mercredi 22 juin 2011

Métamorphoses

20 juin 2011

Il est toujours délicat de se lancer dans la rédaction d’un article au lendemain d’une séance d’équitation particulièrement riche en émotions. Je ne sais pas vraiment par quel bout entamer le récit, je suis en sorte saisi par cette fameuse angoisse de la page blanche au moment de porter par écrit les évènements particuliers de la veille. Certes, avec un petit effort, j'arriverai bien à pondre ces longues phrases alambiquées et interminables que j'affectionne tant, en prenant un malin plaisir à partir dans tous les sens et ainsi faire perdre le fil de la conversation au lecteur inattentif. Et si j'étais franchement pervers j'irais même jusqu'à carrément supprimer les ponctuations de la phrase et de l'article entier et ainsi ensevelir ce même lecteur sous un infernal déluge de mots jusqu'à l'étouffement complet ce que même Perrec n'aurait jamais osé.
Oui, vous l’avez peut-être noté, c'est aussi la journée du Bac Français. L'occasion pour beaucoup de se retrouver seul avec son crayon et sa feuille de papier et de se confronter à cette même phase d’angoisse littéraire. C’est la période des examens, et les cavaliers n'y échappent pas !
Donc, l’introduction, c’est fait.

Pour cette reprise particulière, afin de présenter au mieux, je fais une toilette complète à Gulliver comprenant tresses, natte de queue et poil brillant. En bonne petite peste que je suis, c'est le moment ou jamais d'impressionner la galerie. Je suis toutefois un peu surpris de me retrouver avec le noiraud, car il est question de sauter ce soir, et Okilébo n’a pas bonne réputation dans cette exercice.
D’ailleurs, à peine ai-je mis les pieds dans la carrière que La Monitrice vient me voir en s’excusant presque de m’avoir attribué cette monture :
- Bon, Daniel, c’est Gulliver, tu sais comment il est au saut, hein ? Mais je n’avais rien d’autre sous la main…
- Bah, je vais me débrouiller !

A peine la détente entamée, je suis de suite convoqué par La Mono pour mon épreuve orale. Toute la théorie des filets, de la selle, du pansage et des robes sont au programme, cette diablesse de Mono allant même jusqu'à essayer de m'embrouiller avec les café-au-lait et les isabelles, mais il me semble m'en tirer plutôt correctement pour la partie théorique.

La partie pratique se compose de petits deux sauts à enchainer à différentes allures. Le premier le long du pare-botte à passer au galop, le second à effectuer au trot après avoir parcouru trois-quarts de cercle.
Mais dès les premières mises en jambe effectuées au trot, il apparaît que Gulliver n'est pas du tout disposé à me faciliter la tâche. Les refus s'enchainent les uns après les autres, me faisant ainsi bien comprendre que mon examen, je vais devoir aller le chercher avec les dents.

Au bout de la cinquième ou sixième tentative, quelques mètres avant l'obstacle, Gulli prend deux foulées de galop me faisant ainsi espérer qu'il est enfin lancé sur de bons rails pour franchir ce fichu vertical.
Ben non. Magnifique sliding-stop du noiraud qui m'envoie ainsi franchir l'obstacle en parfaite autonomie. Bonne grosse gamelle sur le dos, en partie amortie par le protège-dos d'un côté et par mes fesses de l'autre. Résultat : un premier hématome généreux et une crampe à chaque mollet.

Quelques étirements plus tard, je remonte en selle pour franchir, non sans mal, le vertical au galop avant de me présenter face au second obstacle à franchir au trot.
Et rebelote : refus, arrêts, reculades, écarts, Gulliver, qui semble pété de trouille par l’exercice nous ressort toutes les figures de dressage du catalogue international en lieu et place du petit saut riquiqui que je désespère d'effectuer devant La Monitrice. A la énième tentative, je finis tant bien que mal par le remettre aux ordres, et dans un élan de générosité inouï, Gulliver finit tout de même par franchir ce damné obstacle.
De manière préventive, je m'accroche à la crinière comme un mort de faim, mais en pure perte. Par un dernier effort, Gulli m'envoie une fois encore compter les grains de sable de la carrière. Une bonne chute sur la hanche, là il ne se trouve pas de gras pour amortir, qui étale par terre un peu plus d'amour-propre. Je ramasse ce qui m'en reste et remonte en selle sur le champ, faisant fi des quelques douleurs qui commencent à me piquer l’ensemble du bassin. Mes camarades semblent inquiets et viennent régulièrement prendre de mes nouvelles…

Afin de terminer sur une note propre, La Mono me propose d'échanger ma monture avec une Mowara nettement plus volontaire pour refaire le parcours dans les règles de l'art. Je m'y applique, magnifiquement porté par cette jument choupinette. J'ai toutefois quelques difficultés à garder les fesses sur la selle, je finirai la reprise en équilibre, que je trouve pour l'occasion infiniment plus confortable.

Au moment de descendre de cheval, étrangement, j'ai comme quelques difficultés à faire passer ma jambe par dessus la croupe de Mô. Au moment précis où j'ai posé les pieds par terre, j'ai rapidement compris que le reste de la soirée allait être particulièrement longue…

J'arrive péniblement à raccompagner Mowara dans son box pour ensuite rejoindre un banc salutaire. A la sortie de l'écurie, un monsieur à la bonne tête d'ancien légionnaire à la retraite me voit passer boitant bien bas et s'étonne ainsi :
- Ben alors ? Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ?
- C'est Gulliver qui ma foutu deux fois par terre.
- Gulliver ? Qu'est-ce qu'il lui a pris à celui-là ?
- Ben, il ne voulait pas franchir les obstacles, alors je les ai franchis tout seul...
- Ah, je vois ! Et encore, heureusement que ce n'était pas Quick !
La Mono arrive alors et lui répond :
- Très honnêtement, je pense qu'il aurait préféré Quick !
Oh que oui... 

Rallier le restaurant du coin où une petite bouffe est improvisée s'avère être un pénible chemin de croix, avec la crainte de ne plus pouvoir me relever une fois les muscles et les articulations bien refroidis sur le fauteuil.

Ce fut le cas. La jambe droite a définitivement été abandonnée au milieu de la carrière, la soirée s'est donc terminée dans le service de radiologie de l'hôpital du coin. Je me suis mis à espérer quelques temps qu'Infirmière Popy viendrait me faire ma piquouse, mais en lieu et place ce fut le médecin orthopédiste de service qui est venu m'annoncer qu'elle n'avait rien décelée à la radio et que je pouvais par conséquent rentrer chez moi.
- Mais, euh... Je ne peux pas mettre un pied par terre !
- Ce n'est pas grave, on vous ramène quand même.

Ce fut donc quelque part une nuit magique. La chenille Galop Zéro s'est transformée en papillon Galodeux.
Et la petite peste de cavalier que je suis s'est transformée en vilain docteur House pour quelques jours..

Kafkaïen tout ça, non ?

§

Passée une journée avec une bonne grosse baisse de moral le mardi, je ne lui en veux finalement pas à ce brave Gulliver. Je serais même presque prêt à recommencer si nécessaire…

7 commentaires:

  1. Nom d'une pipe ! Quelle soirée ! C'est quel galop que tu passais ? Tu as droit à un rattrapage ?

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  2. "La chenille Galop Zéro s'est transformé en papillon Galodeux"

    Brigitte, je crois bien que notre cher Tigre Rose a obtenu son galop 2!!!

    Bravo d'ailleur, malgré les chutes, tu ne t'es pas démonté et tu y es retourné!
    Peut être un peu de stress au vue de l'examen? Ou tout simplement... pas le bon jour!

    C'était le dernier cours de l'année?
    En espérant que ça ne t'es pas refroidi pour tes prochaines aventures équestres que j'espère bien lire dès la rentrée prochaine! (ou peut être même quelque chose est-il prévu pour cet été!?!)

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  3. Hé bien, si c'est le cas : champagne !

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  4. Ouaip !

    Le stress, je pense qu'il était plutôt du côté de la monture. Ce pauvre Gulliver avait l'air terrifié !

    Alors autant le lendemain j'avais le moral dans les chaussettes, autant j'ai hâte d'y retourner, y compris sur ce même Gulli ! ^^
    En principe il me reste un cours lundi soir, mais je ne pense pas être en état de l'assurer. Je vais tâcher de le déplacer à la fin de la semaine. :)

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  5. Ah oui, ça t'as mis un coup au moral quand même?! Mince...

    Mais je suis désolé de te dire ça, ça ne sera pas la seule remise en questions et les seuls doutes de ta vie de cavalier... L'équitation est une super école d'humilité!
    Le principal, c'est de se remettre en selle! Et promis, très vite, les doutes s'envole et on réussi l'exercice!

    Bon j'espère que tu vas vite te remettre en état!

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  6. Depuis hier soir, j'arrive à peu prêt à marcher droit, mais il sera sage je pense de reporter mon cours de lundi prochain...

    J'en ai profité pour rajouter un petit paragraphe au récit. ;)

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  7. Aie Aie Aie... Coup dur, mais tout de même galop 2 ! GG !!!

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