franchir les obstacles, probablement inspirée des meilleurs sauteurs en hauteur. Non pas qu'il les passe en Fosbury, mais il a une fâcheuse tendance à piler juste avant la barre avant de la franchir dans un trajectoire assez proche d'une chandelle rugbystique. Le cavalier est donc d'abord projeté vers l'encolure avant de repartir aussi sec en arrière.
Niko, monté sur sa selle, n'y est manifestement pas préparé et termine ainsi par terre par un magnifique plat sur le dos auquel il ne se remettra pas.
Éliminé.

Et oui, nous ne partageons pas que les pâtisseries, nous partageons les gamelles aussi...

A l'issue de deux ou trois passages chacun assorti de chutes diverses, La Monitrice nous rappelle à quel point le regard est important pour diriger la trajectoire et que nous avions largement la place de virer sec après le premier obstacle.
Et qu'elle va nous en faire la démonstration en envoyant Priaple, un cheval de propriétaire, et sa cavalière sur les barres qu'elle a très généreusement relevées, bien au-delà de nos propres capacités. Du moins, des miennes.
Et là, nous assistons sous nos regards admiratifs à une magnifique leçon d'équitation. Un enchainement propre, fluide et aérien qui nous aurait mis sur le cul si nous n'étions pas déjà assis sur une selle.
Priaple passe et repasse encore au fur et à mesure que les barres continuent de monter vers des côtés vertigineuses.
- Mais, euh... Il y a combien là ?...
- Juste 1m10.  Mais là, c'est pour faire facile, hein !

J'ai cru un bref instant que La Mono allait nous demander d'y aller à notre tour, mais sur cette belle démonstration, nous sommes renvoyés vers nos boxes encore tout ému du spectacle qui nous a été offert ce soir.
Je remercie Quick pour le bon moment qu'il m'a fait partager en dépit de ses multiples facéties, et je rejoins le bureau où Niko a déjà déballé ses amuses-bouches.

Même éclopé, il m'énerve.

§

De retour à la maison, je jette un coup d’œil dans la chambre de ma fille où celle-ci fait un gros dodo. A côté de ses doudous, il y a un grosse peluche cheval toute noire à laquelle elle est très attachée.
Un détail m'intrigue pourtant dans la semi-pénombre... Je plisse les yeux, les laisse s'habituer à l'obscurité... et retrouve sur ses pattes les fameuses guêtres et protège-boulets qui m'avaient fait défaut ce soir !

Coquine, va

3 commentaires:

  1. Un cours bien mouvementé!
    Et un exercice très intéressant.
    En espérant que tu te sois bien remis!

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  2. "intérieur" = antérieur ;)
    Encore un cours riche en émotion dis moi !

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